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Le complexe du gladiateur

Publié le 05 septembre 2007 par Philostrate

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   Le culte de la puissance et l'esthétisation de la violence.

Dans la Rome antique, ce sont les Jeux du cirque et les combats de gladiateurs qui donnaient au peuple sa ration de sang, de sueur et de larmes. Dans nos sociétés pacifiées, le sport a pris la relève. Sous couvert de nobles idéaux, c'est la lutte pour la survie et la loi du plus fort  qui sont encensées dans les colonnes des journaux ou les clips bien léchés mettant les champions en scène.
   Il en résulte parfois de curieuses failles dans les lignes de rédaction des thuriféraires du sport thaumaturge. Prenez le rugby par exemple, partout à l'honneur à deux jours de l'ouverture de la coupe du monde. Parée de toutes les vertus, la discipline exalterait les valeurs de solidarité, de respect de l'autre, d'abnégation. Sa seule pratique suffirait à remettre dans le droit chemin la plus retorse des racailles et à garantir des étés paisibles aux habitants de nos banlieues. On aurait même vu des paralytiques se remettre à marcher après avoir touché une balle ovale. J'exagère à peine. N'empêche que lorsqu'il s'agit de mettre en scène les figures du XV de France dans le dernier numéro du supplément hebdomadaire de notre quotidien sportif national que choisit-on de mettre en "Une" ? Le visage maculé de boue et dégoulinant de sang de Rafael Ibanez, façon mirmillon sortant de l'arène. La pose, les yeux fermés la tête appuyée contre le ballon, a quelque chose d'expiatoire : par ma souffrance, j'honore mon maillot et la mère patrie. "Pour eux", comme l'indique le titre grandiloquent de ce numéro spécial…
   On a beau faire, on a beau écrire, dans la chose sportive la bonne conscience s'incline toujours face au surhomme. Si le journaliste spécialiste du dopage et l'éditorialiste sont là pour faire le "sale boulot" de moralisateur, leurs confrères des autres rubriques sont rarement à l'unisson. C'est à se demander à quoi servent encore dans certains journaux les conférences de rédaction, censées fixer une même ligne directrice à ceux qui remplissent leurs colonnes. Comme on ne prête qu'aux riches et qu'il faut bien subir les inconvénients d'un monopole, voici un exemple tiré encore une fois de notre quotidien sportif national. Fer de lance de la lutte contre le dopage, il publiait ainsi vendredi 31 août en rubrique tennis un article brocardant à mots à peine couverts Richard Gasquet, pour avoir abandonné l'US Open sur une angine. "Petite nature !" semblait penser le journaliste, qui préférait à la trop grande prudence du Français l'image d'un Nadal se sacrifiant sur l'autel du jeu et remportant un match malgré deux tendinites. Un héros indestructible, surhumain, repoussant toujours plus loin les limites de la douleur et de la souffrance. La belle image. Parfaitement défendable en plus. À condition toutefois de savoir faire preuve de tolérance pour tous ceux qui, éblouis par l'exaltation du super-héros sportif assurant le spectacle coûte que coûte, font un jour craquer les coutures de leur joli costume à paillettes dans un nuage de poudre de perlimpinpin…


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