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Dany le Vert, de l’espoir à l’inquiétude des grèves

Publié le 29 janvier 2009 par Sylvainrakotoarison
Pragmatisme, réflexions poussées sur la société d’aujourd’hui, esprit de responsabilité, conscience de l’importance de la dimension européenne des enjeux… mais pourquoi donc Daniel Cohn-Bendit milite-t-il encore dans un groupuscule gauchiste ?
Ce 28 janvier 2009 sur France 3, un ancien révolutionnaire était l’invité principal de Frédéric Taddeï dans l’émission "Ce soir ou jamais" aux côtés de l’économiste Serge Latouche, de l’ancien collaborateur de Jean-Pierre Raffarin Hakim El Karoui et du sociologue adhérent de la LCR Philippe Corcuff.
Un soixante-huitard sexagénaire
À la veille de la "grande grève", Daniel Cohn-Bendit, le visage marqué par le temps (il aura 64 ans le 4 avril prochain, soit l’âge de la première élection de François Mitterrand ou de Jacques Chirac), n’a cependant pas perdu ni de sa fougue oratoire ni de sa cohérence politique.
Certes, deux autres invités se sont amusés à le renvoyer dans le passé, insistant sur sa génération, celle du baby boom, qui a connu la prospérité, les Trente glorieuses, la croissance effrénée…
De l’importance du pragmatisme en politique
Lui au moins, il avait un avantage sur ses contradicteurs, c’est un politique, et en tant que tel, son discours traduisait bien la devise de l’action politique : rendre possible le souhaitable. En clair, "rendre", c’est amener les choses pour faire évoluer dans le "bon" sens (le "bon" étant tout le débat politique). Bref, c’est être pragmatique avant tout. Alors que la plupart de ses interlocuteurs restaient fermés sur un véritable totalitarisme de la pensée, notamment Serge Latouche, économiste qui a écrit un bouquin sur la "décroissance", mot magique qui ne veut rien dire.
Critiquant les premières décisions sur l’environnement du Président américain Barack Obama, Serge Latouche a déclaré que « la croissance verte est un bel oxymore ». Il veut une rupture radicale pour changer le système et considère même de façon totalement irresponsable la crise financière comme heureuse : « La crise est pour moi une bonne nouvelle. »
Heureusement, Daniel Cohn-Bendit, en bon politique, rappelle que la crise fait des victimes et qu’on ne peut pas s’en réjouir : « Je ne suis pas tout à fait d’accord parce qu’il y en a qui souffrent beaucoup. »
C’est la différence entre idéologie et politique, celle de se préoccuper du bien des gens avant de vouloir à tout prix appliquer ses idées : « Je crois qu’un politique doit être radical dans la tête et radicalement pragmatique dans le quotidien pour faire avancer les choses s’il a une orientation politique. »
De l’utilité de la construction européenne
Pragmatisme en effet pour réussir à être efficace dans le changement tout en restant démocrate, car c’est bien de cela qu’il s’agit : les révolutionnaires (de salon), si on les écoutait, couperaient de nouveau des têtes et se moqueraient comme de l’an 1793 de l’avis du peuple.
Pragmatisme pour la démocratie mais aussi pour la diplomatie : il n’y aura pas d’effet planétaire sur l’environnement si une politique concertée avec tous les gros États pollueurs n’est pas initiée. Pas seulement les Occidentaux (Europe et Amérique du Nord, encore que les États-Unis, jusqu’à la semaine dernière, fussent à la traîne sur ces questions) mais aussi l’Inde et la Chine par exemple.
Or, la meilleure intuition de Daniel Conh-Bendit, c’est que le meilleur moyen de négocier avec les Chinois (notamment) et de les convaincre d’adopter des mesures antipollution, c’est justement l’Union Européenne parlant d’une seule voix et faisant bloc. Avec cette autre intuition qui est que le Parlement européen va prendre de plus en plus d’importance décisionnelle et que les élections européennes de juin 2009 vont être essentielles dans ce débat sur l’environnement mondial.
1968, c’est du passé
Dany le Rouge s’est effectivement transformé en Dany le Vert… ou même Dany l’Orange ? Le Vert et le Pragmatique. Ses propos mesurés, posés et modérés sont sans doute le fruit d’une maturité politique et de son expérience des responsabilités (il a été adjoint aux affaires multiculturelles à la mairie de Francfort de 1989 à 1997).
Parmi ses propos intéressants, celui, modeste, de dire qu’il faut arrêter avec mai 1968, qu’il faut l’oublier, que les temps ont changé et qu’il faut éviter de revenir sans cesse à cette période.
Il a d’ailleurs expliqué dans une conférence au Canada en mars 2008 que si Nicolas Sarkozy avait relancé le thème de mai 1968 pour s’y opposer à trois jours de l’élection présidentielle de 2007, c’était pour éviter l’alliance contre lui des électeurs de Ségolène Royal et des électeurs de François Bayrou.
2009 vs 1968
Il a fait une comparaison entre 1968 et 2009 assez modérée en disant qu’en 1968, il n’existait ni le chômage de grande ampleur, ni les connaissances sur le changement climatique, ni le sida.
Pour Daniel Cohn-Bendit, la société actuelle est beaucoup plus difficile que celle de sa jeunesse, et il est très difficile de donner une réponse simple à tous les défis d’aujourd’hui.
En 1968, la grève était une grève d’espoir, avec des lendemains qui pourraient chanter alors qu’en 2009, la grève n’est qu’une grève d’inquiétude, de malaise.
Il a également comparé les deux chefs de l’État : Charles De Gaulle était trop distant par rapport au monde, ne comprenait plus les gens… alors que Nicolas Sarkozy, lui, le comprend trop bien, essaie d’exploiter le monde tel qu’il est, sans distance, sans recul (pour Daniel Cohn-Bendit, c’est pire que de ne rien comprendre).
Utilité de la pratique politique
Tous les cinq ans, Daniel Cohn-Bendit fait parler de lui en France en se présentant aux élections européennes. Il a toujours eu du mal à choisir pour son terrain politique entre la France et l’Allemagne, et il est bien regrettable que ses propos soient rapidement inaudibles lors des échéances nationales françaises par un manque d’engagement de sa part.
Daniel Cohn-Bendit, pourquoi ne rejoignez-vous donc pas d’autres écologistes dans un parti qui a l’ambition d’être gouvernemental et mettre bientôt en application vos propres idées ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (29 janvier 2009)
Pour aller plus loin :
Émission "Ce soir ou jamais" du 28 janvier 2009 sur France 3.
Débat Valéry Giscard d’Estaing/Daniel Cohn-Bendit (décembre 2008).
Daniel Cohn-Bendit sur la même longueur d’onde que François Bayrou (mars 2007).
Pour en finir avec mai 1968 (vidéo du 17 mars 2008).




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