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Les fous sont lâchés : l'article dont VOUS êtes le héros (première partie).

Publié le 02 février 2009 par Kelin

Les fous sont lâchés : l'article dont VOUS êtes le héros (première partie). 1°/ Introduction :

Bienvenue dans ce pays fantastique qu’est la Chine. Bienvenue aussi dans le monde fantastique du jeu de simulation. Cet article, très différent du format habituel, par pur souci de coller à la mode de l’interactivité, vous permettra de vous incarner dans la peau d’un français expatrié en Chine. Le principe est calqué sur celui des « livres dont VOUS êtes le héros » qui fleurissaient sur les étagères des bibliothèques adolescentes il y a une vingtaine d’années. Rassurez-vous, les règles du jeu sont élémentaires, et le but est en très simple : vous êtes un français vivant en Chine, et vous devez régler votre facture d’électricité. A travers vos choix, vous vivrez de fabuleuses aventures ludiques qui sortiront des sentiers battus, du thé et de la soie, des temples et des pagodes, du taoïsme et du confucianisme, pour rentrer plus en profondeur dans l’obscurantisme hilarant du système administratif d’une dictature communiste. L’objectif avoué est, en vous impliquant (car au cours du jeu, vous restez seul maître de vos choix, et décidez vous-mêmes de vos options), est de vous faire appréhender les difficultés auquel un expatrié est confronté dans une contrée si lointaine, pour régler pourtant un problème somme toute très basique, à savoir payer ses factures.

Dernier note, introductive et photographique : "les fous sont lâchés" étant un jeu, il m’a paru adapté de n’y faire apparaître que des clichés d’enfants. Par ailleurs, du fait de sa longueur, ce jeu est présenté en deux parties, dont la seconde suit dans un deuxième article.

2°/ Les règles du jeu :

Munissez-vous d’une simple pièce de monnaie, d’une feuille de papier et d’un stylo. Si vous ne disposez ni de papier, ni de stylo, un peu de mémoire fera amplement l’affaire. Si votre impécuniosité ne vous permet même pas de disposer de la moindre pièce de monnaie, vous n’aurez qu’à choisir mentalement entre « pile » et « face » quand, au cours du jeu, cela vous sera demandé.


2-1°/ Le personnage que vous incarnez :


Vous êtes Christophe, un français vivant Chine depuis six ans. Vous vivez à Ling Tang Xin Cun, un quartier populaire du centre-ville de Suzhou, à quatre-vingt dix kilomètres de Shanghai. Dans votre quartier, vous êtes le seul étranger. Donc, tout le monde vous connaît. Par contre, vous ne connaissez personne. Même si vous avez emménagé dans la résidence il y a trois ans, les commerçants continuent de vous saluer dans l’hilarité la plus complète, et les passants vous observent toujours avec surprise. Car en Chine, les étrangers ne sont pas légion.


2-2°/ Votre environnement social :


Vous vivez avec Cai Li, votre fiancée chinoise. Cai Li a monté un magasin de vêtements pour adolescents dont elle assume la direction, et au sein duquel elle travaille les week-ends. Cai Li est un peu à Christophe ce que Chan est à Tintin, ou Demie Lune à Indiana Jones.


Votre meilleur ami chinois s’appelle Wang Ke Rong. Vous le connaissez depuis votre arrivée en Chine, et avez développé ensemble une belle amitié... Et même un peu de business. Par ailleurs, Wang Ke Rong suppléait très largement à vos interrogations culturelles. Wang Ke Rong est un peu à Christophe ce que Monsieur Spock est au Capitaine Kirk.


Le fils du propriétaire de votre appartement, un ado de quinze ans à l’anglais estomaquant, s’est choisi le patronyme occidental « Mason ». Vous ignorez son nom chinois : nombreux sont les chinois qui, pour des raisons tant de facilité que ludiques, se choisissent un prénom anglais pour communiquer avec les étrangers. Même s’il est charmant, il passe parfois chez vous à l’improviste, pour vous emprunter des DVD de films américains, alors que vous préfèreriez rester peinard. Mason est un peu à Christophe ce que la mouche est au coche.


2-3°/ Au début du jeu :


Vous commencez votre aventure en Chine avec un scooter électrique, une carte bancaire de la Bank of China avec un compte suffisamment approvisionné, trois cent yuans en poche (yuans qu’on appelle aussi kuai, ou encore renminbi. De toutes façons, les billets chinois sont faciles à reconnaître : tous sans exception sont à l’effigie de Mao), soit environ trente-cinq euros, un téléphone portable fabriqué localement… Et une facture d’électricité à payer.


2-4°/ Le scooter électrique :


Les fous sont lâchés : l'article dont VOUS êtes le héros (première partie).
Le scooter électrique est, en Chine, un moyen de transport aussi commun que le vélo. Comme n’importe quel gosse, vous n’avez pas pu vous empêcher d’affubler le votre d’un sobriquet ridicule. Comme vous vous comparez à Don Quichotte luttant contre les moulins à vent qui peuplent l’Empire du Milieu, vous avez surnommé votre scooter électrique « Rossinante ». Rossinante est une petite merveille de technologie : un an seulement après l’avoir acheté, vous avez du, maintenance de routine oblige, changer la fourche, l’étrier du frein avant, et vous posez sérieusement la question de remplacer le guidon, les roues, ainsi que le disque de frein arrière, qui fait décélérer l’engin quand il a le temps, et toujours dans un crissement assourdissant. Rossinante est un morceau de plastique, avec quelques impératives parties métalliques qui sont déjà complètement oxydées. Ravissement ultime, même si Rossinante n’est pas équipée de feu arrière pour signaler le freinage, elle dispose néanmoins de pétillantes diodes bleues au bout des poignées, ainsi qu’un bip hurleur accompagnant les clignotants, dont les sonorités perçantes ne sont pas sans rappeler les sirènes des bombardements. A la fois sobre et citadine, Rossinante fonctionne grâce à une batterie qui pèse un cheval mort, et qui se recharge sur le secteur pendant six à huit heures, afin que vous puissiez rouler pendant une heure, si le terrain est en pente.


Rossinante commence le jeu avec cinq points d’électricité. Ces points seront déduits au fur et à mesure de vos vagabondages dans Suzhou. Si le total de points d’électricité tombe à zéro, cela signifie que la batterie est entièrement vide, et que vous n’avez plus qu’à pédaler. Et pédaler sur Rossinante, c’est comme d’utiliser un vélo d’appartement, en ayant pris soin de régler la résistance au maximum.


2-5°/ Le téléphone portable :


Votre téléphone portable de marque Eastcom est un must futuriste. Il clignote de petites diodes vertes à peu près tout le temps, sonne très bruyamment à chaque heure avec une intensité bigbenienne, et dispose d’une autonomie réduite.


Le téléphone portable commence le jeu avec cinq points de communication. Des points de communication vous seront retirés dès lors que vous passerez des coups de fil. Très étonnement, les batteries des téléphones portables chinois se rechargent en à peine une heure… Mais se déchargent presque aussi rapidement.

2-6°/ Les points de patience :


Au début du jeu, vous disposez de cinq points de patience. Face aux problèmes que vous allez rencontrer, aux attentes, aux incompréhensions, aux explications qui n’en finissent pas, vous allez perdre des points de patience. L’effet immédiat sera au mieux une suée tendue, et au pire, une forte gueulante. Si votre total de points atteint zéro, c’est que vous craquez nerveusement, et que vous décidez de rentrer chez vous, sans avoir réussi à régulariser votre facture d’électricité. Le jeu se termine alors, et vous aurez perdu.


2-7°/ Comment jouer ?


Le principe de fonctionnement de cet article dont VOUS êtes le héros est enfantin. Tous les paragraphes ci-dessous sont numérotés. Commencez au paragraphe 1. A la fin de celui-ci, plusieurs options vous seront proposées, vous renvoyant à un autre numéro de paragraphe vers lequel vous vous orienterez. Au long de l’aventure, il vous sera parfois demandé de tester votre patience (d’où les points de patience) à l’aide de votre pièce de monnaie. Des explications vous seront alors prodiguées.


Vous connaissez maintenant toutes les règles, et pouvez commencer à jouer au paragraphe 1 ci-dessous. Calez-vous bien au fond de votre fauteuil, conservez votre pièce de monnaie à portée de main, et imaginez-vous, vivant une vie excitante et imprévisible; une aventure exotique à l’autre bout du monde. Rejoignez le rang des vrais aventuriers : Marco Polo, Saint-Ex, Hemingway… Bienvenue en République Populaire de Chine.


Les fous sont lâchés : l'article dont VOUS êtes le héros (première partie).
 

3°/ Les fous sont lâchés : l’aventure commence !


1.

Il s’agit d’un de ces agréables samedis de juin, en Chine. Il est sept heures du matin, et vous êtes déjà debout depuis une heure. Vous vivez dans un pays où le raffut dans les rues doit même empêcher Dieu de dormir : les simples conversations ne sont pas parlées, mais aboyées en mandarin, il y a du monde absolument partout, les magasins font hurler de la musique locale dès l’aurore pour amadouer le chaland, et les véhicules, depuis les motos où siègent trois adultes et deux enfant, jusqu’aux trente-huit tonnes chargés ras la benne, circulent en tous sens à grands renforts d’avertisseurs. Dès lors, toute grasse matinée est à classer au rang des illusions perdues.


Malgré tout, vous vous sentez en forme. Vous avez bien dormi, c’est le week-end, et la perspective de pouvoir jouir de deux jours de repos vous enchante. Vous allez pouvoir sortir, profiter de l’atmosphère chinoise, croiser des regards fabuleux en demies lunes, voir des images étonnantes, uniques, et inoubliables. Tout ça, c’est pour vous, en toute liberté, ce week-end.

Il n’y a qu’un seul bémol.

Ridicule tant il vous paraît anecdotique.

Hier soir, on vous a coupé l’électricité.

Vous n’avez plus d’eau chaude dans la salle de bain, qui de toutes façons, vous est interdite d’accès, puisque Cai Li, votre fiancée chinoise, y fait sa toilette depuis une heure. Alors voilà, ce matin, vous avez décidé d’aller payer la facture pour qu’on vous rétablisse le courant. Dieu merci, la veille, vous aviez pris soin de recharger la batterie de Rossinante, votre scooter électrique, et comme vous n’êtes pas sortis depuis, elle est à pleine capacité, ce qui vous permettra de vous déplacer en ville sans contrainte.

Concernant ce règlement de facture, ce qui vous inquiète un peu, c’est que vous n’avez pas très bien compris comment ça fonctionne. Il faut dire que normalement, c’est Cai Li qui s’y colle. Mais aujourd’hui, elle doit ouvrir son magasin, et remplacer sa vendeuse pour le week-end. A votre arrivée, on vous avait dis que quelqu’un passait épisodiquement à votre domicile pour récupérer le montant cash. Vous n’avez jamais vu personne. Et puis, un jour, vous avez retrouvé une facture collée sur votre porte. La facture étant rédigée en mandarin, il vous a été difficile de savoir de quoi il en retournait. Toutefois, vous savez lire les mots « eau » ainsi que « électricité », vous permettant d’identifier la charge en question. La première fois que vous aviez réglé une facture d’électricité, vous vous étiez rendu à la Banque de l’Industrie, qui se trouve au sein de Ling Tang Xin Cun, la résidence où vous vivez. Vous aviez montré la facture, et après quelques manipulations aux quelles vous n’aviez rien compris, le petit chinois grassouillet, affable et rieur de voir un étranger dans son établissement, avait accepté votre règlement, et vous avait donné en retour pléthore de duplicata au carbone, tamponnés une bonne demi-douzaine de fois à l’encre rouge comme il se doit. Toujours est-il que vous n’avez jamais compris pourquoi vous deviez payer toutes les factures dans une banque, qui plus est dans une banque où vous n’avez pas de compte. La seule hypothèse qui vous a paru raisonnable, c’est que toutes les banques, que ce soit la Banque de Chine, la Banque de l’Industrie, la Banque de la Communication, la Banque de la Construction, et toutes les autres, sont des banques d’état (d’ailleurs, les autorités n’ont pas fait preuve d’une imagination débordante en les dénommant). Par voie de conséquence, peut-être disposent-elles de fichiers communs. Mais cette conjecture reste purement spéculative.


La Banque de l’Industrie, où vous aviez payé la précédente facture, se trouve à cent mètres de votre immeuble, dans la cour commerçante de Ling Tang Xin Cun. Cai Li est encore dans la salle de bain, et la connaissant, cela peut encore prendre du temps.

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Que souhaitez-vous faire ? Deux options s’offrent à vous, listées ci-dessous :

- Malgré la chaleur moite que la mousson charrie, il n’a pas fait très chaud la nuit dernière, et vous avez roupillé sereinement. Votre bonne mine de bon matin et votre élégance naturelle vous paraissent tout à fait suffisantes pour sortir dès maintenant, aller au guichet de la Banque de l’Industrie qui est à deux minutes de marche, y rester une demi-heure pour aboutir, après avoir fais comprendre ce que vous souhaitiez au guichetier, et rentrer victorieux pour prendre une douche. Ensuite, le week-end vous appartiendra. Si c’est le cas, allez au paragraphe 2.

- Vous ne supportez pas de sortir sans être rasé, d’autant plus que, du fait de la pilosité impubère des locaux, chez vous, ça se remarque. Et puis, votre haleine amène à croire que vous avez avalé le vestiaire d’un stade de football, et la cigarette que vous écrasez n’arrange rien. Vous décidez de pousser Cai Li à sortir de la salle de bain, et de prendre une douche, même si elle est glacée. Si c’est le cas, allez au paragraphe 3.



2.

D’un revers de paluche, vous recoiffez votre coupe en bataille. Face à l’évier de la cuisine, vous passez un peu d’eau sur votre visage, prenez vos papiers, votre portefeuille, vos clés, votre téléphone… Et vous vous apprêtez à partir.

Pensez-vous avoir oublié quelque chose ?

- Si oui, allez au paragraphe 4.

- Si non, allez au paragraphe 5.

3.

Bon. Ca commence à bien faire. Cai Li est dans la salle de bain depuis déjà bien longtemps, et doit être assez pomponnée. En plus, avec vous, c’est vite réglé : en un quart d’heure, vous serez frais et dispo. Vous frappez à la porte, précisant à Cai Li que vous avez besoin de prendre une douche car il faut que vous sortiez. La porte est bien évidemment fermée à clé de l’intérieur, et pour seule réponse, vous obtenez un « Je suis occupée ! » de la part de la demoiselle. Enervé, vous tambourinez à la porte. Elle répond alors qu’elle n’en n’a plus pour longtemps. Après vingt minutes d’attente, vous jetez l’éponge, et vous apprêtez à sortir. Après tout, la Banque de l’Industrie est à deux pas.

Pensez-vous avoir oublié quelque chose ?

- Si oui, allez au paragraphe 4.

- Si non, allez au paragraphe 5.

4.

Alors que vous ouvrez la porte de l’appartement, vous vérifiez le contenu de vos poches, et jetez un rapide coup d’œil autour de vous. La facture est toujours sur la table où vous l’aviez déposé la veille, et vous étiez sur le point de partir sans. Vous la saisissez, et la glissez dans votre poche. Allez au paragraphe 5 en vous souvenant que vous venez du paragraphe 4.

5.

Dans votre mandarin d’aéroport, vous hurlez à Cai Li que vous descendez à la Banque de l’Industrie pour payer la facture. Vous claquez la porte, et descendez les marches quatre à quatre. La cage d’escalier est vétuste, et sur ses murs décrépis sont peints au pochoir des numéros de téléphones d’entreprises proposant de décorer les appartements, ou d’installer le câble ou le satellite.

Vous ouvrez la porte du bâtiment, et vous jetez dans l’ambiance du quartier populaire chinois. Ca y est : vous débarquez sur une autre planète. Face à l’entrée, deux ados jouent au badminton, parmi le linge qui pend, les détritus qui jonchent le sol, et les gens, assis sur des tabourets à regarder la vie qui défile dans l’allée, et qui arrêtent un visage stupéfait en vous voyant. La chaleur est moite, saturée de pollution, et le soleil cogne intensément. Déjà un premier pas, et il est difficile de respirer. Vous passez devant le salon de coiffure, et les jeunes employés, avec leur coupe de cheveux colorées à la mode, vous saluent d’un « hello ! », et rigolent de votre « ni hao ! » en retour. Vous arrivez face à la Banque de l’Industrie.

Comme dans n’importe quelle banque en Chine, le système de sécurité se limite à un vigile en uniforme de général qui roupille sur un canapé en bois massif, et à un hygiaphone au comptoir. Le guichetier vous reconnaît immédiatement, et vous lance un large sourire, pouffant de deviser votre mine blafarde déjà suante de bon matin. Vous lui répondez par un sourire et un clin d’oeil. Il y a six personnes devant vous, et deux autres ne tardent pas à arriver derrière.

Les fous sont lâchés : l'article dont VOUS êtes le héros (première partie).

En Chine, les gens ne se mettent pas en file indienne, mais s’agglutinent au comptoir, dans l’outrecuidance la plus resquilleuse, se mêlent de vos affaires, et se foutent éperdument de savoir si vous êtes arrivés avant eux… Pour peu qu’ils puissent glisser l’argent, ou leur facture, ou quel que document que ce soit en premier sous l’hygiaphone, même si vous êtes déjà en train de faire comprendre votre problème au préposé. Vous jouez alors férocement des coudes pendant une demi-heure, en espérant ne pas vous faire voler votre place. Malgré tout, la chaleur vous énerve, et vous avez envie de hausser le ton pour faire comprendre aux locaux que vous étiez là le premier.

Vous allez devoir tester votre patience : jetez votre pièce.

- Pile, allez au paragraphe 6.

- Face, allez au paragraphe 7.

Si vous venez du paragraphe 4 ou 12 :

- Pile, allez au paragraphe 8.

- Face, allez au paragraphe 10.



6.

Alors que vous avez réussi à gagner le comptoir sans hurler auprès du reste de la clientèle, vous lancez un sourire de victoire enragée au guichetier… Pour réaliser que vous avez oublié la facture chez vous, sur la table de la salle à manger, exactement là où vous l’aviez laissé la veille. Allez la récupérer au paragraphe 12.

7.

Face au comptoir, alors que vous vous apprêtez à ouvrir la bouche pour expliquer votre problème, un chinois adjacent gueule auprès du guichetier, passant l’avant-bras sous l’hygiaphone, vous bousculant afin de faire traiter son opération avant vous. La moue rougie de courroux, vous repoussez son bras, lui hurlez que vous étiez là avant, et que vous en avez plus que marre de la rusticité locale. Vous profitez de sa stupéfaction à voir un étranger le houspiller, et vous adressez alors au guichetier, qui observe, hagard, l’altercation. En chinois petit-nègre, vous lui expliquez que vous venez pour payer l’électricité. Il vous fait répéter, et vous, vous fumez. Vous perdez un point de patience. Vous n’avez dorénavant plus que quatre points de patience. Vous reprenez votre souffle, et lui expliquez à nouveau. Une fois qu’il a compris, il vous demande de lui présenter la facture…. Et vous réalisez que vous l’avez oublié chez vous. Allez la récupérer au paragraphe 12.

8.

Après une longue et agaçante attente, vous parvenez à vous glisser jusqu’au comptoir, resquillant quelque peu au passage : c’est de bonne guerre, car au même titre que le karaoké, c’est le sport national. Certains clients s’avèrent encore plus malins, car même en étant arrivés après vous, ils ont toutefois réussi à vous passer devant. Vous vous accrochez à l’hygiaphone pour éviter que l’on ne vous prenne votre place. Vous jetez la facture sous la double vitre, devant le guichetier, et dans votre mandarin de cuisine, lui dites que vous venez pour payer l’électricité. Alors que les autres clients sont collés contre vous, tant curieux de voir un étranger payer une charge, que pour mieux assurer leur pole position lorsque vous aurez terminé, le guichetier analyse la facture, et avec une moue de dépit, la lèvre inférieure relevée, vous la jette en retour, vous disant que ce n’est pas ici que ça se paye. Le prochain client se lance alors, et vous continuez à psalmodier en chinois que la dernière fois, c’est bel et bien ici que vous aviez payé. Mais le guichetier ne prête déjà plus attention. Allez au paragraphe 9.

9.

Votre facture en main, vous traînez jusqu’à l’extérieur, où vous allumez une cigarette. Vous vous frictionnez le crâne, en vous demandant comment vous allez bien pouvoir résoudre votre problème. En l’état actuel des choses, il n’y a plus rien à faire, et vous décidez de rentrer à l’appartement.

Avant de remonter, vous achetez des baozi, petites brioches fourrées à la viande ou aux légumes. Vous n’aviez pas pris votre petit-déjeuner, celui-ci est typiquement chinois, et quelque chose vous fais dire qu’il va falloir prendre des forces. Quand vous tendrez votre billet de cent yuans (ou de cent kuai ou de cent renminbi, rayez les mentions inutiles : de toutes façons, ça fait toujours onze euros) au vendeur, il vous assimilera immédiatement à un américain, et courra les commerces contigus pour obtenir de la monnaie. Vainqueur et souriant, il reviendra vers vous avec quatre-vingt dix-huit yuans. Retirez deux yuans de votre portefeuille. Il ne vous en reste plus que deux-cent quatre-vingt dix-huit. Votre sachet plastique en main, d’où émanent les vapeurs chaudes et savoureuses des baozi, et votre facture dans l’autre, vous gravissez l’escalier pour rejoindre vos pénates.

Vous êtes rentré chez vous depuis dix bonnes minutes. Ni lumière, ni musique, ni même le ronronnement de la climatisation ou celui du réfrigérateur. Vous êtes dans les ténèbres, seul au monde. Vous avez mangé vos baozi avec un bien maigre appétit. Cai Li n’est pas là, ayant rejoint son magasin. Vous avez tenté de la contacter sur son téléphone portable, mais un message en mandarin vous explique que votre correspondante n’est pas joignable (d’ailleurs, profitez-en pour vous retirer un point de communication). Si au moins elle était là, elle aurait pu vous aider à régler le problème. Par ailleurs, le chinois est sa langue natale. En temps normal, vous auriez attendu son retour… Mais il n’y a plus d’électricité depuis la veille, et vous ne pouvez constater cet état de fait sans réagir. Le week-end commençait si bien.

Même si tant que faire se peut, vous souhaitez vous dépatouiller tout seul, vous pensez à contacter votre ami Wang Ke Rong. Puis vous avez une autre idée : au pied du bâtiment d’en face, il y a un bureau qui fait office d’agence immobilière, et aussi de syndicat de gestion, puisqu’il gère les problèmes que peuvent avoir les locataires et les propriétaires du voisinage. Si vous allez les voir avec votre facture à la main, ils sauront peut-être quoi faire. Mais voilà, personne au sein de ce bureau ne parle l’anglais, à tel point que pour la signature du bail, la responsable de cette agence avait demandé à une étudiante en anglais, fille d’une de ses amies, de l’accompagner pour vous faire la traduction. Vous faites tourner tout ceci dans votre esprit, alors que la chaleur monte dans votre logement non climatisé depuis la veille au soir.

Que souhaitez-vous faire ?

- Si vous souhaitez appeler Wang Ke Rong, allez au paragraphe 13.

- Si vous souhaitez aller directement à l’agence, allez au paragraphe 14.


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10.

Victoire ! Vous arrivez au comptoir, ruisselant de nervosité à l’idée que plusieurs personnes vous sont passées devant dans la cohue. Vous tendez la facture au guichetier en passant la main sous l’hygiaphone. Il tend à peine le bras pour la saisir, alors que vous manquez de vous déboîter l’épaule. Et puis, alors que c’était prévisible à cent pour cent, et que vous ne vous en étiez pas préoccupé, on vous bouscule avec force, manquant de vous arracher le bras. Vous étouffez un cri de douleur, et vous retournez immanquablement vers la personne qui a voulu accélérer le passage à la caisse en vous pétant le coude. C’est une petite vieille aux cheveux d’argent, fragile et rabougrie dans son uniforme à la Mao, le visage cireux et tanné par les ans. Malgré le fait qu’elle fasse la moitié de votre volume, vous vous lâchez et balancez à sa face ocre tous les mots d’oiseau que votre dictionnaire français argotique contient. Le regard de la vieille dame en dit long sur son hébétude à se faire incendier par un occidental. Vous vous frottez le bras, et vous retournez en direction du comptoir… Pour vous apercevoir que quelqu’un a pris votre place, et qu’une autre personne attend déjà derrière. Vous les poussez des épaules, et faites signe au guichetier, qui a déposé votre facture sur le comptoir. Alors que vous fumez et psalmodiez en français que vous avez atterri dans un pays de fous, il prendra cinq minutes pour terminer les opérations des deux resquilleurs, sans même entendre votre mécontentement, et vous rendra finalement la facture en la jetant sous la double vitre, en vous indiquant que ce n’est pas ici qu’il faut payer. « Mais mais mais », tentez-vous de lui dire « c’est ici que j’ai payé la dernière fois ». C’est lui-même qui avait effectué l’opération. Il feindra de ne pas comprendre. Lorsque vous lui demanderez où il faut régler, il vous répondra brièvement qu’il n’en a pas la moindre idée. Vous perdez un point de patience. Désespéré, vous vous rendez au paragraphe 9 en titubant.

11.

Ah non ! Vous avancez, pestant en français. Le gars ne s’est pas retourné, et a du prendre cela pour de l’anglais, car, en Chine, c’est bien connu, tous les étrangers sont anglicistes. Vous lui tapotez sur l’épaule, et il se retourne vers vous, hagard de voir un extra-terrestre tenter de communiquer. Vous lui dites en mandarin que vous êtes désolé, et que si vous êtes en train de faire le pied de grue en plein soleil par trente cinq degrés depuis cinq minutes, ce n’est pas pour jouir du bien-être de se trouver sur le trottoir, mais parce que vous souhaitez utiliser le distributeur. Il est foncièrement surpris de vous voir vous adresser à lui dans sa langue, et, en tremblant, retire immédiatement se carte bancaire. Il s’esquive sur le côté, et vous psalmodie « sorrysorrysorrysorry » avec condescendance, vous laissant la place en ne manquant pas de s’incliner à votre passage. En soupirant, vous vous rendez au paragraphe 23. Non mais alors.

12.

Abattu, vous jouez des épaules pour que la masse de clients vous laisse sortir, et vous retournez à votre appartement. Vous avez fais le pied de grue pendant une demi-heure dans l’intolérable atmosphère surpeuplée de cette banque… Pour devoir tout recommencer à zéro. Arrivé à l’appartement, la facture n’a pas bougé. Cai Li a déjà quitté votre logement pour rejoindre son magasin. Vous reprenez vos clés, vos petites affaires et votre facture pour retourner à la Banque de l’Industrie. Par la même occasion, allez au paragraphe 5 en vous souvenant que vous venez du paragraphe 12.

13.

Vous sortez votre portable de votre poche. Comme tous les téléphones chinois, sa forme hybride hésite entre l’accessoire de cirque et la soucoupe volante de Rencontres du Troisième Type, tant il clignote de toutes les couleurs, vibre dans tous les sens et fait un tapage de Playstation dès que vous l’allumez. Vous composez le numéro de Wang Ke Rong. Après trois sonneries, il décroche. Après les salutations d’usage, il vous sort un « quoi ? » sous-entendu « qu’est-ce que je peux faire pour toi ? ». Vous lui expliquez votre problème, un peu gêné de l’impliquer dans votre incompréhension des procédures chinoises. Il vous répond alors que Cai Li pourrait peut-être s’en dépatouiller. Vous lui avouez, un peu déconfit, qu’elle s’est absentée, et qu’elle est injoignable. Il suggère alors la chose suivante : si vous n’avez pas pu régler la facture à la Banque de l’Industrie, alors que c’est là que vous aviez réglé la précédente, le mieux à faire, c’est encore d’aller demander à l’agence immobilière au bas de votre immeuble. Retour au point de départ. Vous remerciez chaleureusement Wang Ke Rong de cette innovante idée que vous aviez eue sans lui. Vous raccrochez, soupirez à l’idée d’avoir à faire comprendre votre problème à la responsable de l’agence, et angoissez de ne pas saisir en retour la solution qu’elle préconisera. Malgré la plaisir d’avoir pu papoter avec votre poteau Wang Ke Rong, vous n’êtes pas plus avancé, et perdez un point de communication. La mort dans l’âme, continuez au paragraphe 14.


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14.

Vous reprenez vos petites affaires : clés, portable et portefeuille, ainsi que votre carte de paiement de la Bank of China… Sans oublier la facture. Vous claquez la porte de votre appartement, ainsi que la porte en fer qui la précède, et qui officie en porte blindée. Vous descendez, et sortez de l’immeuble. L’agence se trouve à vingt mètres, exactement en face de votre bâtiment. Au pied de tous les immeubles, les garages ont été aménagés. Certains garages privés renferment les voitures flambant neuves des nouveaux riches, et d’autres sont occupés par des familles de cinq personnes. Les derniers ont été reconvertis en échoppe, et c’est le cas de l’agence immobilière, engoncée dans un garage repeint à la chaux.


Vous arrivez face aux deux portes coulissantes entrebâillées de l’agence. A l’intérieur, contre le mur, se trouve un grand tableau blanc listant les appartements disponibles. Tout y est rédigé en mandarin, et, ce n’est que parce que les montants des loyers et les surfaces sont chiffrés que vous avez compris de quoi il s’agissait. Le sol est recouvert d’une chape de béton en piètre état. En bonne fonctionnaire, le boudin jaune qui officie en gérante est vautré derrière le vieux pupitre en bois massif période fin Mao Ze Dong, début Deng Xiao Ping. Revêtue d’une veste traditionnelle en soie à col droit, elle aborde la cinquantaine avec une vulgarité obèse. De ses cheveux sombres ne subsistent que des touffes hirsutes poivre et sel ramassées en queue de cheval. Dès lors qu’elle vous voit rentrer et balancer vos salutations dans un mandarin maladroit, elle pouffe : elle ne vous a pas encore adressé la parole, que déjà, elle joue avec vos nerfs. Mais c’est vous l’étranger, et c’est par ailleurs peut-être elle qui détient la solution à vos problèmes. Vous avancez, lui tendez votre facture, et lui demandez en chinois où vous pouvez régler cela. Tout en riant, elle vous répond tout de go qu’elle ne sait pas. Ah bon. A se demander à quoi elle est payée. A part ragoter avec le voisinage pour évaluer votre richesse, vous n’avez jamais véritablement compris son utilité. Comme toutefois, les chinois sont très polis avec les étrangers, elle vous propose de vous asseoir et d’attendre, prenant soin de vous servir un verre d’eau chaude (les chinois ne boivent pas d’eau froide). Elle s’installe à son bureau, passe quelques coups de fil aux quels vous ne comprenez rien, car elle s’entretient en suzhouhua avec ses correspondants. Le suzhouhua, c’est le dialecte de Suzhou, car toutes les villes en Chine ont leur propre patois. Le mandarin est la langue officielle, et Deng Xiao Ping en a institué l’enseignement obligatoire à l’école afin de fédérer le pays. Mais voilà, au quotidien, les gens continuent naturellement de pratiquer leur dialecte, et n’utilisent le mandarin que dès lors qu’ils font face à des individus venant d’une autre ville.

Elle raccroche finalement, triomphante, passe son interrupteur linguistique en mandarin, et vous dit alors, sans l’ombre d’une hésitation, que le règlement de la facture d’électricité se fait à la Banque de la Construction. Vous savez qu’il y a une Banque de la Construction sur Ren Min Lu (en français « l’Avenue du Peuple »), mais ce n’est pas tout près. En Chine, héritage politique oblige, toutes les villes ont leur place ou rue du peuple, au même titre qu’en France, nous avons nos rues nationales ou nos places de la république. Ne souhaitant pas que ce problème vous pourrisse le week-end, vous repliez rapidement votre facture dans votre poche, remerciez la fonctionnaire, et sortez. A l’extérieur, la chaleur n’est pas encore insupportable, même si la température a passablement augmenté depuis votre réveil. Vous avez deux possibilités pour aller à la Banque de la Construction indiquée par la gérante :

Que souhaitez-vous faire ?

- Si vous souhaitez vous y rendre en scooter électrique, roulez jusqu’au paragraphe 18.

- Si vous souhaitez prendre le bus, marchez jusqu’à l’arrêt du paragraphe 17.

15.

Vous tapez du pied en soupirant. Le resquilleur ne s’est rendu compte de rien, et poursuit ses opérations avec la même rustrerie placide. Il s’allume sereinement une cigarette, continue à jouer avec la machine à sous, et récupère finalement sa carte après de longues minutes. Vous toussez grassement pour lui signifier votre désapprobation totale de son époustouflante cuistrerie nonchalante. Il ne remarque rien. Après avoir terminé, il se retourne, lance un large sourire, et vous hurle « hello ! ». Vous lui répondez « connard ! » avec le même sourire abruti, et prenez la place qui vous revenait de droit, au paragraphe 23.

16.

A l’intérieur, c’est la foule habituelle qui se rue aux guichets dans une atmosphère de pugilat. Vous inspirez fortement, serrez votre facture et les dents, et vous précipitez sans réfléchir dans la mêlée. Votre constitution occidentale en surprend plus d’un, et vous profitez facétieusement de cette stupeur pour gagner le rang du peloton de tête. Vous arrivez au guichet, et alors que quelqu’un vient déposer une importante liasse de billets au comptoir, vous faites glisser votre facture à destination de la jeune employée qui reste la bouche ouverte de vous entendre dire en chinois que vous venez régler votre consommation d’électricité.

Les fous sont lâchés : l'article dont VOUS êtes le héros (première partie).

La demoiselle, au-delà du fait qu’au lieu d’arborer un badge avec son nom, porte une broche numérotée plantée dans le chemisier, veut tout faire pour aider l’étranger perdu que vous êtes. Elle vous explique, dans le brouhaha ambiant que, normalement, ce n’est pas ici que ça se paye, mais qu’elle va vous dépanner, et accepter votre règlement. Vous ne comprenez pas, et trouvez ça fabuleux : ce n’est pas ici qu’on peut régler, mais vous allez tout de même pouvoir le faire ! Vous souriez à la demoiselle qui pouffe dans sa main en rougissant. Après avoir tapoté sur son clavier avec la maestria d’une virtuose, elle imprime quatre reçus, dont vous ne comprenez fichtre rien, exception faite du montant total. Il y en a pour un peu moins de quatre cent yuans, et vous n’avez en poche qu’à peine trois cent kuais. Et aïe donc. Vous lui expliquez alors. Elle vous demande si vous avez un compte à la Banque de la Construction, ce à quoi vous lui répondez que ce n’est pas le cas. Elle est aussi ennuyée que vous, et vous indique un distributeur à l’extérieur, où vous pourrez retirer la somme. Déçu de ne pas avoir encore abouti, mais la remerciant tout de même, vous récupérez votre facture et jouez des coudes pour sortir de la file, et gagner l’extérieur au paragraphe 20.

17.

Vous ne perdez pas de temps, et parcourez les cinq minutes de marche pour sortir de Ling Tang Xin Cun. Vous rejoignez Gan Jiang Lu, l’avenue qui borde la résidence et où se trouve l’arrêt de bus le plus proche, l’atteignant finalement au paragraphe 42.

18.

Vous craignez que les températures n’augmentent drastiquement dans les heures qui viennent. Prendre un taxi vous coûtera un pourcentage non-négligeable du prix de la facture, et même si il est agréable de jouir de la ville à travers les fenêtres d’un bus, le règlement de cette facture est une véritable corvée, et cela sera bien plus vite réglé en scooter électrique. Par contre, la capacité de la batterie n’est pas éternelle, et si l’électricité n’est pas rétablie ce week-end, vous serez bon pour trouvez un autre moyen de transport dès ce soir, faute de pouvoir recharger la batterie à n’importe quelle prise de votre appartement. Néanmoins, vous n’hésitez plus, et remontez chez vous pour récupérer la lourde batterie de Rossinante. Celle-ci pèse tant que vous arrivez en sueur dans votre garage. Vous glissez la batterie dans son habitacle sous la selle, et partez vaillamment, avec cet incroyable sentiment de liberté que seule la pratique d’un deux roues en été procure. Roulez les cheveux au vent jusqu’au paragraphe 42.

19.

Vous approchez du distributeur, vous postant, par discrétion, deux mètres derrière les deux demoiselles qui jouent avec : la tenue de leur compte en banque ne vous regarde pas. C’est une question d’éducation. Un jeune homme vient de refermer l’antivol de son vélo, à deux pas de la scène. Tout en tournant nerveusement la clé, il vous observe avec de grands yeux, parce qu’un blanc, tout de même, ça ne se voit pas tous les jours. Il s’avance, et, alors que les deux chinoises viennent de terminer, il se glisse entre vous et le distributeur, alors que vous vous rapprochez ! Là, c’en est trop ! Le petit freluquet extrême oriental ne l’a sans nul doute pas fait exprès, mais le manque de considération des gens pour leur environnement vous paraît d’un toupet inégalable. Vous suez de plus belle, la veine saillante aux tempes.

Faites un test de patience avec votre pièce de monnaie.

- Pile, allez au paragraphe 11.

- Face, allez au paragraphe 15.

20.

Dès que vous poussez la porte de la Banque de la Construction, l’air chaud extérieur empli d’humidité vous colle à la peau. Vous dégoulinez comme une glace qui fond, avez du mal à respirer, et votre corps entier vous donne l’impression d’avoir été brumisé.

Vous observez autour de vous. Juste à la sortie, il y a en effet un distributeur. Deux jeunes filles sous une ombrelle sont en train de deviser la machine, frappant fortement sur les touches, comme si elles utilisaient un jeu vidéo dans une salle publique. Un peu plus loin, à vingt mètres, il y en a un autre, à la Banque de l’Agriculture, et celui-ci est déserté.

Que faites-vous ?

- Si vous décidez de vous poster derrière les jeunes filles, allez attendre votre tour au paragraphe 19.

- Si vous souhaitez vous rendre au distributeur libre de la Banque de l’Agriculture, faites-le au paragraphe 22.


Les fous sont lâchés : l'article dont VOUS êtes le héros (première partie).
 

21.

Allez au paragraphe 19, en prenant soin de vous retirer un point de patience.

22.

Vous abandonnez les deux chinoises à leur ombrelle et à leur pianotage pour rejoindre le distributeur de la Banque de l’Agriculture. Vous y glissez votre carte, et suivez les instructions en chinois et anglais du moniteur. Et puis, c’est le cataclysme babélien : dès que vous avez saisi votre code, l’écran suivant apparaît, exempt de version anglaise. Pour vous, c’est du chinois. Pour tout le monde d’ailleurs. Vous tentez votre chance, comme au jeu de hasard, et appuyez sur les options qui vous paraissent les plus probables. Mais le fric ne sort pas. A la place, vous réussissez à obtenir trois tickets, entièrement imprimés dans la langue de Confucius. Votre carte n’est pas restituée, malgré que vous ayez appuyé plusieurs fois sur toutes les touches. Un autre reçu sort, et puis, plus rien. Vous bataillez cinq minutes, rougissant à grosses gouttes, avec la crainte à l’estomac de ne pouvoir récupérer votre carte. Finalement, vous n’obtiendrez jamais votre argent, et la machine ne se décidera à vous recracher la carte que par miracle, affichant avec arrogance un ultime écran, bilingue celui-ci, vous remerciant d’avoir fais confiance à la Banque de l’Agriculture. Vous n’avez pas le choix, et devez regagner le précédent distributeur. Allez au paragraphe 21.

23.

Vous insérez votre carte, et, après avoir tapoté sur les touches passablement défoncées du clavier, tant les locaux sont des bourrins dès lors qu’ils utilisent quoi que ce soit, la machine vomit méthodiquement deux billets de cent yuans. Avec ça, vous êtes parés.

Vous rentrez à nouveau dans la Banque de la Construction. La foule s’est dissipée, et vous vous rapprochez du guichet où la jeune employée était prête à vous aider quelques minutes plus tôt. Lorsque vous arrivez, c’est un homme qui se tient derrière le comptoir, et vous jetez un coup d’œil autour en fronçant les sourcils, vous demandant un instant si vous ne vous êtes pas trompé de guichet. Et bien non. Simplement, l’heure du changement d’équipe est survenue alors que vous étiez en train de retirer deux cent yuans. Vous présentez votre facture au fringuant chinois… Et celui-ci vous la rebalance en continuant à scruter son ordinateur, vous disant que ce n’est pas ici que cela se règle. Vous montez gentiment le ton, en lui disant que sa collègue, une charmante demoiselle, était prête à vous dépanner, et que, comme vous êtes étranger, vous avez du mal à vous familiariser avec le chaos procédurier local. En bonne machine administrative, il repasse le message du répondeur automatique : « ce n’est pas ici que ça se règle ». Vous mettez alors la balle dans son camp, en lui répondant « Ok. Alors, comment ON fait ? ». Car d’expérience, vous avez remarqué qu’il suffit parfois d’impliquer un chinois, même dans un problème qui ne le concerne pas, pour qu’il vous vienne en aide ! Manque de chance, pas avec celui-ci : il se limitera à répèter que « ce n’est pas ici que ça se règle », ajoutant un « merci, au revoir, suivant ». Ce week-end qui s’augurait sous d’exotiques auspices tourne au cauchemar paperassier. Vous avez besoin d’une pause. Allez la prendre au paragraphe 30.

24.

Vous composez le numéro de téléphone de Cai Li… Et tombez sur un répondeur en mandarin. Vous attendez la fin du message, et entendez une voix nasillarde en anglais vous indiquant que le forfait de votre correspondant est terminé. Vous raccrochez. Cai Li ne peut plus téléphoner, ni recevoir d’appel. Vous perdez un point de communication.

Que souhaitez-vous faire ?

- Vous contactez Wang Ke Rong, afin que celui-ci vous donne la démarche à suivre, pour peu qu’il sache comment s’y prendre. Allez au paragraphe 26.

- Vous jetez l’éponge et décidez de rentrer chez vous. Déconfit, allez au paragraphe 29 si vous êtes venus en scooter électrique, et 25 si vous avez pris le bus.

25.

Vous rejoignez sereinement l’arrêt de bus. Il y a une cohue incroyable, et c’est la ruée pour obtenir une place. Le capuccino vous a fait du bien, et vous arrivez dans le peloton de tête, vous asseyant tout au fond, là où trônent les chahuteurs. Vous avez du régler trois yuans au titre du transport, sans comprendre pourquoi : en Chine, en fonction de l’heure à laquelle vous prenez le bus, ou peut-être en fonction du confort de celui-ci, il y a une variation du prix du billet qui va du simple au triple, voire même au quadruple ! Dans tous les cas, retirez trois yuans de votre total d’argent. Deux secondes plus tard, alors que le bus est seulement à moitié plein, vous assistez à une histoire sans paroles comme seule la Chine peut en raconter :

La règle, au sein du bus, oblige les passagers à monter par la porte avant, pour descendre par la porte arrière. De votre place, au fond, en hauteur, vous avez une vue en profondeur jusqu’à l’avant. Vous voyez alors, par la porte arrière, un petit vieux rabougri transpirant d’efforts, chargeant méthodiquement, et avec la nervosité de voir les portes se refermer, d’énormes sacs en toile, dont le contenu parait fort lourd, tant est si bien qu’il les glisse dans le bus un à un. Le chauffeur jette un coup d’œil dans le rétroviseur, et commence à aboyer en mandarin à l’intention de la momie ocre. Le vieillard répond, mais, au ton agressif du chauffeur, cela semble sans appel. Alors, situation absurde au possible, le petit vieux effectue l’opération inverse depuis la même porte arrière : il redescend les sacs un à un sur le talus, avec une difficulté constipée sur sa face ridée, rejoint l’avant du bus, et recharge les sacs par la porte avant, toujours un à un … Pour entendre le chauffeur lui dire qu’il ne peut rester à l’avant : il gêne le passage, et doit avancer dans le couloir. Finalement, il reprendra sa place, avec ses sacs… Devant la porte arrière ! Vous pouffez, engoncé que vous êtes au fond, vous disant que les chinois sont parfois d’une discipline abêtie dès lors qu’il s’agit de respecter les règles, sans même se poser la question du contexte. Comme tout spectacle mérite de rémunérer l’artiste, vous invitez le vieil homme à prendre votre place. Tout en haletant de fatigue, il vous remercie et écrase ses os sur le fauteuil en plastique, souriant de son répit.

Le bus se remplit un peu plus à chaque arrêt, et les passagers se tassent autant qu’ils peuvent. Même quand vous avez le sentiment qu’il n’y a plus de place, quelqu’un trouve une solution pour faire monter un passager de plus. Le chauffeur lui-même y va de ses recommandations pour tasser plus d’individus. Au bout de vingt minutes dans cet amoncellement, vous descendez finalement, content de vous être extirpé de cette pression pugilistique. Encore cinq minutes de marche, et vous serez de retour dans vos pénates, au paragraphe 27. 


Les fous sont lâchés : l'article dont VOUS êtes le héros (première partie).
26.

Vous composez le numéro de Wang Ke Rong, et tombez sur un répondeur. On vous indique, en chinois et anglais, que votre correspondant est hors du réseau couvert, et qu’il n’est donc pas joignable pour l’instant. Vous refermez votre téléphone portable en soupirant, et perdez un point de communication.

Que souhaitez-vous faire ?

- Vous appelez Cai Li, pour lui demander son aide. Allez au paragraphe 24.

- Vous jetez l’éponge et décidez de rentrer chez vous. Déconfit, allez au paragraphe 29 si vous êtes venus en scooter électrique, et au paragraphe 25 si vous avez pris le bus.


NdA :

Le paragraphe 27 et les suivants se trouvent dans l'article ci-dessous, du fait des limites du nombre de caractères par artilce imposées par Over-blog.

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