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Si j’avais un marteau…

Publié le 26 mars 2009 par Boustoune


Film «choc» du 61ème festival de Cannes, présenté lors d’une séance de minuit, The chaser est un thriller sud-coréen noir comme une nuit sans lune, violent et désespéré. Il oppose Joong-ho, ancien flic devenu proxénète, à un tueur psychopathe, responsable de la disparition de plusieurs de ses employées.
La première qualité du film réside dans ses personnages. Joong-ho n’a rien d’un type sympathique, c’est un antihéros braillard et outrancier, qui a délibérément décidé de passé du côté obscur de la force. S’il s’investit autant dans cette histoire de disparition, c’est uniquement pour des raisons financières – car des filles disparues, c’est autant de rentrées d’argent en moins, mais aussi parce qu’il suspecte un concurrent peu scrupuleux de lui avoir volé ses prostituées. Il décide de suivre une des filles qui lui reste, Mi-Jin, qui a rendez-vous avec le dernier client de toutes les disparues. Il la perd de vue, sans en mesurer immédiatement les conséquences. Car le client, sous des dehors affables, un brin mollasson, abrite en fait un dangereux sadique, qui, avant de les tuer, séquestre ses victimes et les torture à l’aide d’un objet contondant, avec une énergie qui aurait fait pâlir de jalousie Claude François (Wohoho ho... Si j’avais un marteau … Désolé, mais il fallait bien justifier le titre de ce billet)
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Ce n’est que par hasard que Joong-ho va tomber sur le tueur, et se lancer à ses trousses dans les rues de Seoul. 
Cette hallucinante poursuite nocturne est le point d’orgue de la première moitié du film. Elle plonge le spectateur au cœur de l’action, grâce à une mise en scène impressionnante de maîtrise, qui colle au plus près des deux protagonistes. Pour son premier long-métrage, Na Hong-jin, laisse entrevoir un réel talent de réalisateur, digne héritier de Park Chan-Wook et de ses polars sauvages (Old boy, Sympathy for Mr Vengeance,…).
La seconde partie, une fois le suspect appréhendé, est moins remuante, mais le suspense n’en est pas moins haletant. Cette fois, il s’agit d’obtenir du tueur des indications sur le lieu où est retenue la dernière victime, apparemment toujours en vie. C’est une véritable course contre-la-montre qui s’engage, doublée d’un véritable affrontement psychologique.
Car entretemps, l’enjeu a évolué. Pour Joong-ho, il ne s’agit plus seulement de retrouver son « outil de travail », sa source de revenus, mais de sauver un être humain. Le proxénète, sent peu à peu le poids de la culpabilité peser sur ses épaules, au point d’entamer une impossible quête de rédemption (on trouve d’ailleurs plusieurs symboles religieux sur la route de notre antihéros).
La raison ? Sa rencontre avec la fille de Mi-Jin, restée seule à la maison pendant que sa mère est partie travailler. Les larmes de la gamine ont réveillé une forme de compassion chez le proxénète, un sentiment qu’il n’avait probablement plus éprouvé depuis des lustres. Il est devenu, comme tant d’autres, l’un des rouages d’une société de plus en plus déshumanisée, à la fois cruelle et grotesque, impitoyable pour les plus faibles.
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D’ailleurs, Joong-ho doit quasiment se débrouiller seul face au tueur. Ses ex-collègues lui ont fait comprendre que la disparition de vulgaires prostituées, la frange la plus basse de la population, n’est pas franchement une priorité, et que toutes les unités sont mobilisées sur l’affaire de l’attentat « à la matière fécale » dont a été victime le maire de la ville.
A l’instar du notable humilié, ce sont toutes les institutions de la ville qui subissent les attaques goguenardes du cinéaste. Les policiers sont à la solde du pouvoir, englués dans la lourdeur et la lenteur des procédures administratives. S’ils veulent gagner en indépendance et en confort de travail, il faut qu’ils se tournent vers des activités illicites, comme le personnage principal… Le procureur est, lui, d’une incompétence rare. Les personnages sont des guignols pathétiques qui rivalisent de bêtise, cumulant les erreurs lourdes de conséquences, sous le regard amusé de Na Hong-jin qui se permet quelques salves d’humour, de plus en plus noir à mesure que l’intrigue progresse.
Si j’avais un marteau…  Si j’avais un marteau…
Car c’est bien la noirceur qui domine ce thriller intelligemment conçu. The chaser est une fable cruelle. Un voyage au cœur des ténèbres, sans espoir de retour… Les détracteurs vont pointer, à raison, le manque de crédibilité de certaines scènes, et l’ambiguïté du message délivré par le cinéaste, tout comme l’usage d’effets gore un peu faciles, mais cela n’empêche nullement le film de fonctionner. The chaser a d’ailleurs conquis le public asiatique, ainsi que le jury Action Asia du dernier festival asiatique de Deauville qui lui a accordé son grand prix. Et il a reçu un accueil positif du public chaud bouillant, mais exigeant, des nuits cannoises. On ne s’étonnera donc pas d’apprendre que Hollywood en prépare déjà le remake, avec Leonardo DiCaprio pour reprendre le rôle du proxénète, joué ici brillamment, par Kim Yoon-seok…
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Si j’avais un marteau…

Tags : The Chaser, Na Hong-jin, Kim Yoon-seok, thriller, film noir, proxénète, tueur en série

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