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Ville cruelle

Par Unevilleunpoeme

Toutes les villes, elles ont un nom

La mienne échappe dans l’anonymat
Elle a la grosse honte de son prénom
Caché dans son cache-sexe tout mat
Ma ville est une petite poche disgrâce
Perdue dans l’Etat honteux d’une Hernie
La toute grasse Hernie d’une Afrique
Il n’est plus que des fantômes allant, ci et là, sans Coup de Grâce
Il n’est plus que des hommes sans peau, ni chair, ni sexe permis
Elle a bien fondé l’Ecole des Cadavres au fil des saisons tragiques
Ma ville, un soleil acharné qui bouillonne et engloutit des vies si mal vécues
Ma ville, un bout de désert venu de nulle part, sur des pieds-nus des sans écu
Ma ville, un morceau de ciel rond affaissé sur toute la plénitude d’une foule
Il n’est plus que des crânes pâles
Il n’est plus que des regards vides
Il n’est plus que des ventres creux
Des squelettes auxquels on prête des gros yeux
Des squelettes va-nu-pieds aux repas insipides
Il n’est plus que des grands Dormeurs du val
Tous charriés par le Bateau ivre de sang mâle
Ville tabou aux armes sans tabou, ni vergogne, ni pitié
Ville cruelle aux ténébreuses nuits infinies de l’inimitié
Ma ville est une petite belle femme au mari infiniment assassin
Ô ville pâmée face à la bourrasque esclavagiste
Ô ville marchée aux sons des pas colonialistes
Ô ville crucifiée par les mains sales de tes petits-fils marcassins
Ces petits-fils nègres de Vercingétorix
Je n’oublie, ville enroulée sur un suaire de nuage
Je n’oublie, ville ensevelie par la totale humanité
Dans le ventre d’un cimetière marin
Elle bat les ailes noires de la mort sous l’art de la rixe
Aux rythmes cardiaques de son cœur anthropophage
Elle voit naître les jours à compte-gouttes dans l’opacité
Ils naissent sans aube, ni lumignon au petit midi des reins
Ils s’évanouissent absorbés dans la confusion totale des ténèbres
Sur ma ville des plus viles où souffle le plus fort des vents élégiaques
S’est levée la plus profonde des plus longues nuits cauchemardesques
J’ai marché à genoux dans cette ville à genoux
Je nous plaints et nous aime ô ville du Je-Nous !
Chrystom Batoud, lauréat du prix jeune auteur africain UNESCO, 2005.

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