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Les médias sociaux, nouvel outil de mobilisation politique ?

Publié le 09 février 2009 par Infoguerre

Alors que Barack Obama vient juste d’accéder au pouvoir, certains étudient déjà les clés du succès de sa campagne. Un bon reportage d’Ipol et un rapport complet de Terra Nova mettent en avant un élément important de cette réussite : la cyber-communication, qui a révolutionné le dialogue entre un politicien et ses partisans et facilité les pratiques militantes.

Un réseau interactif de sympathisants réunis au sein d’une communauté

La campagne démocrate a clairement été placée sous le signe d’internet. L’équipe a misé sur des outils performants qui permettent autant de renseigner, faire participer que de mobiliser les bonnes volontés.

Le candidat a pris appui sur un important réseau de volontaires (10 millions environ) qui ont multiplié les contacts directs avec la population en vue d’une sensibilisation massive à son message. Au-delà d’une très bonne gestion des compétences de ces militants, c’est leur méthode de recrutement qui interpelle. Leur premier contact avec le parti du Président a souvent été pris par le web. Que ce soit pour un don, un renseignement ou un encouragement, les sympathisants étaient dirigés vers des outils internet bien structurés qui leur permettaient une première prise de contact « en douceur » : un site permettait de se renseigner ou de faire des dons et un réseau social, une sorte de Facebook dédié à la campagne, facilitait la rencontre entre eux par région ou centre d’intérêt. Dûment enregistrés [1] lors de leur passage sur les pages web d’Obama, ils étaient ensuite faciles à solliciter. C’est la campagne qui allait alors vers les bonnes volontés, s’assurant qu’elles ne soient pas émoussées par de fastidieuses démarches.

Pour lutter contre la timidité, la flemmardise ou le manque d’intérêt, ces prises de contact étaient idéales. Il est évident que l’effet d’émulation provoqué par l’insertion dans une communauté encourageait la participation active à la campagne. Leur appartenance leur était d’ailleurs régulièrement rappelée par des messages textes du candidat, des vidéos de ses interventions et des messages mails, rendant sa présence prégnante. Le Parti Démocrate a ainsi créé une véritable toile, un réseau interactif de sympathisants mobilisés sur l’ensemble du territoire américain.

Mobilisation et confiance: les clés de la réussite

Ce renouveau de la vie politique américaine - 63% de personnes en âge de voter se sont déplacées aux urnes contre 55% aux dernières élections présidentielles - a aussi fait l’objet d’une étude approfondie de Terra Nova. Il souligne que le message de Barack Obama insistait avant tout sur l’impérative nécessité de se mobiliser au sein d’une « communauté Obama », une communauté prête à faire du porte à porte pour parler du candidat. Les militants ont été les principaux vecteurs d’un message ciblé en fonction des profils élaborés lors de la collecte d’information. Le Parti leur a laissé une grande autonomie dans leur action. En les gratifiant d’une telle confiance, il leur a permis de vraiment s’approprier la campagne et son combat, les impliquant d’autant plus.

Si Howard Dean avait déjà utilisé internet et ses outils en 2004 [2], le lien communautaire n’avait pu être tissé de la même manière. Comme le dit le rapport, « c’est la première campagne du 21ème siècle, fusionnant internet et le terrain ».

Un avenir pour les campagnes françaises ?

L’efficacité d’une telle méthode a bien entendu été vantée outre-Atlantique et n’est pas indifférente sur l’Hexagone. Le rapport fait une large place aux recommandations à appliquer au terrain politique français. Parmi celles-ci, la « réorganisation des partis autour de leurs systèmes d’information et du réseau social de leurs militants et la promotion du militantisme terrain ». Ces idées, tout droit issues de l’exemple américain, ont déjà connu quelques ébauches d’application en France. Un récent article du Figaro met en avant l’utilisation que l’UMP entend faire des nouvelles possibilités ouvertes par internet et Facebook en particulier. Il en ressort que les hommes et femmes de ce parti l’utilisent surtout pour contrôler leur image. Cependant, certains ont entrevu les avantages offerts par les média sociaux. Cette cyber-communication leur permet d’informer tout autant que de combattre la désinformation. Dans cet esprit, le groupe de l’opposition à la Mairie de Paris a développé un site vivant, innovant et régulièrement documenté pour se donner une voix sur le net. Beaucoup d’hommes et femmes politiques ont aussi créé leurs propres blogs pour expliquer et populariser leurs idées.

On est toutefois loin des réussites du Parti Démocrate. L’usage de Facebook et des blogs est un progrès sur le web 2.0 mais ne peut rivaliser avec la véritable appropriation américaine. Leur utilisation n’est pas encore interactive et ils restent surtout un canal de diffusion d’idées, non pas d’échange [3]. Peut-on d’ailleurs imaginer que cette utilisation politique d’internet rencontre un aussi franc succès en France qu’outre-Atlantique ? Il est possible d’en douter à plusieurs titres. Il implique en effet l’irruption régulière du candidat dans le quotidien de ses sympathisants sous forme de sollicitations, d’images, de vidéos ou de messages. Les Français sont clairement réticents à l’usage que leur Président fait des médias. Taxé « d’omni-présidence », elle indique aussi un certain rejet de l’ultra-médiatisation du politique. De même, la confection de fichiers contenant des données personnelles risque de heurter frontalement les sentiments français sur le sujet et les exigences de la CNIL.

S’il est évident que cette révolution politico-numérique a une place à prendre dans les prochaines campagnes, on peut douter de l’applicabilité du modèle américain dans l’Hexagone. Les approches sont bien différentes des deux côtés de l’océan où les projets et les hommes politiques ne mobilisent pas de la même manière. Plus pudiques et plus froids, les Français ne ressentiront peut-être pas le même engouement pour la création d’un réseau participatif et militant.

JB

[1] Cela amenait à la confection de fichiers très précis sur chaque individu. Entre les informations données, celles recueillies sur les listes électorales des différents Etats et les fichiers achetés, le Parti dispose de renseignements exhaustifs qui lui permettaient de cibler ses interventions.

[2] En 2004, il a utilisé le site collaboratif MeetUp pour sa campagne au sein du Parti Démocrate pour faire participer ses partisans sur les idées de son programme.

[3] A l’exception peut-être du site Désir d’Avenir de Mme Royal, même si on lui reproche de n’avoir pas su valoriser les contributions. Ce site intègre une plateforme participative, qui permet l’échange mais pas encore la création d’un réseau.


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