Frivolités goût Framboise

Récemment, dans un passé pas trop lointain, mais pas trop proche non plus, j’étais conviée au théâtre par mon aïeul, qui ne sort de son appartement bourgeois qu’en cas d’incontournabilité d’un événement culturel.

C’est à dire à peu près une fois l’an.

Comprenez donc que je pouvais difficilement refuser, au risque de passer pour une teubée mécréante et imperméable à l’Art, ce que je ne suis pas, vu que, qui c’est qui s’est précipité au Muséum d’Histoire Naturelle le week-end dernier pour admirer le calamar géant qu’ils ont naturalisé? C’est bibi.

Je vous laisse juger de ma conception de l’Art…

Autre risque: me faire déshériter pour les raisons sus-nommées. Et se faire déshériter par un ancien notaire, croyez-moi, c’est un peu comme accepter de servir de cible à un sniper: tu sais que tu n’en réchapperas pas.

Bref, aux Bouffes Parisiens y’avait un duo de chanteurs/musiciens d’opéra/humoristes/acteurs qui se produisait, j’ai nommé La Framboise Frivole. Tu parles d’un nom hein, on dirait des figurants dans une pub Oasis Tropical.

Mais nulle inquiétude les bulots shiphylitiques, ce n’est point des trublions en question dont je vais causer. Rapport qu’on est pas dans Télérama ici.

C’est juste que j’ai eu un choc massif en me faisant placer dans le théâtre qui transpirait le luxe, mais pas trop le calme et la volupté, because t’avais que de la vieille rombière engoncée dans son gilet en moumoute sooo “last winter”, teint en vert sapin qui plus est, et que c’était un peu le festival du botox et du brushing figé.

Je suivais l’aïeul qui, en bon patriarche de ma lignée, ouvrait la marche dans cet environnement hostile, et faisait des courbettes mondaines à l’ouvreuse.

Jusqu’à ce que je surprenne un geste ô combien discret, tellement discret que j’ai eu l’impression que c’était répréhensible.

L’aïeul venait de glisser un biffeton de 20 euros dans la main de l’ouvreuse. Genre je graisse la patte à un vieux mafieux moisi. J’lui dis “hé Grand-Papa, pté sa mère quoi, tu viens de filer un dixième de mes étrennes à cette personne, qui n’avait qu’à se trouver un vrai métier si elle voulait bouffer tous les jours! C’est quoi le truc? C’est que si on lui file pas l’aumône, elle nous fout des punaises sur nos sièges? On se prend un baquet d’eau chaude depuis le 3ème balcon? On se fait insulter par les artistes eux-mêmes?“

Au regard qu’il m’a lancé, j’ai compris qu’on était pas juste séparés par l’âge. Mais par “l’étiquette” itou.

(et sinon le spectacle, c’était putain de bien. Du genre que t’en pleure tellement t’es ému)

PS: non mais en vrai je l’appelle pas Grand-Papa hein, vous avez cru que j’avais une particule ou quoi? Pfff, vous alors…