Fais comme l’oiseau

Elle a ouvert les volets, tôt, ce matin sur un univers qu’elle méprise. Elle ne se fait pas à ce no man land’s, cette cité dortoir prise au piège entre la Nationale 4 et la Francilienne d’où lui parvient le bourdonnement d’une circulation intense… comme tous les matins, ceux qui ont le privilège d’avoir un emploi ont pris leur place dans le trafic. Elle reste là, immobile, dans le silence une fois la fenêtre à double vitrage refermée. Mais ce matin, ce sont les perles de pluie cliquetantes sur la rambarde du balcon qui l’ont réveillée. Il pleut encore, la Seine va finir par déborder. Depuis le temps qu’on nous parle de cette crue centenaire qui tarde à se montrer… Car elle en viendrait presque à espérer un évènement majeur, de quoi alimenter son fade quotidien, quelque chose que les livres d’histoire retiennent et pouvoir dire “j’y étais”…. Mais, ce matin, par delà la pluie fine, ce qu’elle a perçu et par dessus le hurlement de la circulation, c’est le chant d’un oiseau. Mélopée frêle mais acidulée comme les bonbons de son enfance. Annoncerait-il l’arrivée du printemps? Elle n’a pas refermé la fenêtre à double vitrage. Elle s’est assise au bord de son lit avec sa tasse de café sur les genoux… Et, elle s’est évadée vers les contes de son enfance. Elle s’est souvenue de ce beau livre à la couverture brochée de bleu intense, le premier prix de la classe qu’elle avait reçu un jour de juin 1968… Dans sa mémoire, elle caresse le velin rugueux et revoit les images. Nils Olgerson. Comme ce matin, le chant de cet oiseau perdu dans les branches de l’autre côté du jardin l’appelle au voyage pour rejoindre un pays merveilleux et lointain sur le dos d’une oie blanche…

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