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Sami Tchak : La fête des masques

Publié le 27 décembre 2008 par Gangoueus @lareus

Je m’étais promis de revisiter cette littérature togolaise extrêmement prolifique en ce moment et qui comme disent les lingalophones " assure le mouvement ". Je ne citerai pas ces auteurs, mais je vous présenterais ma dernière lecture, celle du roman La fête des masques de Sami Tchak.
La curiosité, les a priori et mon puritanisme m’ont amené à aborder ce texte avec méfiance. Disons qu’au gré des commentaires ou des avis glanés ça et là, entre internautes, Sami Tchak était dans mon imaginaire prolifique l’auteur d’une littérature sulfureuse où il ne semblait ne pas placer une bride sur le traitement de la sexualité. Approche originale dans une littérature où le sexe est certes très présent, mais encore une fois cet auteur semblait dépasser ce cadre. Et donc, en lecteur averti, j’ai longtemps hésité à franchir le pas. A tort, pour ce qui concerne la Fête des Masques.
La sexualité est effectivement au cœur de cet ouvrage qui se déroule quelque part dans le Tiers monde. Les personnages possèdent des noms à consonance hispanique et pourrait très bien imaginer que notre auteur place son action dans ce coin du monde. Peu importe, on est dans une dictature dans ce qui nous sert de pays.
Un homme commet un crime passionnel. Enfin, il y a une petite incompréhension entre lui et sa partenaire et, l’effet papillon agissant, à petite cause de grands effets, un meurtre a lieu et Carlos étrangle Alberta, mère célibataire du jeune Antonio. Autour de ce point central du roman, Sami Tchak, par le biais des différentes voix des protagonistes vivants ou morts, remonte le fil d’Ariane de cet imbroglio entre ce désir d’être aimé d’Alberta et les frustrations longuement tues de Carlos qui ressurgissent à l’écoute de Boy George, Georges Michael, Elton John ou Catherine Lara.
La voix qui s’exprime de manière prépondérante est celle du meurtrier, Carlos. S’adressant à Antonio, il a besoin de raconter son histoire, la relation assez spéciale qui l’a liée à Carla sa propre sœur. Carla, femme de tête, maîtresse redoutable des grands pontes d’une république bananière allant jusqu’à porter la culotte paternelle dans la case familiale. Carla qui, sur un caprice, demande à son jeune frère de se travestir pour une soirée parmi les grands…
C’est une réflexion pertinente à la fois sur le pouvoir qui grise même les électrons satellites qui gravitent autour, le petit peuple en souffrance qui reprend les mêmes tics, les mêmes tares du pouvoir qui le malmène. Mais plus individuellement, Sami Tchak offre un regard sur une fascination destructrice au sein d’une fratrie.

Le propos est imprégné d’un sarcasme constant comme lorsqu’il met en scène, ce couple de parents qui trouve un équilibre parfait dans une violence conjugale satisfaisante. A ce moment de la lecture, je souris. Car dans mon esprit, l’écrivain fait écho à des scènes de vies courantes déjà vues ou entendues dans les quartiers populaires du Congo. Mais, mon sourire fait suite à ma surprise, au fait que je sois choqué par la scène narrée. Le temps passe. Et on se décale, on se laisse surprendre, par ce qui était courant et qui semble ne plus l’être …
Le sexe est le moteur de cette sombre histoire. Mais, il est traité de manière soft et le puritain termine sa lecture avec la satisfaction d’avoir découvert un nouvel auteur original.
Une affaire à suivre.


Bonne lecture,
Sami Tchak, La fête des masques
Edition Gallimard, Collection Continents noirs
1ère Parution 2001, 105 pages


©Florian Cella

Voir également une interview très intéressante de Sami Tchak que j'ai découvert en publiant cette note.



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