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"Pour l'amour de Judith", de Meir Shalev

Par Virginie
Quatre repas pour raconter une vie
Petit village au Nord d’Israël. Des personnages se détachent comme des silhouettes au loin dans une brume de chaleur. Un flou de départ qui laissera place à la découverte. Le narrateur s’appelle Zeidé (ce qui signifie « grand-père »), nommé ainsi par sa mère, Judith. « Si l’Ange de la Mort vient et voit un petit enfant nommé Zeidé, il comprend aussitôt qu’il y a une erreur et s’en va ailleurs.»


Zeidé a trois pères. Moshé Rabinovitch, le fermier, costaud, rude, fort à soulever un rocher, toujours à la recherche de cette natte qu’il portait quand il était… petite fille. Globerman, le marchand de bestiaux. Et Jacob Scheinfeld, l’amoureux des oiseaux, celui qu’on traite d’idiot mais qui épousa la plus belle des femmes. Jacob va inviter son fils à partager plusieurs repas, à plusieurs années d’intervalle, au cours desquels la vie de Judith, la mère et la femme tant aimée disparue quand Zeidé avait dix ans, va se libérer, se raconter, « ré » exister. Et avec elle, la vie du village et de ces gens qui l’ont aimée ou simplement connue ou simplement préparé son entrée dans la vie des autres... Noémie et Oded les premiers enfants de Moshé, Yshoua, le prisonnier Italien, Papish-village, Menaheim le frère de Moshé qui devient muet tous les printemps, Tonia, la première femme de Moshé, qui ressemblait curieusement à son mari, ou encore cet étrange albinos en costume noir…
Un roman de vies qui se racontent, de vies qui avancent goutte à goutte, tout en profondeur et en pureté. Il se respire, se goûte, s’écoute. Presque bucolique, touché par l’amour porté à Judith. Parfois partagé, parfois pas. Cette femme si fascinante arrivée en contre-jour du soleil, avec son lourd passé et ces douleurs qui la rongent chaque nuit. Candeur, rudesse, chaleur, souffrance. Un mélange qui flotte entre vérité et fiction, authenticité et imaginaire. C’est une très jolie écriture qu’a utilisée Meir Shalev, trempée dans le soleil d’Israël, dans ses campagnes, son atmosphère. Histoire de dresser ce livre comme un conte transmis de génération en génération, sur l’importance d’être soi, de nos actes, et surtout de nos souvenirs.
Je ne cacherai pas y avoir trouvé certaines longueurs, comme assommée par la chaleur de ce livre, justement, qui m’empêchait d’avancer avec attention. Mais il y a là une douceur, baignée d’une certaine tendresse et de nostalgie, qui pousse à écouter ce récit de Zeidé, de ses pères qui resteront à jamais trois, de cette Judith si dure envers elle-même et ceux qui lui demande cet amour si précieux déjà trop donné.
Un joli passage tout simple pris au hasard :

« Le lac de sa beauté commençait à se retirer des berges de son front et du rocher de son menton, à présent il se concentrait sur ses lèvres et au coin de ses yeux où il était particulièrement doux et dense, et dans les deux dépressions lisses à la base de son cou. »

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