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Economie "bullaire" et fausses richesses

Publié le 05 mars 2009 par Objectifliberte

La très sévère correction à la baisse des PIB que nous pouvons escompter dans les mois, voire les années à venir, du fait de l'éclatement d'une gigantesque bulle de crédit immobilier, doit nous conduire à nous interroger sur la pertinence des chiffres de croissance du PIB qui ont été annoncés dans le monde durant les années de formation de cette bulle.

PIB nominal, déflateur et croissance

En effet, le PIB, calculé de diverses manières qui, en théorie, se recoupent, est, par définition, la somme des valeurs ajoutées produites par les agents économiques résidents sur un territoire donné, en clair, la « valeur » que les clients donnent à la production d'un pays, exprimé dans une monnaie donnée. Chaque année, les instituts spécialisés calculent le PIB « courant » ou « nominal ».

D'une année N à une année N+1, le PIB nominal, en général, augmente. Toutefois, la croissance réelle du PIB n'est pas égale au rapport PIB (N+1)/PIB(N): en effet, la "valeur  ajoutée" des transactions est affectée, au cours de l'année, d'une inflation qu'il convient de prendre en compte, résultant d'un accroissement de la masse monétaire un peu plus rapide que la valeur des échanges effectués pour les consommateurs.

Autrement dit, le PIB de l'année N+1 est égal au PIB de l'année N augmenté de la croissance et d'un "déflateur" égal à l'inflation, ce que l'on peut traduire par

PIBn+1=PIBn*(1+c)*(1+i)


ou c est la croissance "réelle", celle que l'on annonce à la Télévision, et i l'inflation, toutes deux exprimées en pourcentage.

Conséquences de la sous estimation de l'immobilier dans l'indice des prix

Nous avons vu, dans la note récemment consacrée aux errements d'Alan Greenspan, que l'indice des prix officiel pris en compte comme déflateur était sans doute sous estimé, car le prix de l'immobilier retenu par les USA était celui d'un "loyer de bien équivalent", lequel augmente toujours nettement moins vite que le prix d'un bien immobilier en période de bulle. La France a le même problème de méthode de calcul.

Or, pour les ménages achetant leur logement pour l'occuper, on peut admettre que l'aspect "consommation" de logement soit plus important dans le budget quotidien que l'aspect "investissement" : il aurait donc été logique de prendre en compte une part plus importante de la hausse des prix immobiliers au sein de l'indice des prix à la consommation... Ce qui eut peut être abouti à des chiffres d'inflation réels politiquement incorrects, qui auraient forcé les banquiers centraux à remonter leurs taux plus vite, et donc à faire éclater la bulle plus tôt. 

Par conséquent, (1+i) a sans aucun doute été légèrement sous estimé pendant les « années bulle », de 1999 à 2007, aux USA, et, pour les mêmes raisons, en France, de 1997 à 2008, je ne saurais dire de combien.

Un multiplicateur de bulle ?

Donc, (1+c) a été légèrement surestimé, et par voie de conséquence, la croissance annoncée (c) a sans doute été légèrement supérieure à la croissance réelle.  Combinée sur 7 à 10 années de bulle, la différence pourrait être sensible: la croissance du PIB a été surestimée de quelques dizaines de points de base, peut être de quelques pour-cent, du fait que les sur-valeurs enregistrées sur le marché immobilier étaient en grande partie artificielles.

Cette propension a sans doute été accentuée dans les pays pratiquant le prêt hypothécaire rechargeable sur une grande échelle, (USA, Espagne, Grande Bretagne), car la valeur artificiellement sur-évaluée du logement servait de base à l'octroi de crédits à la consommation: Une partie de la croissance enregistrée alors l'a été sur la base de création monétaire ne reposant sur aucune création de richesse réelle.  L'inflation de l'immobilier non fondée sur une véritable création de valeur a engendré en quelque sorte un "multiplicateur de bulle" intégré dans nos chiffres de croissance.

Et l'économie s'est vengée: les valeurs artificiellement créées ont fini par disparaître, et aujourd'hui, tant les banques (émetteurs de monnaie de crédit) que les consommateurs reconstituent leurs réserves en vue de se préparer aux cous durs à venir. Le PIB réel doit donc connaître une sévère correction baissière.

Une économie bullaire peut elle fonctionner durablement ?

Telle devrait être la première leçon que nos politiques devraient tirer de la crise: une économie à la fois  bullaire et gagée sur une montagne de dettes contractées sans rapport avec la capacité réelle de remboursement fausse totalement les calculs économiques, conduisant à ce qu'une partie des richesses créées comptablement parlant soient particulièrement instables, pour ne pas dire virtuelles, et qu'un mal-investissement massif s'opère dans les secteurs où a valeur créée est la moins durable.

Tout gouvernement digne de ce nom devrait donc, d'une part, traquer sans relâche, dans son économie, toute trace de loi ou de règlement empêchant, sur un marché donné, l'offre de répondre à l'accroissement d'une demande, ce qui est propice à la formation de bulles. Et notamment, notre droit des sols malthusien devrait être aboli.

D'autre part, il devrait sérieusement s'attaquer aux distorsions, notamment fiscales, qui incitent les entreprises à se développer de préférence par appel au crédit plutôt que par augmentation des capitaux propres. Car même en cherchant sincèrement à éliminer toute source de formation de bulles, un législateur n'y parviendra jamais totalement, et la combinaison d'un excès d'effet de levier avec des signaux de prix indiquant une formation de bulle, donc un espoir de gain rapide pour des spéculateurs aimant le risque, peut avoir des effets économiques désastreux.

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Lire également : la prochaine bulle ?
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