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Barack, as-tu du coeur...?

Publié le 28 janvier 2009 par Jean-Philippe Immarigeon

Je suis tombé sur les forums Yahoo Groups sur un post intéressant, en réponse à la mise en ligne de mon article sur Guantanamo, fort méchamment c’est vrai titré Barack l’Imposteur :

« Je ne comprends rien au message ci dessous (mon post). En application de la constitution des Etats Unis, le gouvernement applique la politique du président, le président décide la fermeture de Guantanamo en application de son programme électoral, le gouvernement prendra les décisions relatives à cette fermeture. Obama était le candidat du parti démocrate, le parti démocrate est majoritaire au Congrès, le Congrès votera pour la fermeture de Guantanamo. Quant à la Cour suprême, qui saisira la Cour suprême contre cette décision de fermeture de Guantanamo. Qui faisait quoi depuis 2002 contre Guantanamo ? Ou est le problème ? »

C’est exact mais c’est plus compliqué que cela. Et voir l’Amérique avec les yeux de Chimène aveugle les Européens sur sa vraie nature :

- Guantanamo est-il le résultat d’un droit d’exception ? Non.

- Le camp a-t-il été « validé » par le Congrès et la Cour Suprême ? Oui.

- Les procédures arbitraires qui s’y appliquent l’ont-elles été ? Oui, et il a fallu attendre le 12 juin dernier, soit 7 ans, pour que la Cour demande l’application des règles minimum de l’Habeas Corpus.

- Les prisonniers ont-ils un statut reconnu par le droit européen et la Convention de Genève ? Non.

- Ont-ils un statut défini en revanche par le droit américain ? Oui, et dans un arrêt Boumédienne vieux de quatre ans, c’est celui que les juges américains sont allés rechercher dans la Common Law anglaise du XVIIIème, celui de ressortissant d’un pays neutre détenu sur les pontons du roi d’Angleterre durant les guerres contre la France – en l’occurrence un pauvre Scandinave qui avait été fait prisonnier sur un navire français et qui avait saisi la High Court de Londres (voir Sarko l'Américain et L'imposture américaine).

Et très concrètement (lisez l’Executive Order d’Obama du 22 janvier), le camp va être fermé, mais les prisonniers ne seront pas tous remis en liberté pour autant. Et ce sont eux qui saisiront de nouveau les juges.

Bien sûr que la démocratie, c’est la capacité pour une majorité parlementaire de se déjuger (c’est même ainsi que la définissait Rousseau, dans cette remise en cause permanente des décisions de la veille, puisque « vous ne sauriez dire pourquoi je vous obéissais sans me dire en même temps pourquoi je ne vous obéis plus »). Mais ce que dit donc Obama (et il faut faire très attention à ses critiques violentes et profondes, conscientes ou non, des institutions américaines, par-delà des louanges répétées), c’est qu’une même Constitution ne peut faire tout et n’importe quoi un jour, et le lendemain exactement son contraire, sans que cela pose un problème et surtout ne soulève une question : de quelle nature est cette Constitution américaine, qui aura accompagné durant huit ans un camp de concentration dont personne dans nos régimes parlementaires européens n’osera jamais émettre l’ombre du commencement de l’hypothèse ?

Mais tout le monde mettra son mouchoir sur cette question, et le show américain continuera.

C’est cela, le rêve américain.


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