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Quelques notes relevées à Beaubourg...

Publié le 13 décembre 2008 par Gangoueus @lareus
Rien n’est plus passionnant pour un lecteur que la rencontre dans le réel avec un auteur clé dont l’œuvre tient une bonne place dans les rayons de sa bibliothèque. Souvent ce lecteur est obligé de faire une queue impossible pour obtenir une dédicace et l’échange courtois, quand il a lieu, est souvent trop bref. Imaginez à présent que le temps d’un week-end, une demi-douzaine de vos auteurs échangent sur une thématique qui vous tient concerne, que tout cela est animé avec maestria, et que ces auteurs sont en plus extrêmement accessibles et échangent avec vous sur leur travail d’artiste avec une totale décontraction et disponibilité. Vous rajoutez à cela un cadre sympathique, confortable et facile d’accès, des rencontres dans les coulisses avec des acteurs de culture africaine et vous avez là les ingrédients pour un événement heureux.
C’est donc un week-end agréable que j’ai passé à Beaubourg dans le cadre des 8èmes rencontres internationales d’encre et d’exil. Certes, j’ai loupé le programme du samedi – les amis d’abord – qui selon des sources très sures fut de très haute volée. Il n’empêche que les échanges sur la question de l’exil auxquels j’ai pu assister étaient d’une très bonne facture, agrémentés d’analyses pertinentes, portés par des mots qui éclairent la pensée de l’être le plus récalcitrant. Ben, ouais, on avait là ce qui se faisait de mieux en terme de littérature africaine.


Pourquoi part-on ? Comment se reconstruit-on dans l’exil ? Aller retour ? Aller simple ? Quel rapport avec ceux qui sont restés ?
A cela, il faut ajouter les itinéraires d’exil de deux grandes figures des lettres africaines : Mongo Beti et Ahmadou Kourouma et la question d’exil " doré " aux USA.

Pourquoi part-on ? Par amour ? Pour assumer une marginalité réelle ? Pour fuir un conflit ? Pour se former ? Ce sont là les questions de la 1ère table ronde.

Les motifs du départ en exil sont multiples. Deux des intervenants évoquent la passion amoureuse comme la cause du départ. Pour Kossi Efoui, c’est l’exil politique alors que pour Gaston-Paul Effa, il est question d’une triple rupture avec la famille, l’Afrique et ce qu’il définit comme un exil lié à l’écriture.

" Cet arrachement à mes parents me dépouilla des derniers oripeaux de l’enfance. J’entrais alors dans le véritable exil, qui est intérieur et à partie liée au temps. " Nous, enfants de la tradition, Ed. Anne Carrière, Page 70.



Kossi Efoui souligne cependant que le départ n’est que le révélateur d’une rupture existant initialement avec la terre de départ. Avec le sens de la formule, il souligne sa situation de togolais entièrement à part parmi des togolais à part entière. Et renversant la cinématique des rapports, il s’étonne que les pouvoirs totalitaires, le système puissent avoir la liberté de répudier leurs éléments et il se demande pourquoi l’initiative de rejeter sa communauté ne lui incomberait pas?
Fatou Diome rejoint l’écrivain togolais sur la question d'une marginalité de fait. Elle l'applique au cadre de l’enfance. L'écriture a constitué dès l’âge de 13 ans le refuge, un lieu de l'exil, un lieu où la paix est possible. Née sur une île et marginale au sein de sa famille elle dit :
Pour parler d’exil, je suis obligée de repartir à l’enfance. Naître de soi (l’exil) est l’acte le plus légitime.

C’est d’ailleurs une idée que reprend le dramaturge Gustave Akakpo :
J’ai envie d’habiter mon moi, d’accoucher mon être et sortir de l’enfermement que l’on nous impose. L’enfermement qui ressemble à une île, un abri, une terre possible, un lieu de naissance.

De ce point de vue, l’écriture est une terre qui n’est pas liée à un territoire. Enfin, ça dépend de l’auteur. Fatou Diome souligne le fait suivant :
Je cherche mon territoire sur une page blanche.

On comprend au travers de ses propos que le roman est le lieu le plus sur où sa marginalité peut-être comprise, en tout cas globalement exprimée dans l'enfermement d'un huis clos entre l'auteur et le lecteur.
Kossi Efoui exprime sa méfiance à l’endroit des discours sur la quête identitaire et sur les origines, sur ce qu’il qualifie de croyance et introduit une relativisation des constructions des individualités.
Gaston-Paul Effa évoque quant à lui l’accession à l’unité de soi par l’écriture et affirme qu’il n’y a pas de langues maternelles. Il y a une langue étrangère. Et cette langue est le lieu de l’impossible, le lieu du mensonge qui offre la possibilité de la vérité.
Il s'agit là de ma compréhension de ces quelques échanges, les points que j'ai retenus. J'espère ne pas avoir édulcoré la pensée des auteurs. De toute façon, je placerai un lien dès que la BPI aura mis en ligne les différentes tables rondes sur leur site web.
Concernant les échanges du 06 et 07 décembre, je vous invite à lire une synthèse très précise sur le blog La plume francophone.

Ajout du 22 décembre 2008 : Chose promise, chose due...


Vous trouverez ci-dessous les échanges des différentes tables rondes mises en ligne par la BPI :


1ère journée : Exil, les raisons du départ - (G-P Effa, F. Diome, K. Efoui, G. Akakpo)


2è journée : Se reconstruire dans l'exil - Exil, distance et rupture avec le public africain (Alem Kangni , Belhaddad Souâd, Effa Gaston-Paul , Mabanckou Alain, Mujawayo Esther, N'Sondé Wilfried, Tchak Sami )


3è journée : Le rêve américain, 2 parcours - Aller-retour ou aller simple (Alem Kangni, Efoui Kossi, Mabanckou Alain, Mujawayo Esther, N'Sondé Wilfried, Tadjo Véronique, Valdo Muntu, Waberi Abdourahman A.)


Bonne écoute !


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