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La cour des miracles

Par Céline

Par Miss Terre de Paris

La boue a disparu. Les maisons aux poutres vermoulues ont laissé place à des vitrines de vêtements. La fange est enfouie sous une couche épaisse de bitume. Derrière les vitrines, les strass et les perles brillent de milles feux. Mais le luxe est faux. L’or est en gouache. Les diamants sont en verre. La soie est en polyamide. Quelque part, le quartier n’a pas su tromper ses origines. Devant ce spectacle, comment ne pas penser aux gitanes qui se paraient jadis d’un trompe l’œil de bijoux ?

Nous foulons le sol de la Cour des Miracles. Les rues de Damiette et des Forges dessinent encore la courbe de la ruelle moyenâgeuse, telle qu’elle était au XIIIème siècle. Les faux mutilés et voyous de toutes sortes ont laissé place aux travailleurs du textile.

La rue résonne des énormes rouleaux de tissus que l’on charge à bord des camions. Plus loin, un véhicule décharge sa marchandise. Un concert de klaxons retentit, inutile. Les rires des gueux ont été remplacés par les jurons des déchargeurs et des chauffeurs de taxi.

Il faut s’imaginer une cour puante, fangeuse, silencieuse le jour et animée la nuit par des dizaines de brigands. On y accédait entre autres, par des brèches pratiquées dans les remparts de Charles V, qui recouvraient l’actuelle rue d’Aboukir. Là, on retrouvait une faune peu fréquentable : les Malingreux, qui feignaient la maladie, les Orphelins, qui apitoyaient par leurs corps dénudés, les Piètres, dont les jambes de bois disparaissaient comme par miracle à la tombée de la nuit, ou encore les Sabouleux, qui, un savon dans la bouche, feignaient d’être frappés d’épilepsie.

Dans ces lieux où quiconque n’osait pénétrer, le mendiant ou le voleur étaient rois… et honoraient même un roi, le roi des mendiants, le grand Coësre, roi de Thune, autrefois appelé le Ragot (d’où l’argot tire son origine). Régnant sur ces fripouilles, il réclamait chaque soir un pourcentage de la recette tiré des larcins et de la mendicité. Alors, les ripailles pouvaient commencer. Selon la coutume du sinistre lieu, rien ne devait rester pour le lendemain. Il fallait jouir, de tout, tout de suite. Après tout, rien ne pouvait les assurer qu’ils n’allaient pas se faire couper le cou le lendemain.

Ce fut en effet chose faite, un jour de 1667. Là où aucun homme des forces de l’ordre n’avait osé pénétré, Nicolas de la Reynie, alors premier lieutenant général de police, éteignit définitivement les torches de la cour des miracles. Tout ce « joli » monde fut jeté en prison ou envoyé aux galères.

On dénombre par ailleurs douzaine de cours des miracle dans l’ancien Paris. On en trouvait rue Saint-Denis, rue de Montmartre, rue de la Mortellerie, rue du Bac de Reuilly, rue Saint-Honoré et rue Jean-Beausire.

Pour lire la merveilleuse description de la cour des miracles par Victor Hugo dans Notre Dame de Paris, cliquez ici.


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