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L’impôt juste, ce graal des sociétés libérales

Publié le 19 août 2007 par Frednetick

Sans impôt pas d’Etat, sans Etat pas de règles, sans règles pas de société.

C’est fou ce qu’un homme intelligent peut faire. Résumer en 14 mots la raison ultime pour laquelle nous devons tous consentir à l’impôt. Cela tombe plutôt bien puisque c’est justement le nom de l’ouvrage écrit par l’auteur de cette phrase1 , André Barilari, Inspecteur général des finances de son état.

Si l’on veut bien accepter que même le libéralisme doive connaître des règles, alors même les libéraux les plus fanatiques fervents sont portés à admettre non seulement la nécessité de l’impôt mais aussi sa légitimité, ce qui ne revient pas tout à fait au même.

Si tout le monde s’accorde à penser que le prélèvement effectué par l’Etat est légitime, alors pourquoi diable est-ce encore un sujet de discussions houleuses, enfièvrées et partisanes?

Tout simplement en raison d’un curseur que l’on ne s’accorde pas à fixer au même endroit. Quelque part entre redistribution et simple répartition, la gauche et la droite se crèpent le chignon, justifiant leur position par de grandes déclarations idéologiques au sein desquelles ont peine à distinguer un échantillon de pragmatisme.

D’un côté le souci de ne pas nuire à la compétitivité des entreprises et à l’initiative entrepreunariale. Une belle idée qui se défend mais qui peine un peu à trouver une réalité économique si l’on s’en tient à une formulation basique. C’est pourtant ce que font nos plus ardents défenseurs du moins d’impôts, suivis comme un seul homme par tous les ministres du gouvernement actuel et par notre bien aimé président.

Il est d’ailleurs assez piquant de constater que les deux premières mesures de Nicolas Sarkozy ressemblent comme deux gouttes d’eau à celles prises par Georges W Bush lors de son entrée en fonction, baisse des impôts des plus riches et quasi disparition des droits de succession, avec pour but affirmé de permettre une relance de l’économie. Ce qui à l’époque avait soulevé des objections de la part de nombreux économistes.

Pourquoi? En raison principalement d’un truc appelé la propension à consommer. Il s’agit grosso merdo d’un indicateur permettant de “prévoir” ce que les ménages vont consommer avec chaque unité de revenu supplémentaire, et ce qu’il vont épargner. Or les plus hauts revenus épargnent plus qu’ils ne consomment chaque unité supplémentaire. Relancer la consommation par une baisse des impôts des plus favorisés relève donc au minimum d’une belle croyance en un sentiment de devoir qui n’existe probablement pas, au pire d’un aveuglement crasse.

D’ailleurs, aux EU cela a entraîné le début du déficit actuel, abyssal, sans pour autant relancer la machine.

Moins que l’idée des impôts c’est donc de déterminer à qui doit profiter la baisse, c’est selon. En cas de faiblesse de la consommation (et donc de la demande) c’est aux plus démunis, en cas de faiblesse de l’offre (manque d’investissement notamment) c’est plus l’épargne qui doit être favorisée et donc à priori les plus à même d’épargner.

Mais voilà qui a entendu parler d’un diagnostic préalable?

De l’autre côté l’idée assez recevable que les plus riches devraient participer plus fortement au financement de la redistribution. En gros, plus un système est progressif plus il est “juste”.

Or en France l’impôt progressif par excellence, l’impôt sur le revenu ne pèse que 20% des recettes, contre 44% pour la TVA impôt hautement régressif puisque tout le monde paye le même montant pour le même achat. Présentation à tempérér cependant puisque la base sur laquelle s’applique chaque impôt joue aussi un rôle important.

Un impôt juste c’est donc un prélèvement qui permet d’assurer une progressivité, mais qui touche aussi une base large (65% de l’IR est assumé par 10% des contribuables), ce qui n’est actuellement pas le cas, et qui permet à chacun de prendre conscience de sa place dans la société.

A cela s’ajoute une couche morale qui fait en tout état de cause la différence.

Est-ce le rôle de l’impôt que de rétablir l’égalité entre citoyens? Les prélèvements étatiques doivent-ils venir atténuer des différences de salaires, de revenus et de patrimoines?

Dans l’esprit de Nicolas S & consorts, c’est non. Le mérite de chacun détermine le revenu, les responsabilités, les patrimoines.

Ce qui passe sous silence la reproduction patrimoniale née des successions et l’influence du milieu de développement sur les revenus des français.

En oubliant de parler des raisons fondamentales qui prédéterminent en partie la destinée de chacun, ces gens oublient que la richesse, les revenus et les patrimoines n’ont parfois rien à voir avec le mérite personnel.

L’impôt juste n’existe donc pas puisqu’à partir d’une mesure qui popurrait être purement mathématique chacun y greffe sa propre grille de valeurs, sa propre grille de lecture.

L’individu ou le collectif, c’est la question première que devrait se poser les décideurs politiques.

L’homme est un animal politique, c’est aussi un animal social, certains semblent un peu vite l’oublier.

  1. Le consentement à l’impôt Presses de Sc-Po 2000 [Retour]

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