Magazine

Gran Torino : une belle carrosserie

Publié le 11 mars 2009 par Magda

gran-torino-clint-eastwood

Clint Eastwood dans “Gran Torino”.

Ah, Hollywood. Le Cinémascope. La vision western du monde. Les paysages américains majestueux qui se déploient en 16:9. Les acteurs imposants aux gueules de tueurs sur des corps massifs, membre d’une race aryenne ou massaï ultra-patriote, et prête à défendre la démocratie à coups de flingues en libre circulation. Dans ma répugnance pour le cinéma hollywoodien actuel, et son armada de clichés scénaristiques et émotionnels, un géant du genre attire tout de même mon attention. C’est Clint Eastwood.

Gran Torino, son dernier film, dans lequel il joue le rôle principal, pourrait être un de ces films très américains et pro-américains, vantant la pelouse du voisin et le 4×4 avec le chien, la famille qui mange des cornflakes en souriant et le pavillon de banlieue. Gran Torino n’est pas très loin de tout ça, avec son héros raciste qui a fait la guerre de Corée et se change en héros du quartier, tout en passant la tondeuse aux côtés de son labrador. Mais voilà un acteur et un réalisateur qui sait manipuler le cliché avec tellement de doigté, que le film en devient un vrai morceau de cinéma original, tout en restant dans la machine parfaitement huilée du blockbuster hollywoodien.

Clint Eastwood, l’ancien Inspecteur Harry, se moque du dirty personnage qui a fait son succès. Gros plans frisant le kitsch sur un visage tordu par la rage du justicier, mais aussi par la colère de se voir offrir un téléphone à grosses touches comme à un vieillard impotent par son propre fils. Ingénieux montage de séquences palpitantes, dans la tradition du film de flics des années 70, et de moments d’humour cynique jouant avec le stéréotype du mâle viril, au langage ordurier mais cependant droit dans ses bottes dans toutes les situations. C’est ainsi que Clint Eastwood règle ses comptes aux membres désagréables d’un gang, juste avant d’aller se faire couper les cheveux chez son barbier, qu’il agonise d’injures avec tendresse. Un peu Gabin, un peu John Wayne, Clint Eastwood est un acteur écrasant, bourru, viril, drôle, et bougrement talentueux. Un vrai mec, comme en voit peu au cinéma. Et en plus, ça le fait rire.

La réalisation est passionnante. Les plans serrent l’action, jouent avec les clichés du film policier, et servent l’humour ironique et tendre des dialogues sur un plateau d’argent. On retrouve la route jalonnée d’archétypes du cinéma américain, proche d’un parcours biblique : le péché originel (une vieille dette pas réglée, une vieille blessure), le purgatoire (se prendre une claque par la vie), le changement (apprendre à ouvrir les yeux sur sa faute) et le sacrifice final (la clef du pardon et du paradis). Mais à l’intérieur de cette mécanique se joue tout autre chose. Le constat terrible de Gran Torino, c’est celui que le film fait sur le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, saturé de violence quotidienne et d’incapacité à briser le cercle vicieux.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Magda 59 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte