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Le poids du passé

Publié le 25 février 2009 par Boustoune


Le poids du passé
Boy A
s’ouvre sur une intense lumière blanche, symbole de la pureté – du moins de la pureté retrouvée – de son personnage principal, Jack Burridge. Mais très vite, les plans se teintent de tonalités grisâtres et de zones d’ombre. Pas évident de reconstruire sa vie, de se reconstruire soi-même quand on a passé plus de dix ans en prison, après une condamnation pour meurtre. Et plus encore si les événements tragiques ont eu lieu pendant la pré-adolescence du criminel, à un âge où l’on se cherche encore, où l’on n’a pas terminé son apprentissage…
Le film de John Crowley joue sur ce combat entre l’ombre et la lumière, sur l’opposition entre la paix retrouvée de Jack Burridge et les vieux démons d’Eric Wilson, son ancienne identité. Une autre personne. Un gamin désœuvré qui a eu le malheur de rencontrer un petit dur aussi paumé que lui, qui l’a entraîné tout d’abord à commettre de petits délits puis, un jour, l’irréparable.
Grâce au travail effectué par Terry, un éducateur spécialisé dans la rééducation de jeunes délinquants, le garçon s’est pourtant repenti de ses crimes, s’est reconstruit, a montré, enfin, qu’il n’était plus une menace pour la société. Il a gagné le droit à une seconde chance. Terry lui a fourni une nouvelle identité, un travail, un logement. De quoi commencer une nouvelle vie et enterrer définitivement l’histoire ancienne.
Mais pour Jack, le plus difficile commence. Il doit enfouir définitivement son passé, porter en lui ce lourd secret, ne même pas en parler à ses nouveaux amis, ni à la jeune femme avec laquelle il s’est lancé dans une relation amoureuse. Et vivre avec la menace de se voir démasquer à chaque instant…
Le poids du passé
Boy A est évidemment un film qui pose la question du pardon et du droit à la réinsertion une fois que l’on a purgé sa peine, par le biais d’une histoire simple, réaliste et poignante. Mais c’est également une réflexion sur le rôle des parents dans l’éducation de leurs enfants. Si Eric et Phillip ont sombré dans la délinquance, c’est parce qu’ils étaient livrés à eux-mêmes, délaissés par des proches trop englués dans leurs propres problèmes pour se soucier d’eux. Pour ces deux gamins, l’enfance n’a pas été une partie de plaisir. Phillip a été violé. Eric a probablement été battu. Portraits tragiques et, hélas, tellement fréquents dans les classes les plus défavorisées du nord de l’Angleterre… Des éducateurs comme Terry essaient bien sûr de jouer ce rôle de parents de substitution, parfois avec réussite (Eric), parfois en vain (Phillip), mais ce travail épuisant, prenant, les éloigne aussi de leur propre progéniture. Comme le montre, non sans une certaine cruauté, le scénario concocté par Marc O’Rowe, à partir d’un roman de Jonathan Trigell (*)…
Le poids du passé
Si son propos est intéressant et sujet à débat, c’est néanmoins par ses qualités artistiques que Boy A s’est fait remarquer, glanant des prix dans des festivals (le prix du jury œcuménique à Berlin ainsi que le grand prix du jury et le prix du public au festival du film britannique de Dinard).
Il y a déjà le jeu des acteurs, principalement celui d’Andrew Garfield, une révélation dans le rôle principal, et celui de Peter Mullan, toujours aussi formidable. Mais les autres ne sont pas mal non plus, de Kate Lyons à Shaun Evans.
Le poids du passé
Et il y a aussi et surtout une mise en scène brillante, souvent inspirée. Les transitions entre les séquences, par exemple, sont d’une fluidité exemplaire, jouant avec subtilité sur les effets visuels, mais aussi sur le son (comme ce hurlement strident se transformant en sifflet de train…). Et certaines séquences sont impressionnantes de maîtrise de la part de ce réalisateur peu connu. La scène du procès de Jack, entre autres, est sublime. On voit les têtes des accusés, de dos, des yeux accusateurs, l’ombre écrasante du juge, et au final, les deux accusés dans le box, surplombés par une foule hostile, haineuse, réclamant vengeance. Montrant ainsi le poids que les deux gamins vont devoir subir jusqu’à leur mort. Le poids de leur faute et de leur culpabilité.
Perdu dans le flot de sorties de la semaine, caché par les statures imposantes d’Eastwood et de Depardieu, Boy A risque fort de passer inaperçu. Ce serait dommage, car ce beau film grave et émouvant, à la fois très noir et lumineux, possède suffisamment de qualités pour toucher un assez large public.
Note : ÉtoileÉtoileÉtoileÉtoileÉtoile
(*) « Jeux d’enfants » de Jonathan Trigell – Col. Série Noire – Ed. Gallimard
Le poids du passé

Tags : Boy A, Jeux d'enfants, John Crowley, Andrew Garfield ,Peter Mullan ,crime ,rédemption, prison, pardon

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