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Fonds propres économiques / Fonds propres réglementaires : vers une totale convergence ?

Publié le 28 août 2007 par Sia Conseil

Avec la réforme du ratio Cooke mise en œuvre à travers la réglementation Bâle II, le mode de calcul des fonds propres réglementaires tend à se rapprocher fortement de la méthode économique. Reposant sur une appréciation plus fine du risque, le capital

réglementaire permettrait ainsi d’atteindre les mêmes objectifs que pour le capital économique. Or, si les effets induits par l’application de la réglementation Bâle II peuvent se rapprocher des objectifs du capital économique, le capital économique n’en conserve pas moins une vraie valeur ajoutée par rapport au capital réglementaire en matière de pilotage stratégique des activités.

L’exhaustivité dans la prise en compte du risque constitue un premier facteur de divergence

Le capital économique d’une institution financière, montant de fonds propres nécessaire pour faire face à des pertes inattendues (Unexpected Losses), est défini selon des modèles internes, activité par activité. Le ratio Cooke quant à lui était basé sur une approche plus globale du risque, non déclinée par activité. A l’inverse, les fonds propres réglementaires tels que définis par Bâle II se caractérisent par une mesure individualisée du risque, et notamment par une segmentation entre classes de risque, ce qui les rapproche d’une vision économique. Par ailleurs, le taux de perte (LGD) ou encore l’exposition au défaut (EAD) sont autant de facteurs communs aux deux types de méthode dans la détermination du capital.

Cependant, malgré ces similitudes, une divergence fondamentale entre les deux méthodes  réside dans la notion même de risque considéré. En effet, le risque « exceptionnel » pris en compte dans le cadre du modèle interne de capital économique est plus large que les risques concernés par la réglementation Bâle II, et la couverture face aux pertes inattendues ne passe pas nécessairement par une augmentation des fonds propres. En effet, les fonds propres économiques englobent l’ensemble du dispositif mis en place sur la ligne d’activité concernée. Ainsi, la qualité managériale par exemple peut constituer une couverture face aux pertes exceptionnelles considérées dans la détermination du capital économique.

La méthode économique va plus loin dans la corrélation des risques

Au-delà de ces divergences sur la nature même du risque pris en compte, les deux types de méthodes s’opposent sur leur modalité de calcul. En effet, la particularité du capital économique est qu’il intègre les corrélations entre le risque micro-économique de la contrepartie en cause et les risques macro-économiques qui pourraient toucher celle-ci. Le secteur économique de la contrepartie ou encore sa situation géographique sont ainsi pris en compte dans la mesure du risque, de manière à pouvoir apprécier de la façon la plus exhaustive possible les défaillances potentielles.

Plus largement, la sensibilité de la contrepartie à l’évolution de la situation économique générale est également un facteur de la détermination du capital économique, à travers le calcul du coefficient R2. Ainsi, alors que le capital réglementaire s’arrête à la définition théorique du risque de la contrepartie, le modèle interne de détermination du capital économique prend en compte la conjoncture économique et les interdépendances des différents facteurs, permettant une évaluation plus fine du risque et donc du capital économique à mettre en face de l’activité concernée.

Des objectifs propres au capital économique en font un instrument incontournable du pilotage stratégique

Le capital économique doit en fait répondre à trois objectifs imbriqués, avec en toile de fond le souci de rentabilité de l’institution financière :

  • Évaluation de la rentabilité corrigée du risque : à travers notamment le calcul du RaRoc (Risk Adjusted Return on Capital). Le RaRoC mesure le taux de rendement d’une activité en corrigeant le niveau de fonds propres engagé par le risque encouru. Le capital économique ainsi défini permet de mesurer la performance financière de l’activité en rapportant les bénéfices attendus aux fonds propres nécessaires pour couvrir celle-ci.
  • Gestion de portefeuille : une fois la rentabilité corrigée du risque calculée, il devient possible de comparer la performance réelle des différents métiers de la banque.
  • Pilotage stratégique des activités : le capital économique permet donc à la banque de réaliser un arbitrage entre les différents métiers afin d’optimiser l’utilisation des fonds propres.

Ainsi, l’approche en termes de fonds propres économique se traduit-elle souvent par une réflexion sur de possibles filialisations ou sur la cessation d’activités trop peu rentables car trop gourmandes en capitaux propres (même si parfois fort rémunératrices). Cette vision du risque favorise donc une approche à la fois plus prudente mais aussi plus performante de la gestion des activités des institutions financières.

Deux outils pour des finalités complémentaires mais distinctes

Reposant sur des méthodes de calcul proches, les deux types de capitaux restent en fait au service d’intérêts bien distincts. Les fonds propres réglementaires visent avant tout le maintien de la solvabilité de l’ensemble des marchés financiers dans le but d’éviter tout risque systémique, avec, in fine, le souci de garantir les droits des déposants. Et, outre ces objectifs économiques, la réglementation répond à des visées politiques, comme l’illustre la mesure du risque pour les entreprises. En effet, la méthode de calcul du risque Bâle II a notamment pour but de ne pas pénaliser les PME dans leurs recherches de financement par rapport aux grands groupes.

A l’inverse, les exigences en fonds propres économiques répondent d’abord et avant tout au souci de maximiser le rendement des activités, et la prise en compte du risque se fait à l’aune de cette seule finalité. La stabilité du marché, qui est un but en soi dans le cadre réglementaire, n’est qu’une conséquence induite par le souci d’améliorer la rentabilité des activités de chaque institution financière.

Ainsi, les évolutions marquées par la réforme Bâle II favorisent une convergence des fonds propres réglementaires vers leurs équivalents économiques. Mais si l’approche en termes de capital économique permet de répondre en partie aux exigences réglementaires, celle-ci demeure avant tout un levier qui doit permettre aux établissements financiers d’améliorer et de mieux piloter leur performance financière.

L’approche économique nécessite donc de dépasser le seul cadre fixé par le comité de Bâle, ce qui se traduit par des efforts et investissements importants en matière de collecte des données nécessaires et de mise au point des modèles afférents. Une collaboration proche entre les Directions des Risques, des Finances et les différents métiers est en outre nécessaire avec une implication forte du « top management » afin de s’assurer du bon déploiement de l’approche dans l’établissement. Autant de chantiers et de jalons qui représentent les prochains défis des banques pour les années à venir…

Sia Conseil


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