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Un père, un fils

Publié le 03 février 2009 par Emmanuel

Cela fera huit ans que mon père est mort cette semaine. Ce temps n’a pas effacé l’amour que je lui porte. Ni la conscience de ces longues années passées loin de lui. Ni la douleur de l’absence.

Père aujourd’hui d’un petit homme admirable de gentillesse et d’intelligence, je vois dans son regard le regard que je portais à mon père. A chaque fois je m’interroge sur la possibilité pour un homme, pour un père, de regarder un jour son fils dans les yeux, et de disparaitre pour toujours le lendemain.

Comment peut-on être capable de fuir ses responsabilités de père, au point d’abandonner un enfant en pleine construction de soi ? Comment en parallèle peut-on avoir le cran de prendre sur soi et de survivre pendant 20 ans, seul, loin des siens, avec rien, sans but, sans espoirs ?

Je ne le comprendrai sans doute jamais, et je ne veux garder que ces derniers souvenirs. Ce jour de retrouvailles, cette longue marche dans l’Esterel, ces discussions d’homme à homme, sur le port de Cannes, dans ce restaurant de la Napoule…

… Ces longues confidences dans mon appartement parisien, ou à cette terrasse de Saint-Paul, ou encore devant la maison du refuge familial de l’Haÿ-les-Roses pendant la Seconde guerre mondiale.

Et pourtant. Aujourd’hui, dans les yeux de mon fils, du même bleu Iroise que ceux de mon père, je vois ma propre enfance. Cette présence paternelle si lointaine et pourtant si forte. Ce père aimant me tenant la main à la sortie de l’Ecole, chantant “L’école est finie”. Ce père me cageolant après que je me sois lamentablement vautré dans le caniveau en descendant de l’Ami 8 familiale, ce père à qui je ressemble tant pour cela qui faisait flamber les crêpes jusqu’à en roussir le plafond au désespoir de ma mère… Je le revoie aussi me sauvant la vie, moi, hurlant dans la salle de bains obscure, à la vue des yeux brillants d’un chat clandestin et sans papier… Je me souviens aussi de la façon dont il s’est occupé de mon éducation alimentaire en me laissant saucer les poêles entières destinées à cuire les steacks de son petit café-restaurant grenoblois…

Je me souviens surtout de ce retour de vacances d’été dans le Nord, où l’on m’a expliqué que mon père n’était plus à la maison, qu’il ne serait plus à la maison, qu’il ne reviendrait pas. Je me souviens d’avoir pleuré toutes les larmes de mon corps comme un gamin de 7-8 ans peut le faire…

Je t’en voudrai jusqu’à la fin de mes jours, Papa, de m’avoir fait ça. Mais je te remercierai aussi sans fin de m’avoir donné ce que tu as pu, et surtout de m’avoir procuré l’occasion de me construire une personnalité par moi-même, avec le regard et l’apport des autres.

Où que tu sois, je porterai vers toi un regard toujours lucide. Où que tu sois, cela ne m’empêchera jamais de t’aimer.

Ne serait-ce qu’en me donnant la vie, vous mes parents, vous m’avez permis d’en faire de même.

Peut-être aussi en donnant à mon fils vos yeux couleurs d’océan qui me donnent encore plus de force pour essayer d’être un bon père.

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Oostende

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