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Pérol vs Beaufret

Publié le 08 mars 2009 par Jmichel
Pour redresser l’UBS, la Suisse choisit Oswald Grübel, 40 ans de banque dont 20 comme patron, ayant redressé, déjà, le Crédit Suisse.
Pour redresser le Groupe Banques Populaires-Caisses d’Epargne en général et Natixis en particulier, la France choisit un inspecteur des finances ayant une expérience de deux ans comme associé dans une banque d’affaires.
Cependant François Pérol risquait d’affronter un concurrent et/ou critique incommode sinon dangereux à l’intérieur même du groupe : Jean-Pascal Beaufret. Il fallait donc d’abord faire place nette.
Jean-Pascal Beaufret, connu pour la « jurisprudence Jean-Pascal Beaufret » (CE n° 167502 du 6 décembre 1996), inspecteur des finances, est arrivé à la tête de Natixis début 2008 (donc aucune responsabilité dans les pertes qui apparaissent aujourd’hui).
Inspecteur des finances ? donc un camarade à François Pérol ? pas forcément : en effet, comme dans toute mafia, lorsqu’un concurrent extérieur se présente, tous les inspecteurs se serrent les coudes, mais lorsqu’aucune menace extérieure ne les inquiète, ils ne sont pas tendres entre eux.
Donc un homme capable de prendre les rênes du groupe. De plus le mari d’une ancienne ministre socialiste !
Avec un tel homme à la porte, le placard de Pérol n’aurait pas été très confortable.
Donc, prié de prendre ou poussé à prendre la sortie, Jean-Pascal Beaufret laisse la place nette pour Pérol fin 2008.
La « jurisprudence Jean-Pascal Beaufret » nous fait revenir au problème juridique du pantouflage de François Pérol. Dans mes articles précédents sur Pérol, je n’ai pas développé ce sujet car je pensais qu’il était suffisamment abordé à droite et à gauche et que je n’avais donc aucune plus-value à apporter.
Mais je m’aperçois aujourd'hui que l’information est tronquée et je vais donc préciser quelques points.
Les textes applicables :
Article 432-13 du code pénal
Décret n° 2007-611
1°) L’explication de Olivier Fouquet, président de la Commission de déontologie, dans son interview au Point :
« Jusqu'à présent, il n'y a absolument jamais eu aucun avis défavorable. Car ils sont des simples conseillers, ils n'ont aucun pouvoir. Ils n'ont aucune délégation de signature. Ils ne participent pas à la prise de décision. Dans l'affaire des Banques populaires et des Caisses d'Épargne (…) le dossier a été suivi par monsieur Musca, le directeur du Trésor, comme c'est son rôle, par le gouverneur de la Banque de France, qui est responsable des banques, et par madame Lagarde, la ministre de l'Économie. Monsieur Pérol est intervenu dans le dossier pour informer le président de la République (…). S'ils ont travaillé normalement on ne peut pas dire que Monsieur Pérol soit intervenu autrement que comme un conseiller. »

donc conseiller = pas concerné par l’interdiction
Dans le Nouvel Obs
"Pérol : le président de la commission s'explique"
Dans Le Point
"Affaire Pérol : le président de la Commission de déontologie s'explique"
2°) L’explication trouvée dans de nombreux journaux (dont le Nouvel Obs) :
« Il est interdit "de travailler (...) dans une entreprise privée, lorsque l'intéressé a été chargé, au cours des trois dernières années qui précèdent le début de cette activité, dans le cadre des fonctions qu'il a effectivement exercées, d'assurer la surveillance ou le contrôle de cette entreprise" »
« "Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire ou agent d'une administration publique, dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées, (...) d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée (...), de prendre ou de recevoir une participation par travail (...) dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions" »

Extraits de
"Affaire Pérol : ce que disent les textes"
Selon ces textes (tronqués par les journalistes, volontairement ou pas ?), l’interdiction ne concerne que les fonctionnaires ayant « assurer la surveillance ou le contrôle » de l’entreprise visée.
C’est d’ailleurs pour cette raison que Jean-Pascal Beaufret avait dû abandonner son poste de sous-gouverneur du Crédit Foncier de France : « Considérant que M. Jean-Pascal Beaufret (…) exerçait (…) un contrôle direct sur cet établissement ».
Donc Pérol échappe à l’interdiction puisque simple conseiller : l’explication de Olivier Fouquet est cohérente avec les textes.
3°) Une autre explication donnée par certains serait que Pérol n’étant pas un « fonctionnaire ou agent d'une administration publique », ne serait pas soumis à ces textes.
Le point 3°) sera vite réglé : Monsieur François Pérol a été mis en disponibilité de l’inspection générale des finances pour trois ans à compter du 17 janvier 2005 par arrêté du 26 janvier 2005. Il a donc réintégré la fonction publique depuis le 17 janvier 2008.
Sur le point 2°), les textes cités sont tronqués : les interventions visées sont beaucoup plus larges :
« soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions »

Qui pourrait croire que Pérol n’a jamais formulé un quelconque avis sur l’intervention de l’Etat dans le dossier des banques en général et des Banques Populaires et Caisses d’Epargne en particulier ?
Donc, pour revenir au point 1°), soutenir que, parce que Pérol n’est intervenu que comme conseiller, il n’est pas soumis aux interdictions de ces textes, est une opinion pour le moins discutable.
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