Magazine

Dans la peau d'Ernesto "Che" Guevara

Publié le 01 février 2009 par Mtislav
     Le film de Soderbergh sur le Che ! On a un peu dormi au début et puis après ils ont passé un truc américain. 
Américainiaiserie pour américainiaiserie, j'ai été sur You Tube. Il y a pas mal de choses sur la période en question, on peut faire son marché mais c'est difficile de savoir ce qu'on a dans son cabas. Du remix jusqu'à plus soif avec Nathalie Cardone, on n'y coupe pas. Pratiquement pas de discours de Fidel Castro pour la période des années 60. Comme éclipsé. Assurément, c'est le Che qui tient la vedette. La plupart du temps, on ne sait rien de la source des documents, tout rapport avec elle est gommé. Souvent, on ne sait même pas qu'est-ce qu'on regarde...
D'où l'idée de tenter de replacer trois vidéos dans un certain contexte, puis amorcer une réflexion sur ce que l'on peut voir.   Le premier épisode du film de Soderbergh se termine au moment où la dictature du général Batista est renversée par les "barbudos", en 1958. 
C'est difficile de résumer cette période, dont le tableau varie radicalement suivant le bord politique des observateurs. Je vous passe la description de Guevara en boucher dont se délectent certains. Et la réponse qui peut leur être faite.

En ce qui concerne le nombre de condamnés à mort par rapport à la population totale, on tombe sur des chiffres comparables à ceux de l'épuration après l'Occupation en France (Pour 38,77 M d'habitants en France en 1944, en retenant le chiffre de 9000 condamnations à mort, ratio de 0,23 ; Cuba, 7,1 M d'habitants en 1959, ratio de 0,07 si on prend la "fourchette basse" de 550 exécutions, 0,28 avec une "fourchette haute" de 2000.
Certains auteurs ont avancé des chiffres sur la répression des années 60 : elle aurait fait 5 000 morts selon Hugh Thomas (ouvrage publié en 1971), 7 000 à 10 000 pour C. Ronsac (Le Livre noir du communisme).On sait que le régime se rapproche de plus en plus avec l’URSS jusqu'à ce qu'en juillet 1960 le Che puisse se déclarer faisant partie du camp socialiste. En octobre, les Etats-Unis suspendent toute aide financière suite à la nationalisation de toutes les compagnies américaines (raffinage) avant de rompre leurs relations diplomatiques avec Cuba au début de l'année suivante.En février 61, Guevara est nommé à l'Industrie, il est aussi membre du Conseil central du Plan. 
13 mars 1961, le président Kennedy propose aux pays d’Amérique latine une « Alliance pour le progrès » pour promouvoir le développement économique et de la démocratie. 1 / discours de Santa ClaraLe 28 mars 1961, Guevara s'adresse aux travailleurs du sucre dans un meeting à Santa Clara. L'extrait aurait été tourné à cette occasion.


La première image montre un petit panonceau avec la mention "Cuba" comme s'il s'agissait d'une conférence internationale, qui sait si cela n'a pas été rajouté par la suite pour venir en écho avec le propos de l'orateur. Il existe une vidéo avec un plan de coupe sur lequel on voit des représentants du Costa Rica (elle s'intitule "discours sur l'impérialisme"). Le meeting a l'air important, ce qui justifierait ces délégations.

Voilà le Che, il est solennel, le ton est grave.Le montage superpose l'image d'un monument, j'ai pensé au premier abord qu'il s'agissait d'un monument aux morts. La voix du Che vibre sur le "sacrificar hasta la muerte". Les morts de la Révolution opposés aux morts pour la Révolution. Il s'agit en fait d'une liste de droits, celui à l'assistance médicale, à l'hospitalisation, le droit des étudiants à un enseignement libre, expérimental et scientifique, le droit des Noirs et des Indiens à la pleine dignité humaine, etc. Aucune idée de la durée de la prise de parole réelle, un bout du propos a même été tronçonné. D'autres vidéos sur You Tube présentent des moments différents mais le passage sur l'impérialisme est souvent reprise, lui servant parfois de titre.Le son n'a pas du être jugé d'assez bonne qualité puisque le discours en castillan est sous-titré dans la même langue (il l'est aussi en italien). On entend le public à la fin de la période dans laquelle s'est lancé le Che ; c'est au moment où il conclut qu'on ne peut absolument pas faire confiance à l'impérialisme, pas même ça dit-il en montrant son petit doigt. Le geste emporte le public, il faut dire que le Che vient d'évoquer l'assassinat de Lumumba. Il n'a pas l'air de suivre des notes, tout cela s'organise sans doute facilement dans l'esprit d'un soldat dans une citadelle assiégée...  Martial, grave, assez théâtral. On le sent assez tel qu'en lui même dans le "nada !" qu'il promet en serrant le poing à ceux qui voudraient faire un tant soit peu confiance à la puissance impérialiste. Un "nada !" intense et sincère...



L'ambiance ne s'améliore pas. En avril 1961, c'est la tentative de débarquement de la Baie des Cochons. Guevara occupe le commandement militaire de Pinar del Río pendant l’attaque des mercenaires. 
On est sans doute juste après la tentative d'invasion de la Baie des Cochons, commentée à moment donné dans le discours. Le Che fait allusion aussi au mois de juillet, on est donc après.
2 / été 1961 ?Le cadrage et la qualité de l'image rendent davantage grâce aux traits du Commandante. Il offre une image un petit peu moins guerrière, le discours s'ouvre sur une remarque un peu sarcastique : le Che se moque un peu du public (qui applaudit la réalisation à 100% du plan de production... le premier mois). Pas de notes, parfois l'orateur cherche ses mots. Il parle de son boulot, organiser, faire face aux pénuries, puis très vite on en revient aux relations internationales, "lutter contre l'impérialisme". A un moment donné, le Ché déclenche les huées du public ("Peu importe que en l'absence de Johnson ce soit Goldwater...", tous deux candidats à la présidentielle américaine de 64). Et il sourit, jouit de l'instant et ajoute un petit clin d'oeil au public.

Vers 1963-64, le Che lit avec intérêt l'œuvre du jeune Marx (Manuscrits économico-philosophiques de 1844), écrits sans doute considérés par les communistes comme peu orthodoxes. La vie personnelle du Che est réduite. On sait qu'en mars 64 naît Omar Pérez, fruit de la relation extraconjugale que Ernesto a eu avec Lidia Rosa López...

Il part pour une grande tournée mondiale ; du 20 Mars 1964 au 13 Avril, le Che est à la tête de la délégation cubaine pendant la conférence de l’ONU pour le Commerce et le Développement à Genève, en Suisse. La vidéo qui suit a été tournée à ce moment-là. Il se rend ensuite en France, Algérie et Tchécoslovaquie. Puis, il visite l’URSS du 5 au 19 Novembre et participe au 47ème Anniversaire de la Révolution d’Octobre. A la fin 1964, la direction du ministère de l’Industrie, et ses équipes de collaborateurs seront été dispersées, en semi-disgrâce. ; l'heure du probable désaccord politique avec Castro et le départ de Cuba. Puis il se rend en Algérie (22 - 27 fév. 65) où il prononce un discours critique envers les "pays frères" ("Les pays socialistes ont le devoir moral de liquider leur complicité tacite avec les pays exploiteurs de l’Ouest.")
Dans sa correspondance courant 1965, il critique durement le « suivisme idéologique » qui se manifeste à Cuba par l’édition de manuels soviétiques pour l’enseignement du marxisme (voir article signé Nestor Kohan, "Le Che inconnu"). Ce sera l'heure de la disgrâce et du départ de Cuba.

3 / Avril 1964
On peut se demander si le Che a conscience d'être en instance de divorce... Une certaine intimité est palpable, celle que procure l'hôtel intercontinental de Genève. Le Che rencontre un journaliste français qui lit ses questions préparées à l'avance. Des questions qui n'ont pas été soumises par avance, d'où la réponse politique sur la brouille sino-russe. Le réalisme est omniprésent. Le niveau de complexité du discours semble le même que le Che s'adresse à une foule ou à un individu seul. Il semble très détendu. Il est sûr de lui, suffisamment pour avoir accepté un entretien dans une autre langue que la sienne.

On est loin du maquis de la Sierra Maestra...  La voix se perd presque même si le Che utilise le "nous", le "je" s'étiole un peu. Son regard pétille, un sourire apparaît lorsqu'il évoque l'U2 abattu. Lorsque le journalisme demande si il y a des pays mûr pour une révolution de type castriste, le Che répond "Venezuela, Guatemala (...) peut-être il y a d'autres pays où le peuple lutte avec des armes". Est-ce que Cuba aide les révolutionnaire de ces pays, l'adverbe tombe : "moralement seulement". 



Pour avoir un bon aperçu des années d'exercice du pouvoir du Che, voir deux épisodes d'une série documentaire sur le net : épisodes 3 sur 6 et 4 sur 6 (l'anti-impérialisme du Che est illustré par le discours de Santa-Clara, comme quoi même les documentaires se fichent de la chronologie ; le Che lui, confronté à ses propres paroles, ne varie pas). 

A lire, La lente défaite d'Ernesto Che Guevara,. le Discours d'Alger.

4 /Pour s'amuser un peu, Fidel en pyjama... 


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Mtislav 79 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte