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Cité de Dieu : carnet de voyage à Macao (deuxième partie).

Publié le 03 janvier 2009 par Kelin

Cité de Dieu : carnet de voyage à Macao (deuxième partie). Samedi 8 novembre 2008 :

Le lendemain, nous n’avons pas été très matinaux, quittant notre hôtel injurieux aux hôtels vers dix heures pour démarrer nos visites. Dans le couloir, nous croisons la responsable de l’étage. Avant même que nous ayons le temps de l’informer de cette histoire de porte ouverte, et sans même nous saluer, elle nous aboie « vous quittez l’hôtel ? ». Et dès lors que notre réponse sera négative, elle perdra tout intérêt à communiquer, comme si, soudainement, nous nous étions évaporés, et que nous n’avions jamais existé. Cai Li l’alpaguera toutefois pour l’avertir que nous avons retrouvé la porte de notre chambre ouverte en rentrant la veille. Haussant les épaules, elle répondra que ça lui arrive de mal fermer quand elle dépose les serviettes, et continuera son chemin sans s’excuser, ni même nous regarder. A la réception, nous informerons la préposée que la porte de notre chambre avait été mal fermée par l’employée qui apporte les serviettes. Elle en prendra acte en baillant.

D’après notre plan de Macao, les ruines de Sao Paulo, l’emblème de la ville, se trouvent à proximité. Mais il est toujours difficile d’évaluer les distances sur une carte, et nous hésitons à prendre un taxi. Comme se perdre fait aussi partie du voyage et de ses découvertes, nous préférons partir à pied, empruntant des ruelles tortueuses, où le mélange d’architecture nous surprendra. Et certaines, avec leurs bâtiments accolés où seul un balcon rappelle l’apport portugais, ou entrelacées d’escaliers enclavés, constitueront une bonne promenade… Pour à peine dix minutes !


Cité de Dieu : carnet de voyage à Macao (deuxième partie).

L’étroitesse du territoire de Macao est avérée, car nous tomberons rapidement sur le parvis et les hautes marches de l’ancienne basilique Sao Paulo, nous étonnant de sa proximité avec notre hôtel : nous n’avons même pas eu le temps de nous égarer. Sur le parvis, des chinois tendent des brochures à l’effigie de Jésus Christ. Cai Li, très curieuse en ce qui concerne la religion catholique, en saisira une, la trimballant jusqu’à l’hôtel où elle la lira le soir, m’interrogeant sur quantités de bondieuseries. Ca tombe bien : je suis allé au catéchisme étant enfant, et avais même pensé à embrasser le séminaire, avant d’embrasser les filles. Mais après avoir savouré mes premiers baisers, Dieu ne pût supporter la comparaison. L’anecdote est authentique.

Cité de Dieu : carnet de voyage à Macao (deuxième partie).

De l’édifice religieux, construit au XVIIème siècle par des réfugiés japonais à partir des plans d’un jésuite italien (je n’invente rien), ne subsiste que la façade. Bref, l’attraction touristique incontournable de Macao se limite à un mur. Après avoir pris les clichés d’usage, histoire de bien prouver à nos connaissances que nous y étions, nous gravissons le majestueux parvis, puis rentrons à l’emplacement de l’ancienne nef à ciel ouvert, où une estrade massive de bois a été construite sur toute la surface. Hormis cette façade, il ne reste rien de la basilique, du fait d’un incendie survenu au milieu du XIXème siècle, conséquence dévastatrice du passage d’un typhon. A l’intérieur, sur le côté, un escalier métallique permet d’accéder aux fenêtres supérieures de la façade, qui envoient le regard sur les marches descendantes. La passerelle en hauteur est une grande grille de métal. Etant incroyablement sujet à la peur du vide, et ne pouvant supporter de voir au travers du sol ce qui se déroule un étage plus bas, je jetterais un œil rapide à travers une des ouvertures, prendrais un cliché, et redescendrais nerveusement : on est tellement mieux sur le plancher des vaches.

Cité de Dieu : carnet de voyage à Macao (deuxième partie).

A l’est des ruines, nous attaquons la visite du prochain site, tout aussi symbolique de Macao. Il s’agit de la Fortaleza do Monte, forteresse qui a servi de refuge aux religieux lors des invasions hollandaises au début du XVIIème siècle.
Un parc verdoyant entoure la muraille, avec des bancs, des chemins proprets, et des escaliers permettant d’atteindre le sommet de la citadelle.
Des canons centenaires dépassent des remparts, avec la cité pour cible. Et, de ce point de vue en hauteur, nous pouvons détailler tous les endroits du centre-ville. La légende veut qu’un boulet tiré depuis le Fortaleza do Monte détruisit la réserve de poudre hollandaise, assurant l’échec de l’amirauté du pays de la défonce.


 


C’est au pied de la Fortaleza do Monte que se trouve le musée de Macao. Sachant qu’il nous a fallu moins d’une heure pour visiter les deux principaux monuments, et qu’il est loin d’être midi, nous décidons d’aller faire un tour dans ce petit musée qui, malgré sa taille, n’en reste pas moins passionnant. A l’entrée, nous traversons un long couloir. Sur le mur gauche y sont présentées différentes évolutions artistiques, guerrières ou navales, en Occident, à travers les âges. Et sur le mur droit, en parfaite symétrie, sont dévoilées les mêmes évolutions, en Chine. L’idée est séduisante, permettant de réaliser les progrès similaires de l’humanité, quelle que soit sa localisation.

Cité de Dieu : carnet de voyage à Macao (deuxième partie).

Au premier étage, des maquettes grandeur nature montrent des commerces traditionnels macanais. On y voit notamment un seau contenant deux criquets, qui m’a marqué : d’après le petit écriteau posé à côté, les combats de criquets étaient un passe-temps qui, même si il ne se pratique plus, était apprécié ancestralement. Au deuxième étage, nous longeons des décors qui reproduisent un quartier traditionnel de Macao, avec une authenticité exempte de carton-pâte.

Cité de Dieu : carnet de voyage à Macao (deuxième partie).

Après cette troisième visite, alors qu’il est à peine midi, nous remontons plus au nord, dépassant derechef les ruines de Sao Paulo, et atteignons, au détour de ruelles pentues aux escaliers accidentés suivant la configuration du sol, Santo Antonio Igreja, l’une des nombreuses églises de la péninsule. L’intérieur, très lumineux, saupoudré de dorures, renvoie irrémédiablement à la culture latine. Une famille chinoise est là, attendant le prêtre au pied de l’autel pour baptiser son bébé. Cai Li ignorait jusqu’à la teneur de cette cérémonie. Et, assis sur un des bancs en bois à la croisée des transepts, je lui murmurerais quelques explications qui engendreront chez elle d’autant plus de curiosité et d’interrogations. Il m’en reste, pour un occidental vivant en Chine depuis quelques années, une sensation d’étonnement : voir dans une église un couple chinois baptiser son enfant en suivant les rites chrétiens n’est pas banal. Le catholicisme semble très ancré à Macao.



En sortant de l’église, nos ventres commencent à gargouiller, et nous nous mettons en quête de pitance. Cai Li arrête un adolescent en uniforme de collégien qui parle très bien mandarin, et lui demandera s’il ne connait pas un restaurant. Il nous recommande une gargote peu dispendieuse, mais où les mets excitent peu l’appétit. Comme à Hong Kong, la nourriture dans ces établissements humbles est peu savoureuse. Alors que sur le continent, on peut dévorer des plats délicieux et familiaux dans n’importe quel bouiboui, et à des tarifs imbattables.

Tout en mangeant, j’étudie le Lonely Planet pour voir quels sites restent à découvrir. Cai Li et moi en rigolons : en moins de deux heures, nous avons visité les ruines de Sao Paulo, la Fortaleza do Monte, le musée de Macao, et l’église Santo Antonio, sans avoir eu à marcher beaucoup. A ce rythme-là, ce soir, nous connaîtrons Macao jusqu’au moindre recoin. Nous en parlons avec amusement, et aussi un brin de déception : nous nous attendions à quelque chose de plus prodigieux. Et malgré son urbanisme, Macao fait l’effet d’un quartier dense, particulièrement lorsque l’on vit sur le continent, où les agglomérations sont étendues. Par ailleurs, l’endroit partage des similitudes avec Hong Kong, sans pour autant en avoir le charme énergique.

Cité de Dieu : carnet de voyage à Macao (deuxième partie).
Nous décidons, après le repas, d’aller visiter l’ancien cimetière protestant, parait-il assez unique en son genre, puis de nous rendre au jardin de Camoes, parc qui lui est mitoyen. Prévisible partie inhérente au voyage, au sortir du restaurant, nous nous perdons une heure dans les rues, découvrant un peu plus Macao intra-muros, pour finalement faire demi-tour, et réaliser que le cimetière était voisin de l’église San Antonio que nous avions visité ! Cet ancien cimetière protestant a de quoi surprendre : les pierres tombales sont très détaillées, avec des explications concernant le vécu comme le trépas du disparu. Il s’agissait d’expatriés qui, il y a parfois plusieurs siècles, avaient un profil bien plus aventureux que nos contemporains installés à l’étranger, et dont votre serviteur fait partie : soldats, missionnaires, marins. Et on y découvre des épitaphes telles que « Il avait aidé à la mise en place du premier télégraphe magnétique au Japon en 1854 ». George Chinnery, peintre anglais, y est enterré, et semble être une personnalité connue à Macao.

Même si personne ne se fait plus inhumer depuis des lustres dans ce cimetière, la petite église à l’entrée parait encore bien active, à en croire le nombre de fidèles que nous y avons croisé. Nous nous promènerons rapidement dans le jardin de Camoes, à la sortie du cimetière, pour finalement prendre un taxi, et nous rendre au temple d’Ah Ma, dont Cai Li me rabattait les oreilles depuis que nous avions décidé de venir à Macao.


Cité de Dieu : carnet de voyage à Macao (deuxième partie).

Le temple se trouve à la pointe sud de la péninsule, et depuis le centre-ville, la course en taxi ne durera pas dix minutes : même avec très peu de courage, nous aurions pu y aller à pied. Durant le trajet, nous longerons la berge ouest de la péninsule. Et il est amusant de constater la proximité de la Chine continentale : la ville de Zhuhai est sur l’autre rive, à une distance si peu éloignée qu’un bon nageur doit pouvoir traverser. Dès lors, à l’arrière du taxi, j’imagine les regards interrogatifs que devaient se lancer les chinois et les macanais quand la Chine était encore un territoire fermé.

Cité de Dieu : carnet de voyage à Macao (deuxième partie).

Le temple ne désemplit pas de fidèles venus prier et brûler de l’encens. J’y découvrirais un article religieux dont j’ignorais l’existence : il s’agit d’encens, mais plutôt qu’être en batôns, il est en spirales, comme des ressorts de quarante centimètres de diamètre. La construction du temple remonte à la fin du XVème siècle, en l’honneur de la déesse Ah Ma, patronne des marins.
C’est là que j’y apprendrais que Macao signifie « la cité de Dieu », ou plus véritablement, « la cité de la déesse » : « Ah Ma Gau » (« baie de la déesse d’Ah ») qui est devenu « Macao ».
Cai Li, comme à chaque fois que nous traversons un temple, et quelle qu’en soit l’idole, ira prier pour nos proches : même si ça ne fait pas de bien, ça ne peut pas faire de mal. Le temple s’étend en hauteur, et nous gravirons la colline Penha à laquelle il est accolé. Mais, comme tout à l’échelle de Macao, sa superficie est assez réduite.

Face au temple d’Ah Ma, de l’autre côté de la petite place faisant face à la mer, se trouve le musée de la marine de Macao. Il devait être quatre heures de l’après-midi, et même si nous n’avions pas prévu d’y aller, tant son parage que l’horaire peu tardif nous inviteront à la visite. Tout comme le premier musée en centre-ville, celui de la marine est assez intéressant. On y réalise à quel point, avant l’avènement du jeu, la mer jouait un rôle quotidien prépondérant dans la vie des macanais. Des maquettes de bateaux y sont exposées, on y décrit les anciens métiers liés à la mer, et aussi quelques célébrations typiques de Macao, telle que celle-ci, qui a lieu le quatorzième jour du septième mois lunaire, et qui, du fait de son caractère surnaturel, a retenu mon attention :

Cité de Dieu : carnet de voyage à Macao (deuxième partie).

La tradition des pêcheurs macanais admet trois types d’êtres surnaturels : les dieux, les ancêtres, et les esprits. Alors que les deux premiers sont ardemment vénérés, le troisième n’est l’objet d’aucune attention : ce sont les marins morts en mer, qui n’ont pu être enterrés, ou les quidams décédés tragiquement. On les appelle aussi les spectres affamés. Au premier jour du septième mois lunaire, les portes de l’enfer s’ouvrent, et ces esprits malveillants envahissent le monde terrestre pour un mois. Afin d’apaiser leur haine, au matin du quatorzième jour du septième mois, les pêcheurs exécutent une cérémonie en l’honneur des dieux et des ancêtres, et, au crépuscule, ils bannissent les spectres affamés. Pour cela, ils allument des bougies, jettent de la nourriture et des offrandes de papier à la mer, en faisant exploser des pétards à la poupe des navires. Et ils repartent soulagés pour une année !


Au-delà de l’intérêt du musée, nous sortirons un peu déçu : il était précisé dans le Lonely Planet qu’il était possible de faire une courte croisière en Lorca, un bateau traditionnel, et nous ne trouverons rien de tel : il y a en effet un quai, mais celui-ci est nu. Nous en sommes quittes pour rejoindre le centre-ville, et après une courte pause à l’hôtel, repartons arpenter les ruelles de la vieille ville, aux alentours de Lago do Senado.

Cité de Dieu : carnet de voyage à Macao (deuxième partie).

Nous sélectionnons pour le dîner un autre restaurant portugais. Sa particularité est qu’il est engoncé dans la cour d’une ruelle, cerné de bâtiments de cinq à six étages, et que la terrasse installée procure une atmosphère méridionale qui permet d’y dîner agréablement.
Par contre, les tarifs sont en conséquence, et à ce prix-là, nous aurions pu manger en Chine au luxueux buffet occidental d’un hôtel cinq étoiles. Mais le cadre valait la pause, même si les plats n’étaient pas à hauteur de ce que l’addition prétendait.


Nous sommes samedi soir, et devons prendre le jetfoil pour Hong Kong le lundi matin. Aussi nous reste-t-il une journée complète de villégiature. Mais au su de l’exiguïté du territoire, passer le dimanche à visiter la péninsule ne représentait qu’un intérêt limité : nous avons déjà vu l’essentiel des monuments, et visiter une église de plus ou de moins ne nous stimulait que maigrement. Nous décidons donc de profiter de cette journée complète pour aller nous promener sur les îles de Taipa et Coloane, parties intégrantes du territoire, à la point australe de Macao.

Cité de Dieu : carnet de voyage à Macao (deuxième partie).

Après dîner, ne souhaitant pas rentrer immédiatement, nous irons à nouveau au pied des ruines de Sao Paulo, magnifiquement éclairées de nuit, et dont le parvis pharaonique est mis en valeur par un alignement de lampadaires de style européen. L’atmosphère nocturne prodigue à l’endroit un charme dont il est affranchi la journée. Nous y restons longuement, puis retournons à la Fortaleza do Monte, pour y apprécier la même ambiance désertée et calme. Du pied de la citadelle, le gigantesque hôtel Grand Lisboa domine l’horizon, crépitant de mille lumières colorées. Sur le retour, nous ferons une halte dans plusieurs pastelarias, pour y acheter des sucreries. Assez similaire à des mets équivalents que nous trouvons sur le continent, une des spécialités reste les tranches de viande séchées et sucrées. C’est assez gras, doux, et un peu cartonneux. Cai Li trouve cela très bon. Mes impressions sont plus réservées. Il est bientôt dix heures, et nous rentrons à l’hôtel.
Et devinez quoi ?
Nous avons à nouveau trouvé la porte de notre chambre entrouverte...

 
(./..)


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