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The wrestler

Par Rob Gordon

The wrestler

Certes, Darren Aronofsky a délaissé les dispositifs élaborés de ses trois premiers longs. Mais The wrestler n’en demeure pas moins, à sa façon, un film bien étrange. Étrange et surtout improbable : comment parvenir à émouvoir avec un catcheur grotesque et boursouflé, un monstre de foire ? Laissant dubitatif sur le papier, le résultat ne cède guère de place au doute : voilà une belle et grande réussite, qui subjugue d’autant plus qu’on peine décidément à en comprendre l’alchimie.
La force du film, outré son apparente simplicité, c’est le double regard que porte Aronofsky sur son héros, Randy “The Ram” Robinson. Il y a la fois une tendre compassion pour ce type complètement paumé et un prodigieux dédain, jamais désagréable, pour cette guignolade mal déguisée en sport. Il y a de quoi être consterné par l’excès (réaliste) des combats dans lesquels Randy s’abime un peu plus à chaque fois, de coupures volontaires en plantage d’agrafes à même le corps. Sauf que c’est exactement dans ces moments que the Ram semble revivre, ou plutôt vivre, comme s’il avait besoin de passer par de telles extrémités pour se sentir exister. C’est à la fois terriblement désespérant et follement exaltant, le côté un peu factice de ces combats de catch n’en occultant pas les vrais dangers.
Des dangers qui se matérialiseront en cours de film avec l’attaque dont est victime Randy, et qui va le pousser – un temps en tout cas – à se ranger. Inexplicablement encore une fois, la partie concernant la retraite forcée du héros est aussi passionnante et intense que ce qui précède. Que Randy aille confier sa détresse à une strip-teaseuse qui l’a pris sous son aile (parce qu’elle sait l’écouter et parce qu’elle est quasiment la seule personne qu’il connaisse) ou qu’il tente de recoller les morceaux avec une fille trop longtemps délaissée, il est proprement pathétique, mais dans le sens le plus noble du terme. On a déjà vu ces personnages féminins ailleurs, mais ils semblent ici à la fois plus profonds et plus humains que jamais. Et les deux interprètes, Marisa Tomei et Evan Rachel Wood, sont juste parfaites.
C’est aussi le cas de Mickey Rourke, dont on n’en finit plus de dire que c’est le rôle de sa vie. Peut-être, peut-être pas ; en tout cas, il est bien difficile d’imaginer un autre que lui dans la peau de Randy Robinson, tant il semble porter en lui – physique cabossé, carrière au plus haut puis au plus bas – l’essence même du personnage. Son visage figé par le temps ne ressemble à aucun autre, même si l’émotion qui s’en dégage peut faire penser au meilleur de Takeshi Kitano, dont la paralysie partielle a curieusement affiné le jeu. Sous leur crinière blond crasseux, l’acteur et le catcheur ne font plus qu’un, et l’ultime baroud d’honneur de Randy vient nous cisailler le cœur, tant on s’est attaché à cet incroyable loser, digne et cabot à la fois. La fin, qui slalome savamment entre tous les écueils, est le véritable climax de ce très grand film définitivement empreint de mystère, qui confirme une fois pour toutes que le talent de Darren Aronofsky est celui d’un pur magicien.

9/10
(autre critique sur CineManiaC)


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