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Nicolas Sarkozy et François Pérol : de la compétence à la connivence

Publié le 04 mars 2009 par Lgb

barnum-and-bailey-horse-fair-giclee-print-c10112519Faute de gouverner ou de songer à l’intérêt général, Nicolas Sarkozy et ses sbires ont au moins  de souci de divertir la plèbe populacière sur laquelle ils règnent, en lui offrant avec une régularité hebdomadaire une farce qui se révélera, au choix, grinçante, franchement comique, sordide ou grotesque.

La pantalonnade de cette semaine nous est fournie par les efforts patauds que déploient les uns et les autres afin de couvrir la  nomination du fidèle François Pérol à un poste qui, au vu de ses fonctions passées, lui serait évidemment interdit dans une démocratie saine d’esprit. Mais le mélange des genres et des intérêts n’effraie pas les maîtres du jour.

Ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée, Pérol s’est donc fait canarder par Nicolas Sarkozy à la tête des groupes Caisse d’Epargne et Banque Populaire dans la fusion desquels il avait passablement trempé. L’intéressé se défend, dans les pages du JDD, d’avoir réclamé quoi que ce soit:

Dans un entretien accordé, dimanche 1er mars, au Journal du Dimanche, François Pérol, l’ex secrétaire général adjoint de l’Elysée, indique qu’il “n’était pas demandeur” du poste auquel il a été nommé, à la tête de la future banque issue de la fusion Banque populaire/Caisse d’Epargne.

Miracle de la Sarkozye: la coïncidence des intérêts, des réseaux et des connivences fait qu’on vous donne sans même vous contraindre à réclamer… Bref, la nomination est un don du ciel.

sarkoperol

Reste que la populace est très fâchée. Comme elle ne comprend rien à rien, la plèbe ne parvient pas à accepter, dans sa naïveté, qu’on puisse être à la fois au four et au moulin. Que l’on puisse gérer d’un côté, puis de l’autre de la barrière. Organiser puis profiter de l’organisation. Mais comment calmer ces manants?

De bavure en cafouillage, Notre Président a commencé par affirmer que la commission de déontologie avait validé la nomination:

La commission de déontologie a donné son point de vue, et son point de vue a été communiqué aux deux banques. Il sera rendu public.

Las, la commission ne s’était pas réunie. En Sarkozye, le mensonge est un moyen comme un autre de faire semblant de gouverner.

Puis, le brave promu a expliqué que sa nomination n’avait besoin de l’aval de personne:

“Les conditions de ma nomination sont régulières” affirme aussi l’intéressé, précisant qu’il a consulté le président de la commission de déontologie de la fonction publique, à défaut de pouvoir la réunir immédiatement. “Selon lui, ma nomination ne devait pas être soumise à la commission, mes fonctions étant celles d’un conseiller sans délégation de signature” soutient dans cet entretien le futur patron de la deuxième banque française.

Tout est donc pour le mieux: le mensonge présidentiel n’existe plus, puisqu’il permettait d’obtenir un blanc-seing qui ne servait à rien!

Ainsi, les débats sont clos! C’est Dame Lagarde qui l’affirme, en appelant à cesser  “les débats partisans”, dans un gargouillement dont elle seule à le secret:

Selon Christine Lagarde, les missions et les fonctions de François Pérol “ne donnaient pas lieu à saisine obligatoire” de la commission de déontologie de la Fonction publique, “dans la mesure où il n’y avait pas de décision prise sur le plan juridique, pas de signature et pas d’agrément qui fut donné” par l’intéressé.

Bref, rien n’imposait la transparence, rien n’imposait la responsabilité politique, rien n’imposait une nomination qui soit exempte de tout reproche!

Si l’on résume ces piteuses excuses, on arrive au magma mental suivant :

  1. Le fidèle Pérol ne demande rien du tout et est nommé par surprise
  2. Tout le monde s’offusque de cette nomination, allez savoir pourquoi
  3. On oppose que la commission de déontologie a siégé et avalisé le mic-mac
  4. Enfin, non en fait…
  5. Mais on s’en moque, car  l’aval de la commission n’était pas indispensable
  6. Donc tout va pour le mieux et le populo n’a plus qu’à la fermer

Dans cet intéressant tour de passe-passe, où l’on braque les projecteurs sur les points 3 et 4 alors que l’essentiel reste le point 1, on réussit à utiliser le mensonge présidentiel (qui, dans une démocratie normale aurait entraîné des remous gigantesques) comme fondement argumentatif permettant de passer sous silence le scandale  d’une nomination parfaitement régalienne: en discutant à l’infini de la nécessité de se soumettre ou non à la commission de déontologie, on fait tout simplement oublier le caractère fumeux de la nomination première.

L’astuce, ici, consiste évidemment à placer le débat sur un plan strictement légal (quoique parfaitement biaisé), quand le problème est évidemment politique et éthique. Et à réduire la déontologie au fait d’être ou non soumis à la bénédiction d’une commission proclamée “éthique”.

Pourtant, au cours de la dernière campagne présidentielle, dans le face à face qui l’opposait à S. Royal, face à face suivi par une France haletante et commenté par une presse déjà déculottée, Nicolas Sarkozy avait présenté une conception bien différente des nominations présidentielles. Une conception où la déontologie et la transparence primeraient la simple observance de règles formelles alors jugées hypocrites. Une morale neuve en acier trempé, où “la compétence” remplacerait “la connivence“. Une ère régénérée, qui  permettrait de fonder une “République irréprochable“, rien de moins:

Je voudrais aussi une République irréprochable. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire une République où les nominations seront le fait de la compétence, et non pas de la connivence. Je vais proposer un changement très important au Conseil des ministres, qui ne s’est jamais produit dans la République française, que toutes les grandes nominations qui sont aujourd’hui dans le pouvoir du président de la République soient ratifiées par un vote à la majorité qualifiée des commissions compétentes du Parlement, ce qui veut dire que l’opposition aura son droit de veto. Les nominations, me semble-t-il, doivent être hors de tout soupçon. Seule la compétence doit compter. [...]

À la lumière de ces déclarations enflammées que personne n’obligeait Nicolas Sarkozy à faire, la farce de la semaine apparaît plus pathétique encore.


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