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Origine des Békés et Békettes (Mise au point historique)

Par Ananda

 
ORIGINE DES BEKES : QUAND ALAIN HUYGHES-DESPOINTES REECRIT L’HISTOIRE…

Au cours du reportage consacré aux Békés martiniquais par la chaîne française CANAL +, on a pu entendre, entre autres insanités, de la  bouche de M. Alain Huyghes-Despointes, la phrase suivante :
 
« En 1635, des nobles français colonisent l’île de la Martinique… »
 
Il y aurait de quoi rire, si cela ne révélait pas l’incroyable inculture, mêlée de duplicité, des « derniers maîtres de la Martinique ». En effet, il est  bon de rappeler la composition des premiers colons :
 
.  60% de paysans venus du fin fond des provinces du Nord-Ouest de la France(Vendée, Normandie, Poitou, Bretagne etc.) qui étaient  employés comme « engagés » ou « 36 mois » par quelques grands planteurs et qui travaillaient sur les « habitations » aux côtés des esclaves  noirs. S’ils parvenaient à survivre au bout de leur période d’engagement, ils se voyaient octroyer un bout de terrain pour devenir propriétaires  à leur tour. En 1635, au 17è siècle donc, l’école gratuite, laïque et
 obligatoire n’existait pas encore (ce sera le cas 2 siècles plus tard), donc la  quasi-totalité de ces paysans est analphabète et parle les dialectes d’oïl (normand, poitevin, vendéen etc…).
 
. 30% de repris de justice, de malandrins, de hors-la-loi, bref de gens qui n’ont rien à perdre et qui sont prêts à tenter l’aventure vers  l’Amérique afin de se refaire une nouvelle vie. Beaucoup  d’entre ces gens de sac et de corde étaient d’ailleurs expulsés vers les colonies afin  de purger le Royaume de France de ses impuretés.

 . 10% de cadets de famille, c’est-à-dire de fils de nobles qui, dans le droit d’Ancien régime, ne pouvait bénéficier d’aucune part de l’héritage  de leur père (cet héritage revenant tout entier à l’aîné) et qui n’ayant aucune perspective en France, tentaient eux aussi de se construire une vie meilleure par-delà l’Atlantique.
 Autrement dit, contrairement à ce qu’affirme Alain Huyghes-Despointes, seule une infime minorité des Békés est d’origine noble. Tous les  historiens sont d’accord là-dessus. Il suffit de lire le monumental travail de Petit-Jean-Roget (Béké lui-même), « La société d’Habitation à la  Martinique—1635-1665 » ou encore Sydney Daney, Gabriel Debien ou Paul Butel
 pour se rendre compte que  l’origine noble de nos actuels 
Békés relève de la pure fable. Et il ne faut pas se laisser tromper par la particule que beaucoup d’entre eux arborent : au 17è siècle, un Jean  Martin, originaire du village appelé « La Garrigue », par exemple, se faisait appeler « Jean Martin de La Garrigue ». C’était courant, banal  même, Et surtout ça n’indiquait aucune origine noble !

 S’agissant des femmes békées, les choses sont encore moins reluisantes. A l’époque, les voyages vers l’Amérique sont longs (1 mois et demi), difficiles (cyclones) et surtout dangereux (pirates). De plus, ce continent inconnu a une mauvaise image : en Europe, elle est vue comme une  terre sauvage, étrange, où vivent des « hommes à deux têtes » (sic) et qui n’a qu’un seul intérêt, celui de posséder de l’or. Le colon européen  va donc aux Amériques pour essayer de s’enrichir au plus vite afin  de
 retourner vivre en nabab dans le seul lieu où, selon lui, s’épanouit la  Civilisation avec un grand « C », à savoir l’Europe. Le colon n’était pas venu fonder une nouvelle civilisation en Amérique ni planter la canne à  sucre, le coton ou le café. Cela s’est fait par hasard. Jusqu’au 19è siècle, cette obsession du retour en Europe perdurera chez les Békés, soit  plus de 2 siècles après leur installation aux îles ! Il n’y a qu’à lire pour s’en convaincre les « Mémoires d’un colon à la Martinique » du
 Béké Pierres Dessales, propriétaire de l’habitation Nouvelle Cité, à Sainte-Marie. Il passera sa vie à essayer de gagner suffisamment pour se  réinstaller en France, chose qu’il fera pour sa famille, lui demeurant seul sur son habitation des années durant ! Et se lamentant sans arrêt de  devoir vivre dans ce « maudit pays » !!!

 Donc, au 17è siècle,  début de la colonisation, très peu de femmes blanches émigraient vers ces « isles » mal connues et réputées dangereuses  qu’étaient les Antilles. A tel point que les premiers colons sont obligés d’avoir recours aux Caraïbesses (femmes caraïbes) et quand ce peuple  sera exterminé, aux femmes noires. Beaucoup de colons assiégeaient littéralement le cardinal Richelieu, premier ministre de l’époque, de  lettres suppliantes : « Envoyez-nous des femmes ! ». Il y allait, en effet,
 de la perduration des établissements français aux Antilles, 
médiocrement rentables à cause du manque d’or. Alors Richelieu ordonna à sa maréchaussée de razzier des péripatéticiennes sur les quais de  Nantes, de La Rochelle et de Bordeaux afin de les envoyer de force aux Antilles. Et quand leur nombre n’était pas suffisant, cette maréchaussée kidnappait des jeunes filles de quatorze-quinze ans (des  enfants abandonnés donc) pour les expédier aux colons. S’il y eut  donc 10% de nobles parmi les hommes colons, il y en eut…0% s’agissant des femmes colons. Aucune femme d’un certain rang - et surtout  pas noble - n’aurait pris le risque, en ce 17è siècle, de partir à l’inconnu, à bord de bateaux peu fiables et dont les équipages étaient  composés de rustres et de ruffians. Ce n’est que lorsque le miracle de la
canne à sucre se produira, vers 1660-70, enrichissant brutalement  les colons (qui deviennent dès lors « Békés ») ainsi que les grands ports de la métropole française, que le « Code Noir » interdira les unions -  et même les relations sexuelles - entre Blancs et Noirs. Avant 1685, beaucoup de Blancs concubinaient avec des négresses et même se  mariaient parfois (on a retrouvé des actes de mariage de ce type dans des
 archives paroissiales).
 
Monsieur Alain  Hughes-Despointes réécrit donc l’histoire, comme le font d’ailleurs, nombre de Békés, afin de tenter d’effacer ces origines  peu reluisantes.

 C’est à la fois ridicule et pathétique. Ridicule parce qu’il n’y a
 aucune honte, quand on est Antillais, à avoir des origines peu reluisantes.
 C’est  le cas de toutes les populations qui sont venues s’installer dans les îles ou qui y ont été emmenées de force. De même que 90% des Békés descendent de serfs et de putes, la grande majorité des esclaves noirs n’étaient pas des fils de rois, ni les Indiens (dits « Coulis ») des fils de  Maharadjah, ni les Chinois fils d’empereurs, ni les Syriens fils de cheicks.
 Personne n’émigre de gaieté de cœur ! Surtout à l’époque où les  voyages étaient très longs et où on ne disposait d’aucun moyen (téléphone, télévision, Internat etc…) de garder le contact avec sa  terre natale. 
Partir était le plus souvent un voyage sans retour.

 Les Noirs antillais descendent pour beaucoup de gens qui étaient déjà esclaves ou prisonniers de guerre en Afrique. On connaît le rôle sinistre d’intermédiaire joué dans la Traite par maints roitelets de la côte occidentale de l’Afrique. Il y a pu avoir, ici et là, un roi ou deux-trois  nobles vaincus qui ont dû faire partie des « bois d’ébène », mais ce n’était pas très fréquent. Quand aux Indiens, ils descendent pour la 
plupart des « Intouchables », ces hors-castes qui, jusqu’à aujourd’hui, sont considérés comme la lie de la société indienne. Pourquoi un fils de Maharadjah abandonnerait-il ses épouses, ses serviteurs et son palais pour s’en aller couper la canne à sucre aux Antilles ? Pareil pour les  Chinois. Il n’y eut guère qu’un seul Mandarin parmi ceux qui sont arrivés à la  Martinique ! Et c’est parce qu’il avait été embauché comme  interprète. Tous les autres étaient déjà des « Coolees » à Canton ou à Shanghai, c’est-à-dire des gens taillables et corvéables à merci. Quand  aux Syro-libanais, ils ont fui leur pays à cause des guerres claniques qui s’y déroulaient, de la misère et de la colonisation franco-britannique.
 
Aucun Antillais (blanc, noir, indien, chinois ou syro-libanais) ne saurait donc se targuer d’une quelconque noblesse. Nous sommes tous les  fils et filles de repris de justice, de bannis, de réprouvés, d’esclaves ou de fugitifs. Et quand aux métis (mulâtres, chaben etc…), ils sont le  fruit de l’union de ces mêmes réprouvés, esclaves et fugitifs et donc sont des bâtards à la puissance 2.
 
Assumons notre bâtardise commune, messieurs les Békés, et tentons de rebâtir ensemble une société débarrassée de l’exploitation  de  l’homme par l’homme et du préjugé racial !

 
jeudi 12 février 2009
par Jean-Laurent Alcide


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