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A Venise, calle delle friulane (suite et fin)

Publié le 01 janvier 2009 par Gabrielsiven
Suite du post du 29 décembre 2008
Tout au Nord de Venise, près du ghetto, il y a, donnant sur le campo della misericordia, une église désaffectée. Les carreaux des fenêtres grillagées de la façade sont cassés. Toute seule dans ce coin reculé et calme, à mille lieues des mercerie, elle distille une atmosphère mélancolique, surtout sous un ciel chargé de pluie. C’est un spectacle étrange et triste, une église qui ne sert plus à rien.
Plus loin on aperçoit, au détour d’une rue un peu plus large, San Michele, sorte d’île des morts de Böcklin.

L’île cimetière de Venise déroule le mur de brique qui l’entoure depuis l’embarcadère des Fondamenta*** Nove, point de départ des vaporetti pour les îles. San Michele est le seul endroit à Venise et dans les îles où on ne sent pas la présence de la mer. Ni ressac ni vent. Même les mouettes se taisent en la survolant. On entend véritablement le silence. Il monte, gonfle et emplit les oreilles tout entières. Peut-être faut-il y voir un hommage à Stravinsky et Diaghilev enterrés là. Des visiteurs ont déposés de petits mots, des bonbons, et même une cigarette calée entre deux cailloux sur la dalle de pierre toute simple. Ce n’est même pas du marbre.
Si l’on en juge par le prix des sanitaires, San Michele est l’endroit le moins touristique de Venise. Mais ce critère n’est sans doute pas suffisamment représentatif.

Murano et Burano sont des Venise en creux, en négatif. Simples villages de pêcheurs ou de verriers, elle montrent bien que ce ne sont pas les canaux qui font Venise. Venise c’est un bâti tortueux, une débauche de marbre, de sculptures et de polychromie, l’empilement et la confusion des époques, mêlés à la nudité de la brique, à la saleté des enduits rongés par le sel et aux coulures noirâtres sous les baies géminées et les arcades byzantines.
En revanche, la traversée vers les îles permet de sentir le caractère amphibie de Venise, née du limon, vivant entre terre et mer et tirant les moyens de sa subsistance alternativement de l’une et de l’autre, au gré des époques, au rythme des marées.

Si peu de choses ont changé que la maison du Tintoret et celle du Titien sont encore debout. L’encens brûle toujours devant l'iconostase de l’église San Giorgio des Greci. L’odeur s’échappe jusqu’à la fondamenta blanche, ruisselante de lumière, qui y conduit.

Mais la Basilique San Marco s’enfonce sous ses tonnes de tessères d’or. Noé et son arche dans le narthex assisteront peut-être à un nouveau déluge. A moins que Venise ne devienne une gigantesque barque, et, se détachant de la gare Santa Lucia, son amarre à Mestre qui la pollue et au monde qui la change, qu’elle se laisse porter au gré des courants, ne gardant à son bord que ses chats silencieux et les oiseaux de mer.
*** « fondations » et par extension « quais» en italien

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