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J'ai passé un dimanche au bord de l'autre. Trouble dimanche.

Par Georgesf

J'ai passé un dimanche au bord de l'autre. Trouble dimanche.
Cela fait plusieurs jours que je veux écrire un billet sur « Un dimanche au bord de l’autre », le recueil de Françoise Guérin, et ça me fait peur. Ce n’est pas Françoise qui me fait peur, c’est le sujet : des histoires de divan, de psy. J’en ai toujours éprouvé une certaine crainte. Ça remonte à très loin.

Quand j’ai voulu commencer ma carrière de créatif, j’ai été reçu par le patron d’une agence alors très à la mode, que j’admirais.

L’entretien se passe bien, et voilà qu’à la fin, il m’annonce : « Pour travailler comme créatif chez moi, il faudra vous faire analyser, tous mes créatifs y sont passés, ça les a transformés ». Je me suis retiré affolé et ma carrière chez lui s’est arrêtée là. Douze années plus tard, nous nous sommes retrouvés, et il s’en souvenait encore : « Vous m’avez regardé, paniqué, comme si je vous avais demandé de vous faire sodomiser… »

C’était exactement ça.

Tout ça pour dire que j’ai gardé une certaine méfiance envers la chose. Méfiance qui s’est avivée en ouvrant le recueil « Un dimanche au bord de l’autre » : c’est un sujet qu’elle connaît très bien, disons même qu’elle le maîtrise et un peu plus. Je craignais donc qu’à la réticence envers l'exploration des profondeurs s’ajoute celle envers toute pédagogie en littérature.

Pas du tout. Ça se lit bien, et même avec plaisir.

Sur un thème aussi refermé, Françoise Guérin a su ouvrir les portes. Elle sait s’éloigner du divan, dans une nouvelle, pour mieux y revenir dans la suivante, voire pour lacaniser avec allégresse. Elle sait en sourire, voire s’en moquer, elle sait aussi faire peur (ah, vous voyez que j’avais raison). Le tout est solidement documenté.

C’est habilement construit, avec un texte en leitmotiv, en petites séquences, chacune entre deux nouvelles : au début, on en sourit, puis ensuite un peu moins, et c’est là que ça devient très fort.

C’est bien écrit, comme toujours chez Françoise (et elle veut nous faire croire qu’elle écrit ça dans sa tête, en faisant les courses chez Auchan, n’en croyez rien, c’est impossible, j’ai essayé, j’ai tout au plus trouvé les paroles d’une chanson pour enfants. Très jolie. En rentrant la maison il m’en manquait la moitié). Un style serré, efficace, qui ne laisse pas souffler le lecteur.

Les histoires sont variées. Assez paradoxalement, plus ça se rapprochait du divan, plus j’ai aimé. Celle qui m’a le plus bluffé n’est pas un histoire. A peine un texte, c’est un tableau : une soirée en soins psychiatriques. Du simple, un dialogue minimal, des faits, des émotions. Le navrement devant un gamin de dix-sept ans qui ne va pas bien. Et là, soudain, on se dit que Françoise est aux premières loges pour le savoir : tout homme est une histoire. Une histoire sacrée, dit un cantique, et j’en suis bien d’accord.

« Un dimanche au bord de l’autre est publié à l’Atelier du Gué. Un éditeur pas gros, mais grand connaisseur en nouvelles. C’est lui qui édite Brèves, l’excellent magazine de la nouvelle.


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