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"Gran Torino"

Par Loulouti



Très peu d'artistes peuvent se targuer de porter le titre de "légende vivante". Monsieur Clint Eastwood fait assurément partie de ce cercle très restreint. Je suis un inconditionnel de l'acteur/réalisateur depuis près d'un quart de siècle. Un homme qui a marqué plusieurs décennies de l'histoire du cinéma. Qu'il soit Blondin ou Harry, l'acteur a interprété des personnages de fiction qui appartiennent à notre mémoire collective.
Et que dire du réalisateur ?, tout simplement génial. Clint Eastwood a mis en scène des moments d'anthologie cinématographique. J'ai eu le privilège d'assister à la projection de "L'échange" il y a à peine trois mois et j'en ai encore des frissons.
Aujourd'hui ce seigneur du 7ème art nous revient avec "Gran Torino" et Clint Eastwood se permet le luxe, privilège qu'il s'est accordé une bonne quinzaine de fois, d'évoluer devant et derrière la caméra.

Walt Kowalski (Clint Eastwood) est un vétéran de la guerre de Corée. Il vit seul dans sa maison depuis le récent décès de sa femme. Ses rapports avec le reste de sa famille sont au point mort. Retraité des usines Ford où il a travaillé pendant près d’un demi-siècle, son unique plaisir consiste à s’occuper d’une Ford Gran Torino modèle de 1972.

Mais Walt Kowalski est aussi un vieillard aigri, raciste, qui voit son quartier « envahi » par des asiatiques du peuple Hmong. Un jour une gang local, attiré aussi par son véhicule de collection, s’en prend à des membres de cette communauté.

Walt est bien décidé à reprendre les armes, à se défendre une dernière fois et à protéger des personnes qui sont entrées récemment dans son univers.

Une rumeur n’est jamais bonne à prendre au sérieux. Et je comprends mieux pourquoi maintenant. La légende a voulu il y a quelques, temps que Clint Eastwood était en train de tourner un sixième volet des aventures du plus célèbre flic de San Francisco. Les premières images de "Gran Torino" ont quelque peu semés le doute dans les esprits. Oui ce Walt Kowalski aurait pu être un Harry Callahan à la retraite, un homme seul décidé à faire régner la Justice et l’Ordre dans un quartier partant en déliquescence.

Eh bien non "Gran Torino" n’est pas qu’un pâle prolongement d’une série à succès mais un long métrage très fort, doté d’une identité propre, réalisé de manière magistrale par un metteur en scène de génie.

L’histoire nous narre l’existence d’un vieil homme bien ordinaire aigri par des années de frustration. Un être humain, dont le seul compagnon est un chien, qui ne peut pas voir sa propre famille en peinture et qui entretient des rapports de conflit avec ses deux fils. Un citoyen usé par l’évolution sociale et ethnologique de son quartier. Son "chez lui", qui a vu naître un mariage heureux, ses enfants, est depuis de longues années déserté par les blancs. Les nouveaux voisins sont des asiatiques qui parlent leur langue et mangent leur cuisine. Et ça Walt Kowalski ne peut le supporter.

L’homme est raciste, intolérant. Les seules bribes d’humanité résident dans des rapports assez particuliers avec un jeune prêtre qui souhaite le confesser, un coiffeur et quelques amis d’un bar de vétérans. L’intrusion de jeunes gens de la communauté Hmong dans son espace vital est un élément déclencheur.

La force de ce récit, au demeurant une banale tranche de vie, est de nous prouver que les hommes peuvent changer. Au-delà des préjugés, des idées reçues, des réflexes sécuritaires de tout poil, l’être humain conserve quelque part en lui une part de bonté. Il suffit juste de gratter pour faire remonter à la surface ce qu’il y a de meilleur en nous.

Le personnage de Walt Kowalsky est emblématique. Opposé à la présence des "..." (Je vous fais grâce d’expressions aux relents nauséabonds), il finit par se lier d’amitié avec Sue (Ahney Her) et prendre sous son aile le jeune Thao (Bee Vang). Le vieillard aigri devient le protecteur d’une famille, un sorte de grand-père de substitution, le guide pour un jeune adolescent. L'homme fend son armure de grincheux pour voler au secours de "l’autre"

En toile de fond Clint Eastwood en profite pour ancrer son film dans des thèmes comme la transmission des valeurs, les relations entre les générations. Ce que son personnage a raté avec sa progéniture, il le réussit avec de parfaits inconnus.

Vétéran d’une guerre où il a commis des atrocités, Walt cherche à apaiser son âme meurtrie et expier des pêchés qu’il traîne depuis des lustres. Clint Eastwood  évoque avec pudeur mais détermination dans son propos le sort de ses soldats qui doivent vivre une vie entière de cauchemars, une existence détruite par le devoir accompli.

On sent que Clint Eastwood a depuis longtemps retenu les leçons des maîtres pour lesquels il a fait l’acteur. Un regard acéré d’un grand échalas sec suffit à se substituer à une effusion de mots. L’acteur réalisateur est ainsi. Il va à l’essentiel des situations sans s’arrêter à de futiles détails.

A la fin du long métrage, quand nous sentons que Walt Kowalski a chassé ses démons intérieurs, les fantômes qui le tourmentaient, l’heure est venue de tirer sa révérence. Un final touchant conclut de manière juste une œuvre où l’émotion est distillée avec modération.

La mise en scène évite de nous faire tomber dans une surenchère de larmes forcément mal venues pour un personnage monolithique. Une fin heureuse aurait dénaturée la portée du long métrage.

"Gran Torino" sera-t-il le chant du cygne pour Clint Eastwood l’acteur ?  c’est bien possible. Mais si le réalisateur vit encore un certain nombre d’années, ce que je lui souhaite, peut-être qu’il nous gratifiera d’autres petits bijoux tels que "Gran Torino".

Un seul conseil : foncez voir ce long métrage.


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