Magazine Côté Femmes

Cacher un couteau derrière un sourire

Publié le 04 mars 2009 par Juval @valerieCG

Aujourd’hui c’est Romu qui prend les rênes. Vous l’avez peut-être déjà lu chez Pingoo, déjà eu en com chez vous, ce garçon est un peu un dieu (et oui tannez le avec moi pour qu’il ouvre son blog).

vieille-au-cadille.jpg
Elle est là.
Vous la sentez dans un rayon assez proche. Son parfum, subtil mélange de naphtaline et de soupe aux poireaux du potager, couvre l’odeur typique du supermarché.
La vieillesse est là.
Elle a dû passer devant le coin boulangerie, le pain est en train de rassir. Vous l’avez dans le nez, mais pas encore à l’oeil. C’est peut-être un petit vieux cherchant les caramels mous d’antan, ceux qui ne décollent pas le dentier. Ou une petite vieille à la charcuterie qui demande dix grammes de hachis pour le dîner, mais s’il y en a douze vous le mettez ça sera pour mon chat.

Vite, battre en retraite pour élaborer un plan. Un endroit du magasin où la vieillesse ne s’aventure jamais. Le rayon des tampons et serviettes hygiéniques. D’autant plus qu’il est autre que celui des langes, axe très fréquenté par les vieilles gens.

caisses.jpg

L’objectif de la bataille est clair. Il s’agira de passer coûte que coûte à la caisse avant que l’ “âge ancien” s’y présente. Sinon, la défaite sera cinglante, les conséquences désastreuses.
Le temps que la vieillesse prendra pour poser ses achats, premier râle soufflé doucement.
L’erreur sur un produit, l’ulcère se réveille.
Les bons de réduction découpés en dents de scie d’un geste parkinsonien, le sang à la tête.
Puis le paiement. Le paiement…Le comptage des pièces qu’on ne reconnaît pas c’était quand-même bien mieux les anciens francs hein mademoiselle c’est juste comme ça ah non je vais vous donner deux eurocents en plus si j’arrive à les attraper c’est tellement petit… Là, vous prenez votre jambe pour son cou et vous étranglez, strangulez très fort, juste pour lui rendre la monnaie de sa pièce.

cadille.jpg

Non, ce scénario à la caisse doit être évité. A tout prix.
Faire ses courses plus rapidement afin de sortir avant elle est utopique. Peu importe le temps qu’on prend, la vieillesse a toujours cet art de déboucher devant vous à la dernière seconde, peu importe le numéro de la caisse. Non, un plan plus subtil s’impose. Celui du couteau derrière le sourire.
D’abord le sourire.
Il faut gagner la confiance de l’ancêtre. Rejoignez-la dans le rayon où elle croupit et placez-vous derrière elle. Courage, armez-vous de patience et d’attention. Dès qu’une difficulté se présente à elle, tel le riz au lait placé trop bas pour son arthrose dorsolombaire, intervenez. Prenez-le et tendez-lui. Si le bocal de betteraves rouges semble trop lourd pour son arthrite de type rhumatoïde qui touche sa métacarpophalangienne, aidez-la à le placer dans son panier. Tous ces gestes doivent être accompagnés d’un sourire sincère, du type de celui qu’afficha Brutus quand il s’approcha couteau en main vers le dos de son César de père.
Si vous avez gagné sa bonne foi, la moitié du chemin est parcouru. A pas d’escargot, certes, mais après tout, l’expression lentement mais sûrement n’est pas de la première jeunesse elle non plus..
Le passage à la caisse arrive.
C’est l’heure du couteau.
Du point d’orgue du stratagème. La jubilation de la victoire est proche.

vieille-depitee.jpg
Repérez rapidement le tapis roulant où aucune caissière n’est affalée derrière sur son séant escarrisé.
Prenez votre voix la plus mielleuse et sur un ton hypocritement doucereux, chuchotez à la vieillesse que vous la laissez passer devant vous à cette caisse qui va ouvrir dans la minute.
C’est avec un regard mouillé d’émotion, comme seul peut en avoir une bonne sœur se retrouvant seule devant le cierge pascal, que l’ “âge avancé” va y avancer.
Dès ce moment, tournez la tête. Faites le sourd. Ne laissez plus vos regards se croiser une seule fois, surtout quand la vioque le cherchera, toute interrogative, plantée comme un poireau devant sa caisse fermée.
Après avoir payé, sortez sans vous retourner. Non seulement le succès est éclatant, mais le temps pris sur l’ennemi rendra toute poursuite impossible.

Merci à toi, Sun-Tsu, l’artiste guerrier.
J’espère qu’à l’endroit où tu reposes, les asticots se livrent bataille pour tes entrailles.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Juval 59548 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine