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Melodie en sous sol

Publié le 17 février 2009 par Armelle N

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Elle ne se souvient pas du nom du niveau. Seule la couleur rouge sur les voiles de béton et le chiffre 247 lui martèlent la mémoire. Il est vrai que de longues années se sont fânées depuis cet après midi de décembre. La petite Opel grise descend la rampe, silencieuse comme le sont les voitures de maintenant. Elle se souvient, c’était sur la travée de droite, au fond, quelque part par là… Là, la place à gauche en épi et le chiffre poché, sale et noir en caractères gras 247. Elle oblique et se gare. Les mains sur le volant, elle reste immobile, indifférente à cet étrange environnement. Elle n’avait rien à faire dans les entrailles de ce grand parking de quelques 950 places sous le coeur grouillant de la Capitale, mais elle est là, le coeur battant. Les souvenirs affluent et le rouge monte aux joues de la dame devenue respectable. C’était dans un autre temps avec un jeune amant…

… C’était un 4 Décembre gris et pluvieux. Ils s’étaient disputés et dans la voiture sur le périphérique, elle était restée ostensiblement silencieuse se contentant d’observer son profil à la dérobée. Profil de rapace qu’elle jugeait étrange et fascinant. Tout en conduisant, il s’était retranché contre sa portière. Ils avaient rendez vous au 9 de la Rue Boissy d’Anglas. Avenue de la Grande Armée, à la faveur d’un accident sur la chaussée, il avait tenté de renouer un semblant de dialogue. Elle avait simplement acquiescé d’un mouvement du visage avant de se replier au fond de son silence. Place de la Concorde, il avait gagné le parking et avait garé leur peugeot suffoquante, sans un mot, sur la place en épi, là, sur la travée de gauche. Il avait noté au stylo sur son ticket le numéro, 247 de son écriture carrée et graphique. Elle l’avait raillé, invoquant son abscence de mémoire et elle avait ouvert la portière, prête à sortir.  Il l’avait retenue d’une serre sur son poignet, assez brutale. “On a le temps, on est en avance!” Lui avait il intimé de sa voix sourde. Puis sa main s’était égarée dans ses cheveux pour les ébouriffer d’un geste habile et tendre. Elle avait perdu sa superbe et s’était blottie, vaincue, sur son épaule. Comment en étaient ils arrivés là ? A s’aimer pour se haïr. Elle avait au fond des yeux, l’image et le visage de cette blonde à la fois fraîche et fade avec laquelle il avait vécu les deux dernières années. Elle n’arrivait pas à lui pardonner vingt quatre mois d’indifférence. Alors, elle ne sait plus pourquoi, elle ne sait plus comment tout son corps avait glissé au fond de l’habitacle. Elle avait eu l’envie folle de dompter pour l’asservir ce fauve… le sentir vulnérable. Deux jours auparavant, ils avaient fait un pari fou, un pari de gamins vicelards et farceurs. Elle avait perdu et s’ était engagée à réaliser son gage. D’un claquement sec, elle fit sauter la boucle américaine du ceinturon de cet homme hors normes. Sans un mot, et sur cette simple injonction, il comprit qu’elle allait mettre sa promesse à exécution. Il défit lui même les boutons de son blue jean… Sur l’instant, elle connut vague répulsion. Elle ne goutait guère cet acte… Elle se redressa et lui objecta qu’ils se trouvaient dans un parking à une heure d’affluence. Il lui fît comprendre qu’il maitrisait la situation. Le pire c’est qu’il disait vrai. Avec un autre, elle n’aurait eu ni cette confiance, ni cette folle envie… Lui, elle savait… Il avait la vigilance de l’épervier…
Il avait confié à sa bouche son membre viril et curieusement sa répulsion s’en était allée… Il s’était totalement abandonné à elle sous l’impulsion de ses caresses. Elle l’avait dominé avec un savoir faire qui l’avait elle même étonnée mais elle aimait ce drole d’animal, assez… et depuis de très longues années. Entre eux, cela n’avait rien d’un acte salace. Ils avaient toujours eu une relation instinctive et animale. Quand elle se releva, vaguement honteuse… elle surprit son regard. Elle sut, que jamais plus rien ne serait comme avant… Ils venaient de signer un pacte, non pas avec leur sang mais avec autre chose, au fond d’eux mêmes de plus profond. Il lui avait souri avec facétie avant de lui dire “Je laisse Madame deux ans et je la retrouve experte…”. Elle avait gagné sa revanche au prix d’une sacrée audace dans un parking, dans le coeur palpitant de Paris, en plein après midi.
Plus tard, en remontant l’Avenue des Champs Elysées, au feu rouge à  la hauteur de chez Vuitton - de cela elle était certaine à cause de la vision fugitive d’un autre homme dans sa vie  - il s’était penché à son oreille pour lui murmurer “la place 247, je l’ai notée, mais dans vingt ans, je m’en souviendrai encore….”

Vingt ans, non, vingt ans ne s’était pas écoulés mais seulement quatre et elle venait d’apprendre que cet homme qu’elle avait quitté pour l’avoir trop aimé s’était tué la semaine dernière dans un stupide accident de la circulation. Alors, mue par son instinct, perdue dans ses sombres pensées, elle s’était engagée dans le parking sous la Concorde pour honorer sa mémoire…
“Mais non, il n’était pas mort… C’est elle qui l’avait tué tout au fond de son coeur et de ses entrailles car elle n’avait jamais supporté qu’il retourne vivre chez cette blonde fraîche et fade…”

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