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Les auditeurnalistes

Publié le 18 février 2009 par Jodelne


ça a commencé sur France Inter, il y a longtemps avec "Le téléphone sonne". Puis RTL s’y est mis avec "Les auditeurs ont la parole". Et aujourd’hui c’est partout : Europe, Sud Radio, RMC et tout le temps, matin, midi et soir. Je veux parler bien sûr de l’invasion des antennes par les auditeurs.
Je devrais dire plutôt : l’ouverture des antennes aux auditeurs. C’est en effet avec une gourmandise complaisante et intéressée que toutes les radios remplissent leurs grilles de programmes en donnant la parole aux auditeurs.
Que penser de cette nouvelle mode radiophonique ? Quel intérêt ? Quels doutes ? Quels risques ?
- L’intérêt est évident. En donnant la parole aux auditeurs on fait une radio proche des gens, une radio par les auditeurs pour les auditeurs, une radio racoleuse, populiste en somme. Ce faisant, le but est simple et toujours le même : gagner de l’audience donc des recettes publicitaires.
Parallèlement, on occupe l’antenne avec rien. Pas d’infos, pas d’analyses, pas de journalistes. Un simple animateur suffit. Sous le prétexte "généreux" de donner la parole aux auditeurs, on fait de la "réalityinfo". On fait aussi de l'infospectacle car derrière ces interventions, toujours très spontanées (on y reviendra) le désir secret de la station c'est le scoop, la révélation scabreuse, désespérée ou pathétique qui va faire le buzz. Le must, c'est quand on parvient à obtenir en direct la confrontation de deux auditeurs aux avis diamétralement opposés qui se déchirent en direct.

- Les doutes ? Ils sont nombreux et avant tout la spontanéité des intervenants. A l'évidence les auditeurs sont "triés". Seuls sont retenus les témoignages les plus "radiophoniques" et qui correspondent à l'idée directrice voulue par l'animateur. On remarque couramment en effet combien sont vites expédiés les auditeurs dont les propos ne vont pas dans le bon sens.
En outre, les interventions sont préparées, parfois longuement, par les collaborateurs de la station qui eux, sont des professionnels et savent au besoin orienter les interventions.
Et puis qui sont ces intervenants ? Souvent de simples particuliers, auditeurs, journalistes d'un instant, des auditeurnalistes dont le ressenti personnel devient l'espace d'un moment un info nationale. Mais ils peuvent tout aussi bien appartenir à des groupes constitués, à des organismes corporatistes ou à des partis politiques et la radio d'information devient alors une tribune.

- Les risques enfin. Et tout d'abord celui de la valeur représentative à accorder à ces interventions toujours anonymes ? On peut toujours dire que ces émissions ne sont que des témoignages et qu'à ce titre elles ne visent pas à être représentatives. Mais alors, pourquoi multiplier ces pseudos sondages express par téléphone auxquels ne prennent part que les adversaires ou les partisans suivant la formulation de la question ?
Mais aussi et surtout le risque qui m'apparaît majeur c'est cette apparente validité que confère la radio à n'importe qu'elle idée émise sur les ondes. Pourtant, la plupart du temps, les propos relèvent du simple ressenti et sont dépourvus de valeur objective. Des contestations s'élèvent, dénuées de fondements, des propositions fusent, dépourvues de réalisme sans qu'à aucun moment l'animateur, qui justifie alors son rôle de simple animateur, n'intervienne pour rétablir la vérité. Un vrai journaliste, tel que nous l'entendons aurait, lui, le soucis de profiter de ces échanges pour poser ou rétablir une information juste.
C'est ainsi que de jour en jour, de radio en radio, de ressenti en ressenti, tout ça devient de l'info et tout ça mine l'image que nous avons de notre société.


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