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Monteverdi - Teatro d'Amore : la liberté et la sensualité enfin retrouvées !

Publié le 31 janvier 2009 par Philippe Delaide

Jusqu'ici, tous les interprètes de Monteverdi, y compris parmi les plus prestigieux et les plus pertinents (comme Gabriel Garrido), ont toujours voué un respect très solennel au texte du maître de Mantoue, comme si la grandeur manifeste de sa musique poussait à une docilité absolue, guidée par une forme d'intimidation.

Avec Teatro d'Amore, Christina Pluhar démontre à nouveau à quel point le retour à la spontanéité, à la fraîcheur s'avère particulièrement efficace, y compris avec un "monument" comme Claudio Monteverdi. Ne nous méprenons tout de même pas. La perfection technique est bien là, la maîtrise de la rhétorique propre aux compositions vénitiennes du XVIème siècle parfaitement maîtrisée. Ces fondamentaux étant bien calés, Christina Pluhar lance son ensemble l'Arpeggiata, avec les quelques superbes chanteurs qui l'accompagnent, dans le "grand saut". Il s'agit de revenir à une liberté de ton, voire aux plaisirs de l'improvisation, pratiques qui étaient, rappelons-le, assez fréquentes à la charnière de la Renaissance et du Baroque.

Pour s'adonner à cet excerce où, finalement le vrai plaisir de faire de la musique est enfin mis à jour, Christina Pluhar dispose d'un choix de premier plan : le VIIème livre de madrigaux, avec le fameux Combat de Tancrède et Clorinde, mais surtout le sublime VIIIème livre de madrigaux ("de guerre et d'amour"), l'opéra avec le Couronnement de Poppée, quelques "canzonetta".

Teatro d'Amore Montverdi Arpeggiata
Dans ces textes, où la référence subtile et voluptueuse à l'amour cohabite avec la fougue guerrière du "Combattimento", Christina Pluhar prend, je trouve, le parti de la sensualité, y compris dans les extraits qui doivent être habités par le style "concitato" insufflé par Monteverdi.

Avec la participation très inspirée de Philippe Jaroussky et Nuria Rial, l'ensemble Arpeggiata nous baigne alors dans un monde Monteverdien très personnel, d'un charme fou et d'une liberté de ton unique.

Cet ensemble met bien en évidence la puissance évocatrice de grands airs comme le magnifique Pur ti miro du Couronnement de Poppée avec un Philippe Jaroussky et une Nuria Rial au timbre cristallin qui nous transportent littéralement dans les cieux, l'élégiaque Si dolce è'l tormento ou le grave Interrotte speranze, tiré du Combat de Tancrède.

Elle fait aussi ressortir avec un naturel confondant la fraîcheur de ritournelles comme la Damigella tutta bella où le théorbe, le luth, la guitare baroque et le cornet redoublent de virtuosité et "concertent" au sens monteverdien du terme, c'est à dire se livrent à une petite joute musicale.

Le plus audacieux, et parfaitement réussi, dans ce disque est la déclinaison "jazzy" et jubilatoire de Ohimè ch'io cado et de Chiome d'oro où respectivement Philippe Jaroussky et Naria Rial dévoilent leur talent d'improvisation avec une musicalité exquise et des accompagnateurs malicieux. C'est franchement déroutant au tout début mais tout à fait cohérent et on se prend à être aussi enivré par cette nouvelle forme de lecture.

Ma seule petite réserve, vraiment mineure, est une lecture du fameux Lamento de la Ninfa, que j'aurais préférée plus lente, suspendue, interrogative (je suis resté à jamais marqué par la version unique d'Edwin Loehrer avec le "Lugano Chamber Society Orchestra & Chorus").

Ce disque qui restitue une lecture contemporaine décomplexée de Monteverdi revient finalement à l'esprit de cette musique en faisant souffler un accent de liberté impressionnant.  C'est vraiment une très belle réussite et une introduction conseillée aux compositions madrigales et lyriques de Monteverdi, notamment à l'intention de celles et ceux qui, à tort, n'osent pas écouter ce répertoire de peur d'être confrontés à une musique trop savante.

A noter en fin l'excellente qualité d'enregistrement du disque.

Lien direct vers le site dédié au disque pour plus de détails.

Pour ma part, je ne me lasse pas de l'écouter savourant chaque note de ces sublimes compositions.

A noter que l'ensemble Arpaggieta se produit en concert avec le même programme lundi 2 février à la Salle Gaveau.

A titre d'illustration de la haute tenue de l'album, ci-dessous, quatre minutes de temps suspendu et d'envolées célestes par Philippe Jaroussky sur Si dolce è'l tormento et tirée du site youtube :

Monteverdi - Teatro d'Amore - L'Arpaggiata - Christina Pluhar - label Virgin Classics.


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