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Conseillé d'Etat

Publié le 12 mars 2009 par Malesherbes

Après l'examen du cas Pérol, Olivier Fouquet a déclaré jeudi 12 mars aux députés : " Nous avons imaginé une démission collective. Ce qui nous a arrêtés, ce sont les termes de la loi [...] Si on avait démissionné, [...] il y aurait eu une période intermédiaire pendant laquelle n'importe qui aurait pu demander un avis et obtenir un avis favorable. " Ah, les braves gens ! Si j'ai bien compris, leur souci était d'éviter un avis favorable. Pourrait-on savoir quel avis ils ont rendu ? Suis-je bête, l'important n'est pas l'avis mais qui le rend.
Un lecteur de ce blog posait la question de savoir s'il existait encore une personne dotée de ces attributs dont le nom, dérivé du latin, signifie " petits témoins ", entendez de virilité. Les membres de cette commission viennent de lui répondre. Mais je m'interroge. Cette attitude n'aurait-elle pas été dictée par le refus d'abandonner une position riche de prestige et peut-être même d'argent, cette source, désormais honnie par notre Président, de tous nos maux ?
Toujours dans la même veine, l'honorable conseiller d'Etat poursuit : " Nous ne pouvons pas savoir avant d'avoir instruit l'affaire si l'intéressé est dans un cas de saisine obligatoire ou dans un cas de saisine facultative ". Peut-être. Mais où se situe le problème ? Dans le doute, qu'est-ce qui empêchait d'instruire l'affaire en considérant qu'il s'agissait d'un cas de saisine facultative ? Etant donné l'émotion soulevée, c'eut été faire preuve de sagesse, précisément la qualité que l'on peut attendre de si respectables personnes.
On s'évertue à faire valoir que la loi n'avait pas à s'appliquer, du fait de l'absence de contrôle par M. Pérol de l'entreprise dans laquelle il va être embauché. Je m'étonne de voir de si éminents juristes incapables de lire un texte de loi. L'interdiction s'impose " lorsque l'intéressé a été chargé [...] de formuler un avis ". Essayerait-on de nous faire croire que le secrétaire général adjoint de l'Elysée a participé aux réunions entre les banques en cause sans jamais faire part de son point de vue, pour reprendre un terme que Nicolas Sarkozy apprécie tant ? La lettre adressée le 24 février par M. Fouquet à M. Guéant démontre à l'évidence qu'un conseiller est capable non seulement d'avoir une opinion, qui plus est personnelle, mais de l'émettre et, bien plus, de l'écrire.
Il me semble également que des réunions de cette importance ne peuvent être tenues sans que soient rédigés des procès-verbaux ou tout au moins des comptes-rendus. J'espère que la commission de déontologie dispose du pouvoir d'exiger la production de ces documents, afin d'y rechercher d'éventuelles traces des interventions de l'intéressé.
On nous parle aussi de jurisprudence, en citant des cas où il n'y a pas eu d'obstacle au pantouflage. Je pense, pour ma part, que la jurisprudence est nécessaire pour éclairer l'application de la loi lorsque la formulation en est ambiguë. Mais elle ne saurait conduire à la vider de sa substance. Si on peut citer de tels cas, ils n'invalident pas la loi mais plutôt discréditent ceux qui ont rendu de tels avis.
J'ignore dans quels termes MM. Sapin et Montebourg se sont adressés à la commission mais M. Fouquet a manifestement perdu son sang-froid en apostrophant ainsi les députés socialistes : " Il n'y a que dans les pays soviétiques qu'on intervient comme ça! ". A ma connaissance, il n'y a eu qu'un pays soviétique, c'est l'URSS, et il a disparu. Donc, ni le pluriel, ni le présent ne sont de mise. Peut-être ces deux députés socialistes ont-ils été offensifs mais, si l'on doit accepter d'un parti d'opposition qu'il soit combatif face à un refus d'appliquer la loi, il n'en va pas de même pour un Conseiller qui représente l'Etat, ne doit connaître que la loi et n'a pas à considérer l'appartenance politique d'interlocuteurs qui, à la différence de lui-même, ont été élus par le peuple souverain.
Je crois qu'il nous faut modifier l'orthographe du titre de M. Fouquet. Conseillé d'Etat lui conviendrait assurément beaucoup mieux. Ce qui, à la réflexion, pourrait conduire le législateur à envisager, en ces temps de crise, de réaliser quelques économies qui, sans être nécessairement conséquentes, présenteraient un réel intérêt symbolique.


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