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Voile : pour un modus vivendi

Publié le 09 février 2009 par Roman Bernard
Je m'étais interrogé, en juillet dernier, après la décision du Conseil d'État de ne pas accorder la nationalité française à une Marocaine au motif qu'elle portait une burqa, sur l'opportunité d'interdire le voile dans les lieux publics en France.
J'avais rappelé que cela avait déjà été entrepris dans un pays musulman, l'Iran de Reza Shah, et envisagé dans un autre pays musulman, la Turquie de Mustafa Kemal.
Mon article, aussi bien sur Marianne2.fr que sur Criticus, avait suscité de nombreux commentaires, critiques le plus souvent. Parmi les reproches qui étaient adressés à l'encontre de la décision du Conseil d'État, et donc de mon article puisque je me réjouissais de celle-ci, avait été avancé l'argument de la liberté de porter le voile, fût-il intégral. Liberté que, pour certains, cette décision enfreignait. Je trouvais curieux que l'on puisse, au nom de la liberté, défendre le symbole-même du retranchement du monde et de la sujétion de la femme.
J'y voyais là l'effet pervers d'un libertarianisme dogmatique qui, faisant de la liberté individuelle sa valeur suprême, négligeait le fait que le port du voile pouvait résulter de pressions, explicites ou implicites. Qu'il n'était donc pas forcément le fruit d'un choix libre et éclairé et que, par conséquent, il n'était pas liberticide de vouloir l'interdire. Qu'on était là dans le cas typique des libertés qui oppriment, et des contraintes qui libèrent. Et que la loi avait là un rôle à jouer.
Ce débat et ces interrogations récurrentes ont rebondi de façon inattendue chez Mathieu L, avec les libertariens, membres du Réseau LHC, Rubin Sfadj et Paul Guignard.
Ces deux blogueurs m'ont encore opposé l'argument de la « liberté » de porter le voile. Ils ont en outre fait la même erreur que la classe politique française, en 2004, lors des débats parlementaires au sujet de la loi sur les signes religieux ostentatoires à l'école : ils ont mis sur le même plan le voile islamique et d'autres signes religieux, comme la croix, la kippa, le turban des sikhs ou encore le « troisième œil » des femmes hindoues. Cette vision relativiste des choses ne prend pas en compte une évidence : seul le premier signe nommé occulte le visage. Et que c'est le fait de pouvoir voir le visage de toute personne dans les lieux publics qui doit être exigé, davantage qu'une neutralité religieuse qui peut être aménagée.
Difficulté d'interdiction totale
Car la seule objection valable des libertariens précités est la difficulté à interdire le voile dans les lieux publics. Même si l'exigence de liberté fait souhaiter à son défenseur cohérent de voir disparaître tout voile dans la rue, il faut reconnaître qu'une telle décision serait, en pratique, quasi-impossible à appliquer.
D'où la nécessité d'un modus vivendi, ou, si l'on veut, d'un accomodement, mais, comme l'on dit au Québec, d'un accomodement raisonnable. Il faut pouvoir concilier l'impossibilité - qui est regrettable - d'interdire totalement le voile dans les lieux publics et l'exigence que le visage de chaque personne y soit visible, ne serait-ce qu'à des fins d'identification policière. Si un voile recouvrant les cheveux peut donc être toléré, tout voile recouvrant le visage doit ainsi, dans cette optique, être interdit sur la voie publique. Reste à savoir si le pouvoir politique aura le courage de prendre une telle décision (et les forces de l'ordre de la faire appliquer dans tout lieu public), et les personnes concernées la sagesse de l'accepter.
Roman Bernard
Voile : pour un modus vivendi
Criticus est membre du Réseau LHC.

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