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Sarkozy, l'Otan et nous

Publié le 12 mars 2009 par Juan
Sarkozy, l'Otan et nousMercredi 11 mars, Nicolas Sarkozy concluait un colloque de la Fondation pour la recherche stratégique sobrement intitulé « La France, la défense européenne et l’OTAN au XXIème » à l'Ecole Militaire (Paris). L'occasion de défendre la réintégration de la France au sein du commandement militaire intégré de l'organisation transatlantique. François Fillon viendra lui le 17 mars devant le Parlement, pour le débat sur cette décision.
L'OTAN, une vieille lubbie.
"Il s'agit pour nous de tirer des leçons la leçon de la situation internationale depuis les années 50. Au lendemain de la dernière guerre, l'Europe Occidentale n'existait plus. Ni militairement, ni même économiquement. Devant la menace que faisait peser sur elle la Russie stalinienne, sa seule garantie, l'unique espérance résidait dans la puissance atomique américaine. L'Otan, c'est à dire en premier, l'intégration des commandements sous l'autorité d'un général américain [...], mettait l'Europe sous la protection américaine. Je ne critique pas. Je me borne à constater une situation de fait. Cette situation a, depuis, changé du tout au tout". Ces déclarations sont de .... George Pompidou, en avril 1966, pour justifier le retrait de la France du commandement militaire intégré de l'OTAN. On dirait qu'elles répondent par anticipation à la décision de Nicolas Sarkozy.
Ce dernier semble lui répondre, 43 ans plus tard: "Notre rapprochement avec l'OTAN conforte l'indépendance nationale mais notre éloignement proclamé mais non réalisé avec l'OTAN limite notre indépendance nationale" (...)
Le président français attendra les cérémonies du 60e anniversaire de l'Alliance, les 3 et 4 avril à Strasbourg (France) et Kehl (Allemagne). A quoi sert l'OTAN au 21ème siècle ? A coordonner les actions militaires occidentales que l'ONU n'assument pas, comme celles en Afghanistan depuis décembre 2001. Le vice-président américain Joe Biden a insisté à nouveau, mardi 10 mars, sur le soutien nécessaire des pays de l'Otan face "une situation qui se détériore." L'OTAN est de facto l'un des obstacles majeurs à la constitution d'une véritable défense européenne. Quelques mois avant la présidence française de l'Union européenne, Nicolas Sarkozy avait annoncé son projet. Mais il avait promis de faire avancer l'Europe de la Défense: "D'ici là, je veux travailler main dans la main avec tous nos partenaires européens pour donner un nouvel élan à l'Europe de la défense. C'est mon ambition, c'est ma priorité. La présidence française nous en donne l'occasion idéale". Qu'en est-il ? Et bien, une garnison allemande va s'installer dans une caserne désaffectée de l'Est de la France. Rien d'autre ? Non, rien d'autre.
Une France Atlantiste ou attentiste?
Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires Etrangères, a déclaré son hostilité au projet sarkozyste : "On nous donne comme explication : en 1966, c'était la guerre froide, tout a changé. Mais cela n'a pas de rapport. Ou alors c'est l'existence même de l'OTAN qui devrait être remise en cause." Ce ralliement complet à l'OTAN plante un peu plus la défense européenne, et donne le signal aux monde (y compris arabe) d'un complet rattachement de la France à la sphère américaine.
Le Figaro a opportunément rappelé, le 10 mars, que François Mitterrand en son temps aurait secrètement négocié la réintégration française aujourd'hui décidée par Nicolas Sarkozy.
"La tentative de réintégration menée par Jacques Chirac en 1995 est connue du grand public. Elle a avorté après deux ans de difficiles négociations, butant sur le refus américain de céder le commandement sud de l'Otan à Naples, que Washington jugeait trop stratégique pour le confier aux Français. Celle qui a été menée fin 1990-début 1991, sous les auspices de François Mitterrand, l'est en revanche beaucoup moins. Elle est encore aujourd'hui entourée du plus grand secret, étouffée par la chape de plomb imposée jadis par l'Élysée sur le sujet, comme s'il s'agissait d'une maladie honteuse.
À l'époque, la guerre du Golfe bat son plein, comme la lune de miel franco-américaine. Des deux côtés de l'Atlantique monte un même élan, une même volonté de se rapprocher. Depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis songent à se désengager d'Europe et à réformer une Alliance qui ne paraît plus adaptée au nouveau contexte géopolitique. «Pendant trois ou quatre mois, à l'automne 1990, des conversations exploratoires réunissent quatre ambassadeurs - français, américain, allemand et britannique - à l'Otan. Les Français, déjà, voulaient reprendre toute leur place, réformer l'Otan et créer un pilier européen au sein de l'Alliance», explique Frédéric Bozo, professeur à Paris-III et spécialiste de l'Alliance atlantique, qui a mis son nez dans les archives."
Cette révélation se retourne contre ses auteurs: les négociations ont échoué, comme l'explique Le Figaro, parce que les exigences françaises visant à limiter "l'hégémonie américaine" ont été jugées inacceptables par le président Bush (senior). Nul conflit aujourd'hui ! Sarkozy plie bagage en l'échange de 2 strapontins de commandement.
Que signifie intégrer le commandement de l'Otan ?
Au-delà de la symbolique, la réintégration de la France au sein du commandement militaire de l'OTAN signifie-t-elle une perte d'indépendance ? Les promoteurs de cette décision arguent que le débat parlementaire aura lieu. Effectivement, le Général de Gaulle ne s'était pas embarrassé, à l'époque, d'une consultation parlementaire pour valider sa décision. On objectera que le gouvernement a choisi de poser la question de confiance sur ce sujet, une façon de limiter la portée des voix discordantes au sein de son camp. Belle hypocrisie du président qui a déclaré à ce sujet, mercredi à l'Ecole Militaire: "Après avoir pris connaissance du résultat du débat, j'écrirai à nos Alliés pour les informer de ma décision". S'attendrait-il à ce que son gouvernement soit renversé à l'Assemblée ?
Sur le fonds, l'obtention de quelques positions de commandement par des militaires français est un faux argument. Les militaires obéissent aux ordres, c'est leur mission et leur devoir. Qu'importe la nationalité.
Les supporteurs du projet expliquent également que la France restera aussi indépendante qu'avant. Jusqu'à maintenant, "la France ne siégeait ni au Comité des plans de défense (DPC), ni au Groupe des plans nucléaires (NPG), elle était faiblement représentée au sein de la structure militaire", rappelle Laurent Zecchini dans le Monde. Une fois réintégrée, la France sera davantage représentée dans les structures militaires de l'organisation, puisque quelques 800 officiers et sous-officiers supplémentaires vont les rejoindre (contre à peine 110 aujourd'hui). Sinon, la France conservera un droit de veto au Conseil de l'Atlantique Nord: 'Nous n'avons aucun poste militaire de responsabilité. Nous n'avons pas notre mot à dire quand les Alliés définissent les objectifs et les moyens militaires pour les opérations auxquelles nous participons' a expliqué Sarkozy mercredi. 'Le moment est donc venu de mettre fin à cette situation car c'est l'intérêt de la France et c'est l'intérêt de l'Europe'.
Pourtant, comment peser davantage qu'hier ? 21 des 26 membres de l'OTAN sont déjà européens. L'exemple britannique est frappant : la Grande Bretagne ne pèse en rien sur les décisions américaines ni celles de l'Otan. 'En concluant ce long processus, la France sera plus forte et plus influente. Pourquoi? Parce que les absents ont toujours tort. Parce que la France doit plutôt co-diriger que subir'. Le président français implique-t-il que les 43 dernières années ont vu la France isolée sur la scène internationale ? Curieux constat.
Pour célébrer le symbole, Nicolas Sarkozy a convaincu Barack Obama de faire un crochet par la Normandie lors du sommet de l'OTAN. Un coup marketing pour cette réunion atlantique. Sarkozy aimerait aussi avoir un vrai tête à tête avec le président américain. Ce dernier l'avait un peu snobé en janvier dernier, en ne répondant que 6 jours plus tard à son message de félicitation.&alt;=rss

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