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It'S Oh So Quiet. (Shhh, Shhh, Shhh)

Par Mélina Loupia
« Le temps sur le Carcassonnais sera dégagé, mais un fort vent de Cers balayera l’Alaric, et les rayons du soleil auront bien du mal à réchauffer l’atmosphère. -Yes !!!  -Éteins ton réveil, tu vas réveiller maman ! »   J’ouvre mes yeux, mes paupières en capote de fiacre. Il me semble que quand je les avais fermés pour la dernière fois, ils avaient 6 et 3 ans.   La porte de ma chambre est ouverte et j’aperçois Jérémy traverser le couloir pour rejoindre Nicolas qui venait de se réveiller. « J’y vois rien, allume le couloir, je trouve pas mes baskets. -Non, je vais réveiller maman sinon. -Ferme la porte de ma chambre alors. -Mais ils sont dans ma chambre tes baskets »   La conversation se poursuit de façon calfeutrée à mesure que je referme momentanément les yeux.   « Mais je comprends pas, j’ai grandi des pieds pendant la nuit ou quoi ? -Mais non, c’est mes baskets, t’as confondu avec les tiens. C’est pour ça que je nage dans les miens. -Non, les miens. -Arrête de rire, tu vas réveiller maman. »   Quelle idée j’ai eue aussi, de leur acheter les mêmes… La porte se rouvre tout doucement.   « Allez, viens, on va déjeuner, c’est cool, il est que 6h et quart. -T’as vu comme on s’est super bien levés? -Oué, et en plus on a pas réveillé maman. »   Le tintement des cuillères dans les bols me tire d’un affreux cauchemar et j’apaise mon palpitant affolé en tendant l’oreille sur les piaillements de mes poussins.   « Tu vas voir, dans le bus, c’est trop la classe le matin, on est les rois du monde, on se mettra au fond. -J’espère qu’on va pas se faire emmerder. -Mais non, je suis là maintenant, le premier qui te touche, il devra me demander d’abord. »   Je suis rassurée d’entendre que le droit d’aînesse agit enfin dans cette fratrie et de savoir mon cadet défendu par son bouclier de frère m’envahit de torpeur.   « Bon, t’as bien pris tous les papiers que maman t’a remplis hier ? -Oui, j’ai même rangé les livres qu’elle a couverts et que j’ai pas besoin ce matin. -Dont j’ai pas besoin ce matin. -On dirait maman qui parle. -Chut, te marre pas, on va la réveiller. »   Leurs petits rires perlés, étouffés et mêlés d’impatience me font sourire, alors que Copilote m’enveloppe de ses bras endormis. Je me dis tout bas, pour ne pas le réveiller et laisser mes petits penser qu’ils se gèrent tous seuls, qu’on a bien fait, finalement, de décider de leur donner la vie à ces deux-là.   « T’as ta montre ? -Oui, au poignet. -Vas-y on se synchronise. -Ok. -55, 56,57,58,59… -Top, 6h50, on décolle. »   J’entends les fermetures éclair des sacs à dos se fermer, et Nicolas siffler. « Vas te mettre un coup dans les poumons, tu siffles. -C’est le stress. -T’inquiète, ça te passera vite. »   Je fronce les sourcils de façon à me concentrer sur le bruit que font ses bronchioles et celui du protocole d’administration de la poudre dilatatrice.   « Ouf, ça va mieux. -Là, faut y aller Nicolas. Tu l’as raté hier, faudrait pas réveiller papa pour qu’il nous amène ce matin encore. -Merde, j’ai mes lacets défaits ! -Bon, je vais t’aider, mais regarde-moi cette fois, je t’en fais un et tu fais l’autre. -Ok, mais me fais pas le tour de l’arbre, je suis plus un bébé. -Ok. »   J’aime assez la pédagogie de Jérémy et je trouve qu’il se débrouille pas mal, pour un qui dit que jamais il ne sera père. Le sien a repris une position fœtale et me tourne le dos.   « Super ton coup, alors là… Merci. -De rien, allez, là, vraiment, on dégage. -Ok. -Claque pas la porte, tu vas réveiller maman.  -Oh, elle a la fenêtre de sa chambre ouverte, elle entendra nos pas dans le gravier alors… »   Lorsque je me lève pour fermer la porte qu’ils n’avaient pas osé claquer et qui était restée entrouverte,  je ne vois plus que leurs deux petites têtes disparaître dans le chemin en pente. Le vent du Nord me transmet les bribes de leurs bavardages d’adolescents, qui se sont envolés tous seuls, pour la première fois en duo.   Avant d’aller me recoucher, je passe par le salon.   « Coucou maman. -Coucou Arnaud, tu peux aller te recoucher tu sais, tu as le temps de dormir encore. -Non, Nicolas et Jérémy m’ont réveillé, ils ont fait trop de bruit. Tu me fais mon lait ? -Ah bon ? J’ai rien entendu moi, tu le veux froid ? -Non, chaud, j’ai froid ce matin. »   Je dépose le bol fumant sur la table de la salle à manger, et un baiser sur le front du dernier tiers restant seul à domicile pour une demi-journée. « Tu vas te recoucher maman ? -J’ai un peu sommeil, mais si tu veux je peux rester avec toi. -Non, ça va, regarde j’ai besoin de rien. -Je vais porter le café à papa, quand tu as fini de déjeuner, tu viens avec nous ? -Oui. »   J’ai porté sa tasse à Copilote. Il a avalé son contenu, les yeux fermés et s’est retourné. On était mercredi. Il ne travaille jamais le mercredi.   Alors je lui ai offert mon dos courbé et me suis rendormie. A 7h45, le réveil que j’avais oublié de désactiver sonne. A la radio, Björk murmure.   It’s oh so quiet, shhh, shhh…  

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