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Halde: le législateur n’a pu valablement supprimer la discrimination en raison de l’origine nationale des critères prohibés

Publié le 04 février 2009 par Combatsdh

Dans une recommandation du 15 décembre 2008, qui vient seulement d’être rendue publique, la HALDE reconnaît qu’en raison de la clause de standstill figurant dans les directives relatives à l’égalité de traitement, le législateur n’a pu valablement, dans la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 abroger l’article 19 de la loi du 30 décembre 2004 ayant institué la HALDE qui disposait que : « en matière de protection sociale, de santé (…) chacun a droit à un traitement égal, quelles que soient son origine nationale, son appartenance ou non appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une race» sans reprendre ce critère de différence de traitement illégitime dans la liste des motifs figurant à l’article 1er de cette loi.

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Si vous êtes pour l’égalité des chances,

ne surtout pas cliquer sur cette vignette…

Au cours (voir en particulier les écrits de Roland Pfefferkorm ) ou peu après l’adoption de cette loi (voir notre étude “Discriminations”, au Dictionnaire permanent-Droit des étrangers), nous étions quelques uns à avoir dénoncé le fait que, profitant du fait que la France n’avait pas (encore) transposé complètement les directives relatives à l’égalité de traitement (malgré 4 lois consacrées à cette question en 2001, 2002, 2004 et 2006 et une procédure ouverte à son encontre), le législateur avait supprimé le motif de l’origine nationale.

Au cours des débats parlementaires, il avait été évoqué le fait que ce motif ne figurant pas dans la directive 200/43/CE, il n’y avait pas lieu de le maintenir. En réalité, le gouvernement ne supportait pas les nombreuses recommandations de la HALDE qui, depuis juin 2005, a reconnu sur le fondement de cette disposition  le caractère discriminatoire de plusieurs dispositions réglementaires du CESEDA (sur la condition de ressource dans le cadre du regroupement familial, etc.) ou d’autres dispositifs visant les étrangers (statut des médecins étrangers, carte famille nombreuse, etc.) [V. Delphine d’Allivy-Kelly, “Discriminations ? Les étrangers saisissent la Halde”, Plein droit, n°78).

Dans les directives relatives à l’égalité des chances posent une clause de standstill (dans les règles dites de « Prescriptions minimales » (article 7 directive 2004/113/CE ; article 8 sexies directive 76/207/CEE modifiée ; article 8 directive 2000/78/CE ; article 6 directive 2000/43/CE) qui prévoit que :

« 1. Les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe de l’égalité de traitement que celles prévues dans la présente directive »

« 2. La mise en œuvre de la présente directive ne peut en aucun cas constituer un motif d’abaissement du niveau de protection contre la discrimination déjà accordé par les États membres dans les domaines régis par la présente directive ».

La portée concrète de cette exigence a été précisée par la CJCE dans l’arrêt Mangold (CJCE 22 novembre 2005 Werner Mangold c/ Rüdiger Helm N°C-144/04 ):

“50  À cet égard, il ressort des termes mêmes de la clause 8, point 3, de l’accord-cadre que la mise en œuvre de celui-ci ne saurait constituer pour les États membres un motif valable pour opérer une régression du niveau général de la protection des travailleurs précédemment garantie dans l’ordre juridique interne dans le domaine couvert par ledit accord.”

Or, indéniablement la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 est une loi “portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

Et elle a été utilisée pour revenir sur une législation plus favorable - celle du 30 décembre 2004 - incluant le motif de l’origine nationale dans les critères de discrimination.

Ce n’est d’ailleurs pas le seule recul de cette loi par rapport à la législation antérieure.

La plus scandaleuse (car en réalité l’article 19 de la loi de 2004 pouvait trouvé des substituts comme l’article 14 CEDH combiné à un autre droit ou liberté garantié) est que pour épurer le passé - et surtout le passif parfois très important et systémique - des entreprises en matière de discriminations, l’article L.1134-5 du Code du travail (issu de L. n°2008-561 du 17 juin 2008, art. 16) prévoit désormais que :

«L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ».

Pour renforcer ce droit à l’oubli quinquennal il est prévu que ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel et les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

Ca s’appelle une amnistie déguisée..

Evidemment avec ce type de dispositions, il est bien plus facile de recevoir de la HALDE des labels de la diversité….

Ca doit être ça que notre collègue sociologue appelle “l’arnaque de l’égalité des chances “.

Rappelons, par exemple, que s’agissant de la discrimination à l’encontre des ouvriers spécialisés de l’industrie automobile, la Cour d’appel de Versailles a, le 2 avril 2008, condamné pour discrimination raciale Renault à verser à deux employés respectivement 68 000 et 88 000 euros de réparation, en raison du blocage de carrière et du maintien de sa rémunération à un niveau inférieur à ce qu’il aurait dû être.

Ces anciens ouvriers spécialisés à la régie Renault avaient été victimes de discriminations raciales dans la gestion ou la progression de leur carrière. L’enjeu était d’établir, sur ces cas concrets, le caractère de discrimination raciale de l’application des grilles de classifications du personnel utilisée à partir de 1954 au sein de la Régie et dont des travaux universitaires ont montré, à partir d’échantillons, qu’elles avaient favorisé la discrimination systémique à l’encontre des ouvriers spécialisés d’origine étrangère

(v. L. PETITTI, De la différenciation coloniale à la discrimination systémique ? La condition d’OS algérien à Renault, de la grille Parodi à la méthode Renault de qualification du travail (1945-1973), Rev. de l’IRES, no 46, 2004/3, p. 69 ; Quand l’histoire éclaire les dessous de la discrimination positive, Plein droit no 68, avr. 2006, p. 47).

Il n’est pas absolument certain que cette disposition purificatrice soit conforme au droit à un procès équitable garanti par la convention européenne des droits de l’homme.

voir la délibération de la HALDE:

Délibération relative à un refus de délivrance d’équivalence d’un diplôme d’aide-soignante obtenu en Belgique en raison de la nationalité d’un état tiers de la réclamante n° 2008-281 du 15/12/2008

La haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité a été saisie d’une réclamation relative à un refus de délivrance d’équivalence d’un diplôme d’aide-soignante obtenu en Belgique en raison de la nationalité de la réclamante. Le Collège de la haute autorité relève qu’une différence de traitement entre titulaires d’un même diplôme entre ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne et ressortissants d’Etats tiers est une discrimination fondée sur l’origine nationale contraire à l’article 19 de la loi portant création de la haute autorité en vigueur à la date du refus. La HALDE relève que la réforme de ce texte intervenue en mai 2008 s’est accompagnée de la suppression de ce critère prohibé de discrimination, suppression constitutive d’une régression injustifiée du dispositif national. Le Collège de la haute autorité recommande au gouvernement de rétablir l’interdiction des discriminations fondées sur l’origine nationale, la suppression de la condition de nationalité pour la reconnaissance du diplôme d’aide-soignant et un réexamen de la demande de la réclamante.

Direction Juridique, HALDE - 15/12/2008

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