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[Interview] Manhattan Freud : Sigmund mène l'enquête

Par Bouquiner

[Interview] Manhattan Freud : Sigmund mène l'enquêteLa psychanalyse, Freud, l'interprétation des rêves et des actes manqués, vous trouvez ça barbant ? C'est parce que vous ne connaissez pas Luc Bossi. Ce producteur-scénariste de cinéma signe son premier roman, Manhattan Freud, où il offre à Sigmund Freud un rôle inédit de ...détective privé.
Quoi ? Freud qui mène l'enquête et traque un serial killer en plein coeur de New York ? Comment est ce possible ?
L'idée assez originale du livre c'est que Freud mène une enquête policière grâce à la psychanalyse. Il ne va pas chercher des preuves matérielles, mais des preuves psychiques, des lapsus, il va analyser des rêves, des maladresses, des gestes malencontreux et se servir des outils qu'il était en train d'inventer. Luc Bossi se sert du voyage qu'a vraiment fait Freud à Manhattan en 1909, accompagné de Jung. C'était un voyage important pour lui puisqu'il y a fait des conférences qui ont permis l'essor de la psychanalyse aux Etats-Unis. Mais quand il arrive, un meurtre vient d'avoir lieu. Une jeune femme a été témoin de celui-ci. Elle est amnésique. On demande à Freud de l'analyser pour faire remonter ses souvenirs. Il va soigner sa patiente et petit à petit se plonger dans l'enquête. Un ouvrage très agréable à lire, passionnant et didactique. Retour sur la genèse de ce probable best-seller avec son auteur.

Bouquiner.net : comment vous est venu l’idée de faire mener un enquête policière par Freud ? Quel est le déclic ?

Luc Bossi : Pour moi c'était un peu le choc de ces deux mots : Freud et Manhattan, tous les contrastes entre ces deux « univers ». Manhattan est aussi une ville du crime et une ville à l’ego démesuré. Et quand on lit ses livres, on se rend compte que Freud était une sorte de détective né. Il était attentif au moindre détail. Il y a un philosophe, Paul Ricoeur je crois, qui l'a appelé le maître du soupçon. Il disait que les trois grands maîtres du soupçon sont Marx, Nietzche et Freud. Et effectivement Freud cherche toujours la motivation inconsciente, le mensonge derrière ce que vous lui dites. C'est quelqu'un qui doute et qui manie le doute. Et c'est aussi ce que fait un flic quand il interroge des suspects….

Freud est donc un détective de la psyché qui essaye de traquer des crimes, mais des crimes qui se trouvent dans le fantasme ou l'enfance de ses patients. Assez naturellement finalement, on le retrouve dans une enquête avec un criminel qui n'est pas un fantasme mais quelqu'un qui commet vraiment des meurtres. C'est grâce aux outils de la psychanalyse qu'il est en train de créer qu'il va mener son enquête.

Avez-vous lu beaucoup de livres sur la psychanalyse pour écrire ce roman ?

Je connaissais le sujet comme tout le monde, j'avais lu quelques livres, mais quand je me suis plongé dedans et j'ai découvert Freud comme écrivain avec un style limpide et souvent très divertissant. Ses analyses sont fréquemment écrites comme des romans. D'ailleurs il a vraiment une imagination débordante. Il fait des hypothèses parfois assez folles auxquelles il donne un vernis scientifique, mais qui sont souvent purement issues de son imagination. Et c'est ça qui m'a vraiment plu en fait dans ses livres. J’ai essayé de mettre en scène cet esprit, cette attitude créative envers le monde.

Avez-vous avez travaillé avec des psychanalystes ou des psychiatres ?

Non, les seuls que j'aie rencontrés sont Freud et Jung... C'est vraiment un travail sur les psychanalystes de cette époque là. Ce sont eux qui m'ont fourni tout le matériel pour les analyser eux-mêmes. La psychanalyse a beaucoup évolué depuis et dans « Manhattan Freud » j’ai mis en scène un jeu avec les concepts de l'époque. Ils inventaient toutes ces choses et elles sont encore très utiles. Ca me ferait très plaisir que ce livre puisse donner envie d'analyser ses proches ou faire de l'auto-analyse en utilisant quelques-uns des concepts qui sont expliqués au fil de l'enquête. 

Alors vous, êtes-vous plutôt Freudien ou Junien (adepte de Jung) ?

C'est la dichotomie entre les deux qui m'intéressait. D'abord, ils sont très liés parce que Freud était une figure paternelle pour Jung qui était aussi quelqu'un de très important dans la carrière de Freud. Ils sont amis mais en même temps ils ont des personnalités complètement opposées. Freud se méfie énormément de Jung parce qu'il pense qu'il veut inconsciemment prendre sa place à la tête du mouvement de la psychanalyse. Et de son coté Jung veut imposer ses propres théories. Ils n'arrêtaient pas de se chamailler dans la vie et ils le font aussi dans le livre. Je fais ressortir leur conflit dans l'enquête policière. Freud cherche toujours l’explication humaine rationnelle derrière les crimes, tandis que Jung s'intéresse à l'irrationnel, au paranormal, à la parapsychologie, etc. C’est lui qui va notamment interpréter l’intérêt du meurtrier du livre pour l’alchimie. Freud est la figure dominante dans le livre mais l'idée est aussi de mettre en scène leur opposition sans forcément prendre parti.

Vous donnez quelques clés sur la séparation entre Freud et Jung

Oui, ils se sont éloignés peu de temps après leur retour des Etats-Unis, et vers 1912 c'est la rupture consommée. Ensuite ils ne se sont plus vus. Dans le cadre de cette enquête à New York ils sont encore amis, mais on sent que ça ne peut pas durer longtemps parce qu'ils sont trop opposés.

Vous-même, avez-vous fait une psychanalyse ?

Non, mais pour moi faire de la psychanalyse ça peut être aussi simple que de chercher des explications de ses actes dans son propre inconscient. Dès que vous commencez à vous demander ce qu'il y a sous vos réflexions conscientes, quels sont vos motifs cachés, on peut appeler ça de la psychanalyse. Enfin c'est comme ça que je le prends. Du reste Freud n’a jamais accepté d’être psychanalysé et n’avait suivi que sa propre auto-analyse.

Si on devait interpréter votre livre comme on interprète un rêve, qu’apprendrions-nous sur vous ?

Et bien je ne sais pas... ça peut être un jeu pour le lecteur, à partir des concepts donnés par le livre d'interpréter les motivations inconscientes de l'auteur (rire) .... Ou bien leurs propres sentiments en le lisant...

Vous êtes scénariste pour le cinéma, en quoi l’écriture d’un livre diffère-t-elle de celle d’un film ?

Je ne me suis pas donné les contraintes du cinéma. Avec un roman je peux me permettre d’avoir les décors les plus coûteux imaginables par exemple. Cette histoire n'est pas non plus née comme une histoire de cinéma. Qui dit Freud dit l'inconscient, et ça demande beaucoup de descriptions de ce qui se passe dans la tête des gens, donc c'est parfait pour un livre.

Et vous pensez l’adapter un jour su grand écran ?

Oui ca serait génial que ca devienne un film, mais ce serait un projet très ambitieux. Si les gens apprécient lire le livre c’est déjà pas mal.

Le prochain livre est il déjà en préparation ?

J’ai une idée. Je ne me suis pas mis « officiellement » au travail, mais je prends des notes…


Manhattan Freud
Luc Bossi
Ed. Albin Michel - 18,05 € 

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