Magazine

Un lac

Publié le 21 mars 2009 par Rob Gordon
Un lacC'est fou le nombre de pseudo-cinéastes qui pensent que l'étiquette "film expérimental" permet de faire gober n'importe quoi à n'importe quel quidam qui n'osera pas exprimer son profond ennui face à ce cinéma exigeant (et qui dit exigeant dit incritiquable, c'est bien connu). Philippe Grandrieux est le chef de file de ces artistes onanistes qui se trouvent géniaux et parviennent à convaincre certains que leurs vessies sont des lanternes. Le réalisateur de Sombre et de La vie nouvelle s'est pris pour le fils caché de Tarkovski et de Dumont. Sauf que non.
Un lac, c'est donc une heure trente de très gros plans sur des narines, des yeux, des naseaux (car il y a un cheval), des troncs d'arbres. Le gros plan peut permettre de saisir l'insaisissable, l'imperceptible. Mais le très gros plan à outrance, lui, ne sert à rien d'autre qu'à montrer les comédons des comédiens. Accessoirement, c'est la preuve flagrante de l'inanité du style Grandrieux, qui pense que filmer avec un microscope suffit à réussir un cinéma de la perception et de la suggestion. Le son est à l'unisson : pour sûr, on n'a jamais aussi bien entendu une cuillère heurter les parois d'un bol. Ça pourrait être intéressant dans le cadre d'une attraction du Futuroscope ; c'est malheureusement utilisé avec le plus grand des sérieux par le réalisateur (car c'est sa profession).
Rarement le contemplatif aura été aussi laid, aussi vide, aussi laid. De ce marasme, il y a, allez, une demi-douzaine de plans à sauver, et même une micro-séquence en fin de film, constituée de deux belles images consécutives sur fond de chant féminin. Le reste n'est qu'un simulacre de film d'auteur. Caméra tremblotante, dialogues en forme de borborygmes, (très) longs silences censés en dire beaucoup. De bout en bout, Grandrieux échoue à créer une ambiance, et on se surprend à être plus fasciné par la pancarte "sortie de secours" que par ce qui se passe (ou plutôt ne se passe pas) à l'écran.
Mais soyons beaux joueurs, et résumons le film pour qui souhaite s'y frotter : c'est l'histoire d'un bûcheron (à un moment, par le biais de la caméra subjective, on est même à la place de l'arbre) épileptique (il fait des crises avec les yeux qui se révulsent et de la bave et il gigote dans la neige comme un poisson rouge hors du bocal) qui vit une relation trouble (à un moment elle le tripote, enfin certainement, vu que c'est filmé en si gros plan qu'on n'est pas bien sûr) avec sa soeur (ça, on en est sûr, grâce au dialogue « Tu es ma soeur. - Oui. - Je suis ton frère. - Oui. »). Sauf qu'arrive Jurgen, qui vient chercher du bois (« Jurgen, c'est moi. Je viens chercher du bois »), et à cause duquel les choses ne seront plus jamais comme avant. On pourrait continuer ce paragraphe pendant encore trente bonnes lignes, mais ce serait faire trop d'honneur à ce condensé de rien du tout, ce majeur fièrement levé à la face des amoureux du cinéma d'art et essai par l'inventeur du plus-que-premier degré. Ça soulage.
0/10

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Rob Gordon 109 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog