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Somalie : un « islamiste modÉrÉ » contre les milices talibanes

Publié le 03 février 2009 par Anomalie

Retour à la case départ… Trois années de prolongation de la guerre civile pour ça ! Trois ans après avoir été chassé de Mogadiscio, le chef des Tribunaux islamiques, Cheikh Sharif Ahmed, aujourd’hui à la tête de l’ARS (Alliance pour une Nouvelle Libération de la Somalie) a en effet été élu président d’un pays en ruine, par les députés réunis à Djibouti. Il succède à Abdullahi Yusuf Ahmed, poussé à la démission fin décembre, et qui était hostile à toute négociation avec les islamistes. Plusieurs observations méritent tout de même d’être faites.

Somalie : un « islamiste modÉrÉ » contre les milices talibanes
1. Cheikh Sharif Ahmed est aujourd’hui qualifié du formidable oxymore « d’islamiste modéré » par une communauté internationale qui le considérait il y a trois ans comme un supplétif bubonique d’Al Qaeda ! On est en droit de se demander : qu’est-ce qui a changé depuis ? Deux choses. D’une part le renvoi dans les égouts de l’Histoire des néoconservateurs ; et d’autre part l’émergence de la milice talibane Al Chabaab el-Mudjahiddin, elle-même émanation radicale des Tribunaux Islamiques, qui refuse l’autorité des institutions de transition.

2. La prise de Mogadiscio par Cheikh Sharif Ahmed en 2006 – « l’islamiste modéré » aujourd’hui fêté faute de mieux ! – avait précipité la décision de Washington d’engager la « War on Terror » sur le sol somalien via ses supplétifs éthiopiens. Avec le succès que l’on sait ! Ce qui confirme une chose : partout où les néoconservateurs décident de fourrer leur bêtise crasse, le résultat est immanquablement une course aux extrêmes et une radicalisation de la situation. Le schéma est répétitif : une fois les Tribunaux islamiques chassés de Mogadiscio, Washington a porté à bout de bras un gouvernement de transition corrompu et incapable de restaurer la moindre parcelle d’autorité, tandis que les seigneurs de guerre, matés par les Tribunaux islamiques, ont repris leur dépeçage du territoire, et que des islamistes bien plus virulents que les Tribunaux islamiques contrôlent désormais plus de 40% du pays. Résultat : face au chaos et à la perspective d’un Emirat islamique somalien, on rappelle l’ennemi d’hier au pouvoir ! Difficile d’imaginer démonstration plus implacable des ravages de la myopie idéologique des néoconservateurs qui, sans rien connaître aux subtilités tribales et religieuses de leur Etat-cible, y importent leur chienlit avant de dire : « démerdez-vous » !

 

Somalie : un « islamiste modÉrÉ » contre les milices talibanes
 

3. Voilà qui confirme une autre chose : on n’est un « modéré » que par la grâce de plus fanatique que soi ! Nous avons suffisamment, sur notre site, manifesté le dégoût le plus profond que nous inspire le totalitarisme islamiste pour être en droit de rappeler quelques faits. Pour obscurantistes qu’il soient, les Tribunaux Islamiques avaient eu une vertu auprès d’une population exténuée par plus d’une décennie de guerre civile : ramener la loi et l’ordre. Nous vous renvoyons à ce précédent article (ICI) pour apprécier l’ampleur du chaos instauré par les chefs de clans, les milices, les gangs criminels, les pirates sur chaque parcelle du pays qu’ils se sont approprié. N’importe quel observateur avec un tant soit peu de matière grise entre les deux oreilles aurait tenu compte de ce paramètre essentiel à la compréhension du bon accueil qu’ont reçu les Tribunaux islamiques en 2006. Il était toujours temps, ensuite, de faire pression sur le nouveau pouvoir, une fois le minimum de structure étatique rétablie dans le pays. Au lien de cela, les néoconservateurs ont aveuglément passé outre la conjoncture de 15 années de guerre civile et d’anarchie et ont précipité, par une gestion idéologique à très courte vue, le départ de ceux qui avaient réussi à mater les seigneurs de guerre ! Le « gouvernement de transition » alors mis en place sous perfusion occidentale s’est avéré totalement inefficace, ressuscitant la course folle à la balkanisation clanique et criminelle du territoire. Dans ce chaos renouvelé, ce sont les milices d’Al Chabaab qui, cette fois, portent le retour de la loi et de l’ordre, tandis que les troupes éthiopiennes stationnant dans le pays se révèlent dépassées par les événements, incapables de faire pièce à ces fous de Dieu obscurantistes, qui progressent inexorablement. Après le départ des troupes éthiopiennes fin décembre, et la prise de Baïdoa par les Chebaab, il ne restait qu’aux islamistes modérés jadis chassés par les néoconservateurs à former un nouveau gouvernement d’union nationale pour éviter le pire. Et le pire, justement, n’a pas encore été évité : les Chebaab refusent l’autorité de leurs anciens frères, et sont plus déterminés que jamais à poursuivre le djihad pour l’établissement d’un Emirat Islamique sous le joug intégral de la charia. Il fallait bien que le pire président que les Etats-Unis aient connu laisse une empreinte supplémentaire de sa nullité stratégique avant de définitivement claquer la porte de l’Histoire…

POUR EN SAVOIR PLUS

Anarchie et Terreur : les islamistes somaliens aux portes du pouvoir

La Somalie : l’autre échec de Bush

Les miliciens d’Al Chabaab dans les pas des talibans

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Les Chabaab prennent Baïdoa

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