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Benoît XVI, ou le pontificat tragique de l’incompréhension

Publié le 18 mars 2009 par Hmoreigne

 La morale avant la santé. En chemin vers les terres africaines ravagées par le sida Benoit XVI a stigmatisé l’utilisation du préservatif. A l’inverse de son prédécesseur qui se voulait oecuménique, Benoit XVI prend le risque d’inscrire son pontificat dans un registre très polémique. Celui de l’incompréhension. Celui d’une église qui refuse de vivre et d’évoluer avec son temps.

Si le Saint-Père est un intellectuel reconnu, sa propension aux propos maladroits l’est tout autant. Dominique Quinio dans La Croix ne cache pas son amertume. “À cause de ces quelques mots, entendra-t-on le reste du message? L’appel à une “humanisation de la sexualité”, à une éducation affective, comme l’invitation à se tenir indéfectiblement au côté des souffrants. Autant de domaines où l’Église apporte sa pierre, au service de tous, dans le silence.”
Fallait-il en rajouter ?” résume Jacques Guyon dans La Charente Libre ? “Là où les médecins, les associations locales mais aussi les curés et les religieuses du cru attendaient au moins une position qui prenne mieux en compte les réalités du terrain, n’est-il pas irresponsable et, disons-le, carrément criminel, que de faire comme si les responsables des campagnes de prévention étaient des agents du diable au service de la lubricité et au bout du compte responsables de la maladie ?”.

Patrice Chabanet dans le Journal de la Haute-Marne s’inquiéte de “la multiplication d’attitudes ou de paroles marquées par le sceau du conservatisme“. “Ce faisant, Benoît XVI prend d’énormes risques: accélérer la déchristianisation, notamment en Europe, et semer le trouble au sein même de l’Eglise. L’affaire Williamson et l’excommunication prononcée par l’évêque ultraconservateur de Recife, au Brésil ont mis au jour presque une défiance face au successeur de Jean-Paul II.” Un discours qui n’est pas sans conséquences poursuit l’éditorialiste. “Mais ignorer la réalité - qui s’exprime par la souffrance et par la mort - s’apparente à la non-assistance à personne en danger. C’est un peu comme si l’on interdisait la ceinture de sécurité au motif que les automobilistes seraient à même d’éviter les accidents par une conduite mesurée“.

Benoît XVI est un théologien émérite mais il est désormais avant tout le chef de l’église catholique romaine. Or un Pape ne peut pas dire tout haut ce qu’il écrivait lorsqu’il était simple cardinal, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi. La congrégation, une appelation discréte qui couvre un passé agité. Anciennement nommée le Saint-Office, elle est surtout la descendante de l’ancienne redoutée et redoutable Inquisition.

Pendant des années donc, la mission confiée à Joseph Alois Ratzinger fût de préserver l’orthodoxie de la doctrine catholique. Et il le fit avec efficacité, de façon répressive, en multipliant les condamnations et réprobations à l’égard de catholiques d’importance ou de théologiens. Ses détracteurs dénoncent une “fin foncière de non-recevoir opposée à la modernité”. Une de ses dernières décisions dans ses fonctions de préfet de la congrégation sera de congédier le rédacteur en chef d’une revue jésuite américaine considérée comme progressiste, en délicatesse avec la Congrégation depuis plusieurs années.

Dans ses ouvrages, le cardinal Ratzinger a constamment développé l’idée qu’aucun œoecuménisme ne saurait se construire sur la base du plus petit dénominateur commun. Une intransigeance qui lui vaudra le surnom de “Panzerkardinal”.

A l’issue de la polémique suscitée par la levée de l’excommunication de quatre évêques intégristes dont le négationniste Richard Williamson, Benoît XVI a tenté de se justifier dans une lettre controversée, teintée d’amertume adressée aux évêques du monde entier rendue publique par le Vatican dernièrement. Ce document inhabituel révèle au grand jour un pape isolé, blessé par les critiques, qui appelle les fidèles à faire taire leurs dissensions.

Dans sa missive, Benoît XVI reconnaît deux “erreurs”. Ne pas avoir “suivi avec attention les informations auxquelles on peut accéder sur internet”, ce qui aurait permis de connaître les déclarations négationnistes de Williamson ainsi que l’insuffisance d’explications sur “la portée et les limites” de la levée de l’excommunication. Les leçons ne semblent pas toutefois étaient tirées pour ce qui est de la lutte contre le sida dont l’un des moyens repose sur l’utilisation de préservatifs. Internet est suffisament prolixe sur le sujet. A moins que les voies de l’informatique ne soient impénétrables. Même pour un Pape.


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