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Benoît XVI : «mais ça coule pas ! mais ça coule pas ! mais ça coulera donc pas !»…

Publié le 14 mars 2009 par Kamizole

benoit-xvi-williamson-29-janv-2009.1237032498.jpgApparemment, «l’affaire Williamson» reste en travers du gosier pontifical… D’où la petite ironie de mon titre… N’y voyez surtout aucun sacrilège. C’est un souvenir de mes années de pension chez les bonnes sœurs - dont je doute toutefois qu’elles eussent apprécié cette innocente parodie du «mea culpa» de mes condisciples. Mais il y a à l’évidence des mets - comme le bien nommé «étouffe-chrétien» - qui ont bien du mal à être avalés !

A survoler les titres de quelques articles récents, le Pape semble surpris des polémiques suscitées – à très juste titre et jusques au sein de l’Eglise catholique – par la levée de l’excommunication des cardinaux lefebvristes membres de la Fraternité Saint-Pie X - avec pour cerise sur le gâteau - le sulfureux Mgr Willamson qui défraya précisément la chronique quelques 15 jours auparavant par des déclarations négationnistes. Sa rétractation me sembla ensuite de pure forme.

Un autre scandale éclabousse actuellement l’Eglise : l’excommunication par l’archevêque de Recife (Brésil) d’une fillette de 12 ans, de sa mère et de l’équipe médicale qui avaient pratiqué un avortement en toute légalité selon la loi brésilienne pourtant sévère sur le sujet. La fillette avait été violée et devait mettre au monde des jumeaux.

Or, bien qu’ayant suivi cette affaire de loin, j’ai vu que le Saint-Siège avait approuvé l’excommunication… Fort heureusement, j’aperçois ce matin sur la newsletter de Libération que la conférence nationale des évêques brésiliens (CNBB) a désavoué l’archevêque de Recife.

Qui aura raison ? L’archevêque de Recife et le Saint-Siège ou la communauté brésilienne des Evêques ?

Nul hasard si je relie ces deux affaires. Ce pourrait être un effet de ma fainéantise naturelle : un seul article au lieu de deux… J’avais amassé une importante documen-tation (dont je vous ferais grâce) au moment de la levée de l’excommunication des lefebvristes et je comptais bien traiter du «cas Willamson».

Mais j’ai beau travailler beaucoup - une quinzaine d’heures quotidiennes, parfois plus… - je suis une beso-gneuse qui n’entend sacrifier ni au fond ni à la forme. J’aime trop écrire pour ne pas apporter tout le soin qu’il y faut : «Cent fois sur le métier» (Boileau) m’a seriné mon père tout du long de mes jeunes années. Et j’ai retenu la leçon.

Quand bien même fût-ce pour faire passer des idées qui me semblent essentielles. Le travail de collecte des informations est lui-même fort chronophage. Mais comme j’ai la chance d’être dotée d’une bonne mémoire, relativement synthétique au demeurant, ces lectures attentives ne me sont pas inutiles puisqu’elles m’épargnent de devoir retourner aux articles pour écrire aujourd’hui.

Pour résumer, la décision de Benoît XVI de lever l’excommunication des evêques lefebvristes (prononcée par Jean-Paul II en 1981 si ma mémoire est bonne) semblait justifiée par la volonté de rassemblement de toute la communauté catholique et le désir de mettre une fin à ce schisme.

Soit. Louable intention. Mais…

Il se trouve que la Fraternité Saint-Pie X est ultra-réactionnaire. Intégriste bien plutôt que traditionaliste. L’opposition à Vatican II va chez eux bien plus loin que les seuls changements de rites de la messe par exemple. Ils remettent notamment en cause l’œcuménisme et l’ouverture aux autres religions, notamment musulmane et juive.

Et pour cette dernière, l’abandon de la théorie aussi injustifiée que terriblement meurtrière du «peuple déicide»…

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Après le règne de Pie XII qui ne s’opposa nullement aux nazis et à l’extermination des juifs pendant la seconde guerre mondiale, le bon Jean XXIII pour qui j’éprouve la plus profonde admiration, apportait – avec Vatican II - un vrai souffle d’oxygène dans l’Eglise. «Ce qui a le plus de valeur dans la vie, C’est Jésus-Christ, sa sainte Église, son Évangile, la vérité et la bonté»… Jean XXIII dixit. Comment n’aurais-je pas adhéré à la simplicité de ce message ?

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J’avais 14 ans au début du concile et c’est exactement comme cela que je l’ai ressenti. Un salutaire bol d’air. Je ne fus pas la seule, preuve en étant une réaction de BCT, alias l’orléanais Polikarpov, avec qui je me sens toujours en phase notamment ses commentaires sur les articles de Libé-Orléans…

Or, bien que suivant de très loin ce qui se passe dans l’Eglise catholique (je reste croyante mais non pratiquante) je suis de longtemps persuadée que les avancées de Vatican II ont été remises en question. Notamment sous le pontificat de Jean-Paul II même s’il a heureusement continué dans la voie de l’œcuménisme et du dialogue avec les Juifs.

A mon avis, Jean-Paul n’a excommunié le Cardinal Lefebvre et les membres de la Fraternité Saint-Pie X qu’au moment où Joseph Lefebvre s’est octroyé le pouvoir pontifical de nommer des évêques… et aucunement sur des questions de théologie ou de rites.

Dernièrement, visitant un article de Circé-45 sur le scandale de l’excommunication de la fillette par l’archevêque de Recife, une de ses réponses à mon commentaire m’a remis en mémoire Dom Helder Camara, grande figure de l’épiscopat brésilien dans ma jeunesse et pour qui j’éprouvais la plus profonde admiration… qui fut de surcroît évêque de Recife… Le fait que je militais à la JOC n’y était sans doute pas étranger.

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Il appartenait au courant dit de la «Théologie de la Libération» qui fut condamné, outre par l’Opus Dei – mouvement ultra-réactionnaire - par la non moins réactionnaire «Congrégation pour la doctrine de la foi», organe du Vatican et – dans une moindre mesure – par Jean-Paul II.

Or, le Cardinal Ratzinger – futur Benoît XVI – fut Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et, à ce titre, mena une offensive implacable contre la Théologie de la Libération…

Je ne puis m’empêcher de faire le rapprochement avec l’interdiction des «prêtres ouvriers» en 1954, Pie XII étant alors aux commandes de l’Eglise catholique. Ils furent accusés principalement d’être trop proches des syndicats et – surtout – du Parti communiste.

Ils furent heureusement autorisés à nouveau par Paul VI en 1965 dans la foulée de Vatican II. J’en ai rencontré un certain nombre – de très grande qualité - notamment à la JOC ou dans l’Action catholique ouvrière. Plus quelques uns dans le monde du travail.

Je me souviens notamment d’un d’entre eux qui était aide-soignant à l’hôpital Tenon et qui, par la suite, poursuivit des études pour devenir infirmier dans le cadre de la promotion professionnelle qui marchait bien en ce temps-là à l’Assistance publique. J’ai aussi rencontré, à la JOC ou ailleurs, des bonnes sœurs en civil qui travaillaient dans tous les milieux.

Je n’en parle que pour mettre en perspective deux aspects diamétralement opposés de l’Eglise catholique. D’un côté les plus réactionnaires dont le summum est représenté par l’Opus Dei et la Fraternité Saint-Pie X. De l’autre, les mouvements progressistes, issus de la Théologie de la Libération – à laquelle adhéraient au demeurant la JOC et l’Action catholique ouvrière.

Il me revient à l’instant à la mémoire un autre fait que j’avais oublié : le limogeage de Mgr Gaillot, évêque de Lisieux, pour ses prises de position sur les questions de société et leur traduction dans l’Eglise – très médiatisées – contraires évidemment à celles que défendait Jean-Paul II…

Je ne suis sûrement pas la seule catholique à avoir préféré celles de Jacques Gaillot, que ce fût, pêle-mêle – et j’en oublie sûrement ! – sur le sida (la nécessité de la capote pour ne pas répandre inconsidérément la maladie), l’homosexualité, l’avortement et la contraception, le mariage des prêtres voire l’ordination des femmes… autant de positions avec lesquelles je me sentais évidemment en phase.

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Sans oublier, non l’apostolat en soi mais la «présence» des chrétiens et de leurs pasteurs auprès des exclus de la société.

Comme, a priori (mais je ne suis pas versée en «droit canon») Jacques Gaillot ne pouvait être déchu de son titre d’évêque, il fut ridiculement nommé «évêque in partibus infidelium» : dans les contrées des infidèles de la lointaine Parténia… ancien siège épiscopal situé en Algérie, dans la région de Sétif qui a disparu depuis… le Ve siècle et dont personne ne connaît aujourd’hui la localisation exacte ! Autant dire, au Diable Vauvert ou à Pitchipoï !

Je suis persuadée depuis le départ que la levée de l’excommunication des schismatiques membres de la Fraternité Saint-Pie X visait à renforcer le camp anti-progressiste dans l’Eglise catholique. Et que Benoît XVI, dans son ignorance de la réalité de l’Eglise autant que de la société en général, pensait que cela passerait comme lettre à la poste.

Il n’avait surtout pas prévu le grain de sable : Mgr Williamson et sa déclaration négationniste sur les chambres à gaz qui n’auraient pas existé…

J’ai lu dans divers articles que cette déclaration avait pour but de faire capoter la réintégration de la Fraternité Saint-Pie X dans le giron de l’Eglise catholique. C’est bien possible…

De toutes façons, il paraît évident que les négociations entre le Saint-Siège et les dignitaires de cette Fraternité seront longues et laborieuses et qu’il ne sera guère facile de leur trouver une place dans la hiérarchie ou des ministères au sein des paroisses.

Benoît XVI n’avait pas prévu la levée de boucliers ou le tollé général, non seulement au sein de l’Eglise mais aussi dans la société en général, sans oublier les réactions – bien évidemment justifiées - au sein de la communauté juive.

Ni la colère d’Angela Merkel… L’Allemagne ayant évidemment beaucoup à se faire pardonner, ce qui demandera sans doute encore du temps. Apparemment, Benoît XVI n’aura pas fait un trait véritable sur sa «jeunesse allemande» et son appartenance au mouvement nazi. J’ai beau savoir que pour certains ce fut un passage presque obligé… tous n’ont pas vraiment renié ce passé !

Je pense n’avoir pas besoin de dire que je partage ces indignations. De même en ce qui concerne l’excommunication de la petite fille par le rétrograde évêque de Récif.

Si l’Eglise catholique – dont on a souvent dit qu’elle était «une secte qui avait réussi» - veut redevenir une secte : repliée sur un tout petit nombre de fidèles idéologiquement très rigides, elle ne s’y prendrait pas autrement !


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