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[Bilan] Black Books [Intégrale]

Publié le 31 août 2007 par Heather

En guise de préambule, je voudrais d'abord revenir sur la fréquence de mes notes sur ce blog, moins importante cette semaine (et sans doute la semaine prochaine). Cela s'explique par des esquisses de potentialité de vie professionnelle (croisons les doigts) et un emploi du temps surchargé. Mais pas d'inquiétude, je suis toujours là et les sujets à traiter ne manquent pas. ^_^

Puisqu'on en est à ce parfum de rentrée, c'est aussi le moment de vous faire partager les quelques "rattrapages" de cet été 2007. J'avais notamment décidé de consacrer une partie de mon temps libre à parfaire ma culture séries dans un genre auquel je fus longtemps allergique (d'ailleurs, je ne suis pas certaine que l'emploi d'un temps passé soit pleinement réaliste pour ce cas) : les sitcoms. Je n'ai pas tenté de verser dans une certaine exhaustivité ou d'expérimenter trop (J'aurais quasiment toute une vie à rattraper et pas forcément la motivation nécessaire). Je me suis donc concentrée sur quelques noms qui m'ont été recommandés.

Aujourd'hui, je vais donc vous parler de Black Books. Il s'agit d'une sitcom créée par Graham Linehan et Dylan Moran, diffusée de 2000 à 2004 sur Channel 4. Elle comporte 3 saisons de six épisodes chacune. Recompensée par deux BAFTA (l'équivalent des Emmy Awards en Angleterre) en 2001 et 2005, elle a été diffusée en France sur le câble sur Comedy ou Canal+. Plus récemment, France 4 vient de diffuser au cours du mois d'août qui s'achève les deux premières saisons (même si malheureusement en VF). Au casting, on retrouve Dylan Moran -un humoriste irlandais extra-, Bill Bailey (Spaced) et Tamsin Greig (Green Wing).

Black Books tire son nom de la librairie tenue par Bernard Black. Alcoolique asocial se complaisant dans une marginalité revendiquée, Bernard est celui autour duquel gravite les autres personnages. Il sait faire preuve d'une inventivité constamment renouvelée pour cultiver son décalage, être désagréable et sale se complaisant dans le marasme alcoolisé de sa vie. C'est que Bernard tient une librairie. Partisan du moindre effort, il entretient une relation avec ses clients principalement basée sur la peur, leur prodiguant des conseils aux fins commerciales douteuses. Ainsi il n'hésite pas à leur expliquer que le livre qu'ils viennent d'acheter est "boring but short (heureusement)". Un tel talent dans le relationnel qui amène d'ailleurs le téléspectateur à se demander initialement comment l'entreprise peut être encore à flot. D'autant plus Bernard entretient une méfiance vicérale du terrible cercle vicieux. Imaginez la catastrophe qui s'enclenche s'il commence effectivement à vendre des livres : il va falloir ensuite en commander de nouveaux (passer la commande suppose de passer un coup de téléphone nécessite une réflexion bien trop intense dans les démarches et les choix à faire). Puis, il faudra envisager de sortir les livres des cartons pour les exposer sur les étagères, etc... Inimaginable. On ne s'en sort plus. Si bien que Bernard peut-être prêt à tout pour se sauver, n'hésitant pas parfois à... payer un client de façon à se débarrasser coûte que coûte de ce carton rempli de livres reliés en cuir qu'il ne veut en aucun cas déballer. 

Bernard n'est pas seulement un marginal cultivant son penchant désagréable et doté d'un sens du commerce tout personnel, il est aussi un alcoolique touche-à-tout, jamais à court de nouvelles boissons à expérimenter et savourer (telle une bouteille d'absinthe ou un vin de rosier destiné au Pape). Il est d'ailleurs peu probable que son taux d'alcoolémie soit jamais descendu suffisamment, au cours de ces dernières années, pour l'autoriser à prendre le volant d'une voiture. Dylan Moran excelle dans ce registre, n'ayant pas son pareil pour mettre en scène son personnage à des degrés d'ivresse variés, mais offrant toujours un décalage piquant accompagné de cette petite touche de recul personnelle. Et finalement, aussi désagréable que soit Bernard, c'est son antipathie savamment entretenue qui fidélise le téléspectateur et fixe le ton délicieusement corrosif de la sitcom. 

Pour équilibrer, ou plutôt pour aggraver les choses, Bernard est entouré par deux comparses au potentiel comique imparable. Tout d'abord, il y a sa seule amie, Fran, qui tient un magasin de déco d'intérieur, à côté de la librairie, au contenu plutôt flou, même pour celle qui vend toutes ces babioles gadgétisées qui nécessitent parfois une journée entière d'investigation pour en comprendre l'utilité (si utilité, il y a). Fran met beaucoup de bonne volonté à ré-organiser sa vie, pour retomber toujours aussi sûrement dans ses travers alcoolisés et gaffeurs. Gauche et spontanée, elle est une compagne de beuverie enthousiaste. Même si son ambition immédiate serait plutôt de trouver l'homme qui lui faut. Mais sa vie amoureuse chaotique s'apparenterait plus à une absence de quelconque relation. Il faut dire que Fran n'a pas son pareil pour se coincer dans d'improbables situations, volontairement ou non, du classique dîner gay au rendez-vous nocturne radiophonique sur la météo marine.

Si on s'interroge rapidement sur la viabilité de la librairie de Bernard, c'est aussi parce qu'il est sans doute fort probable que son propriétaire l'ignorerait si elle se trouvait en cessation de paiement, avec des comptes ayant basculé définitivement dans le rouge. En effet, le concept de comptabilité demeure hermétiquement étranger à Bernard qui perd toute rationalité quand il s'agit de poser une série de chiffres sur du papier (à ne pas manquer sa tentative de compléter une déclaration d'impôt !). Suite à une série de qui pro quo au cours du pilote, il embauche un ex-comptable, Manny, récemment viré, après une soirée très arrosée mémorable (sauf pour Bernard dont les souvenirs sont un peu flous) qui vous résume à elle-seule l'essence de la série. Plein de bonne volonté mais pas toujours très futé, le job de Manny était initialement d'aider à la librairie... Mais vu l'activité effrénée de Bernard, Manny multiplie les missions diverses et variées, tel l'embauche d'un spécialiste du ménage pour tenter de remettre tant bien que mal les lieux en conformité avec les normes d'hygiène. En effet, le nettoyage ou encore le rangement sont également des concept beaucoup trop abstraits (ou contraignants) pour l'esprit libre de Bernard. Certes, les "solutions" de Manny créent souvent plus de problème qu'elles n'en règlent, mais son volontarisme enthousiaste offre le contraste parfait avec l'image de l'apathie constante de son patron.

Cette sitcom s'inscrit dans la lignée des comédies typiquement britanniques, se complaisant dans un ton burlesque au rire contagieux alors qu'elle enchaîne, dans une joyeuse atmosphère d'ébriété, les situations les plus absurdes. Avec cet un humour imbibé d'alcool, les scénaristes cherchent avant tout à nous faire rire, sans se formaliser d'une cohérence scénaristique rigoureuse. Tenant parfois plus de l'enchaînement d'une série de sketchs que d'un réel récit, la série sait exploiter pleinement le ressort comique de toutes les dynamiques initiées. Elle n'hésite pas à en faire trop, avec plus ou moins de réussite ; mais c'est justement une de ses caractéristiques que de ne reculer devant aucun excès, à l'image de ses personnages. Elle se refuse tout interdit et aime se dépasser constamment dans les situations les plus absurdes qu'elle peut mettre en scène. Tel un défi à la rationalité, elle permet au téléspectateur de s'immerger avec plaisir dans cette ambiance à part.

Bilan : Par moment jubilatoire, alcooliquement absurde, se réfugiant dans tous les excès possibles avec l'entretien de joyeuses confusions scénaristiques, il règne sur cette sitcom une ambiance décalée contagieuse. On plonge sans hésiter dans cet humour alcoolisé, pour des moments de pure détente. 

A découvrir (mais, j'insiste, en VO si possible).


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