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Cul Cuture

Publié le 23 août 2007 par Scheiro
 Hier, je suis tombé sur un interview d'Andrew Keen, baptisé «l’Antéchrist de la Silicon Valley», publié dans Libération.
Comment en êtes-vous venu à dénoncer l’envers d’Internet ?
Quand je regarde le Web, j’y vois principalement un chaos culturel et éthique. J’observe le vol rampant de la propriété intellectuelle, le plagiat, la pornographie extrême, le spam incessant et l’inanité intellectuelle. Les sociétés du Web 2.0, les Youtube, Google ou autre Facebook, n’utilisent le contenu généré par les internautes que pour augmenter leurs bénéfices. Tout le monde s’exprime certes, mais «narcissiquement», et la culture est de qualité de plus en plus médiocre. L’éthique de l’amateur est si dominante que l’expertise, le talent et le savoir perdent du terrain. Des analyses politiques superficielles, des vidéos pitoyables, des romans illisibles. Aujourd’hui, Internet ressemble à l’état de nature, plus proche de Hobbes que de Rousseau, où le comportement humain s’épanouit sans ­règles sociales ni lois. L’anarchie. Il suffit d’aller surfer sur la blogosphère ou de lire ce qui se dit sur les forums. Le Web 2.0 est en train de tuer notre culture, prendre d’assaut notre économie et détruire nos codes de conduite. Tout ça à cause de ­cette foi utopique dans l’information technologique.
Internet ne permet-il pas justement une démocratisation de la culture ?
Au XXe siècle, ce sont les médias qui ont démocratisé l’accès à la culture. La démocratisation portée par le Web, la soi-disant sagesse du public, est un leurre. ­Wikipédia, l’encyclopédie en ligne collaborative en tête des recherches mondiales, n’a pas plus de valeur qu’un Trivial Pursuit, avec plein d’erreurs et de demi-vérités. La sacro-sainte communauté peut en arriver à décider, de manière consensuelle, que deux plus deux équivaut à cinq. Le pire, je crois, c’est l’anonymat qui règne en ligne. On devrait être obligé de donner sa véritable identité. Cette supposée démocratie m’apparaît en réalité comme une oligarchie, le ­résultat d’une alliance entre les anciens de la contre-culture et les fondamentalistes libéraux. C’est la nouvelle élite de la Silicon Valley, héritière de la culture hippie.
Si vous faite le rapprochement entre ce que dennonce ici l’Antéchrist de la Silicon Valley et "Blogger for Ever", le billet précédent, vous y verrez certainement quelques annalogies.
La culture de masse déversée par le Net comme un torrent sur la place publique est en train de tout balayer sur son passage. Des édifices culturels patientent battis au fil du temps se trouvent noyés sous des gigatonnes d'immondices. Pire, la majorité citoyenne qui ne cherche pas à déblayer cette merde s'accumulant sans cesse sur les serveurs en ligne, en arrive à affirmer, par exemple, que les sombres conneries de Michel Gérard Joseph Colucci valent les aphorismes de François VI, duc de La Rochefoucauld, prince de Marcillac, ou, qu'un bouquin de Marc Levy est tout aussi intéressant qu'un roman d'Elias Canetti. Je n'allonge pas la liste des exemples, vous savez de quoi parlent ces gens qui comparent en permanence des crottes de lapin avec des pépites d'or pour conclure, au nom de la sacro-sainte égalité, que c'est la même chose.
Et, comme de bien entendu les insultes des néo-hippies, ces alternatifs de la cervelle, les gardiens du CyberTemple, n'ont pas tardé. Depuis la parution de son bouquin, The Cult of the Amateur - qui me semble rejoindre les critiques de Gilles Lipovetsky -, Andrew Keen doit faire face à ces crétins qui hurlent sur les blog comme Tarzan, pleurnichent comme Jane et utilisent leur clavier comme Chita.
L'humour "fun" et décontracté gagne lorsque le rapport à l'autre et à soi se psychologise ou se vide d'enjeu collectif, lorsque l'idéal est d'établir du "contact" humain, lorsque plus personne ne croit au fond à l'importance des choses.
Gilles Lipovetsky, L'ère du vide, p. 229
Dite moi ce que vous pensez cette cyber-contre-culture qui fait les délices des fondamentalistes libéraux qui, eux, engrangent un maximum de billets verts à grands coups de promotions estampillées Web 0.2.

Celui qui se tue pour échapper à sa gloire


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