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Eric Besson ou la dénonciation légalisée

Publié le 12 mars 2009 par Hern

Eric Besson ou la dénonciation légalisée

Article de Nassira El Moaddem

Eric Besson, ancien Monsieur Economie du PS, converti au sarkozysme, vient de sortir il y a quelques semaines de son chapeau ministériel, une bien étrange idée : récompenser par un titre de séjour un immigré « clandestin » qui aurait donné aux services de police les noms des passeurs auxquels il aurait eu affaire. “Avec le système que nous allons mettre en place, [les clandestins] savent que s’ils dénoncent ceux qui les ont mis dans cette situation, ils peuvent obtenir instantanément un titre de séjour provisoire et coopérer avec la police”, a-t-il dit.

Le danger est de taille : à la fois pour l’individu qui décidera de « coopérer » mais également pour sa famille restée au pays et qui pourrait faire les frais d’un règlement de compte des réseaux de passeurs. Par cette nouvelle mesure, Eric Besson semble minimiser les risques que cette pratique pourraient entraîner. Les intéressés, interrogés ici ou là par les journalistes, ne semblent pas non plus séduits par cette idée. On imagine les agents de police interrogeant dans leurs locaux un immigré en situation irrégulière, agitant dans une main un éventuel titre de séjour et dans l’autre une feuille blanche où l’intéressé devra donner des informations sur ses fameux passeurs. Pour Besson, il ne s’agt que de donner les noms des membres d’une mafia. Pourtant, c’est la manière de procéder qui inquiète car un nouvel instrument de chantage, que beaucoup jugent immoral, sera aux mains des forces de police.

De plus, le nouveau ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, par l’annonce de cette mesure, réduit la question de l’immigration à la seule question des passeurs . Pourtant, celle-ci, si elle est une composante du problème, ne peut être exclusive : le départ de milliers de personnes des pays du Sud de la Méditerranée ou de l’Est ne cessera pas, ni avec l’arrestation des passeurs, ni avec le renforcement des dispositifs de sécurité européens. Les drames de Lampedusa ces dernières semaines en sont un criant exemple. Tant que les déséquilibres entre Nord et Sud s’accroîtront, les candidats au départ vers l’Europe seront tout aussi nombreux. Avec ou sans passeurs.

En tout cas, la mesure est habile et à l’effet médiatique assuré ; par ce moyen, Eric Besson suit les traces de Brice Hortefeux. S’attaquer aux passeurs, c’est un bon moyen de jouer sur une action visible que l’on pourra facilement retranscrire par des chiffres. D’un côté, l’aîné explose le nombre de reconduites à la frontière ; de l’autre le Poucet Besson diminuera le nombre de passeurs. Si Hortefeux avait choisi la manière musclée pour répondre au problème, Besson a lui enfin trouvé son style !

Comment justifier ce genre de mesure dans un pays où l’on se félicite de nos valeurs humaines, donnant des leçons de morale à tout va à l’extérieur de nos frontières mais finalement si loin de l’image que l’on renvoie de nous-mêmes ? Au-delà de la mesure en elle-même, c’est la manière qui est contestable.


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