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«Les civilisations sont mortelles» (Paul Valéry)… la nôtre est moribonde !

Publié le 03 avril 2009 par Kamizole

paul-valery.1238761247.jpgCombien de civilisations naguère brillantes se sont évanouies, souvent subitement, volatilisées dans le temps et l’espace et dont il ne reste que quelques infinitésimales traces – souvent archéologiques ou rupestres ? Que leur disparition ait été provoquée par des catastrophes naturelles, des invasions ou la déliquescence de leur société… De même que tous les «empires» qu’à connus la planète à diverses périodes de son histoire se sont effondrés en une sorte d’implosion – géants aux pieds d’argile qu’un deus ex machina, intérieur et/ou extérieur aura suffi à renverser.

Nous vivons a cet égard une époque dramatique. La globalisation ultralibérale et la mondialisation des échanges ont fait voler en éclats tous les anciens repères culturels qui, sous toutes les latitudes et sous diverses formes, fondaient précisément des civilisations…

Je ne verserais sûrement pas dans l’angélisme en prétendant que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. L’histoire passée ou présente me ficherait une bonne claque en me rappelant une vérité incontournable : la nature humaine, de même les sociétés et institutions que les humains se donnent, sont capables du pire comme du meilleur.

Nul doute toutefois que depuis plus d’une vingtaine d’années ne se soit créé une sorte «d’empire global» dont on mesure encore plus précisément aujourd’hui les funestes conséquences sur les plans économique, social et financier.

Il serait néanmoins très réducteur de s’arrêter à cet aspect purement économiste du phénomène.

Car, bien au-delà de la mondialisation des échanges et de «l’économie de marché» - qui est un fait économique dont on peut déplorer beaucoup d’aspects dont l’inégalité des termes de l’échange et une foule d’aberrations économiques, sociales et écologiques - c’est bien plus une «société de marché» au sens d’imprégnation idéologique que nous voyons se constituer.

Je renvoie à cet égard à un excellent article de Ricardo Petrella paru en août 1999 dans le Monde diplomatique : «La dépossession de l’Etat». Je cherchais un autre article du Diplo dont j’ai le vif souvenir mais que je n’ai pu retrouver malgré une plongée dans mes numéros de «Manière de Voir» lequel démontrait fort bien comment cette notion centrale de «société de marché» s’était imposée notamment grâce aux médias qui la confortent et qu’elle conforte dans leur rôle de décervelage, formatage ou domestication des esprits à la «pensée unique»

Cercle vicieux ou spirale infernale de cette dialectique pernicieuse, comme l’on voudra.

Or, c’est précisément cette «idéologie de marché» qui fait totalement litière de tout ce qui constituait non seulement la culture au sens large mais le «vivre ensemble» des sociétés et des civilisations. Et au premier rang, un corpus de règles plus ou moins contraignantes, législatives et réglementaires ou simplement tacites… Plus ou moins prégnantes, parfois insupportables et critiquables.

Mais elles avaient l’insigne mérite de mettre des bornes aux activités des citoyens non seulement dans les collectivités publiques, locales ou nationales (même si toutes étaient loin d’être scrupuleusement respectées ! par l’ensemble des individus) et entre chaque personne ou groupe de personnes…

C’est l’idée du «Léviathan» de Hobbes : en contrepartie de la perte de certaines libertés l’Etat assure la sécurité de tous pour que l’homme cesse d’être un loup pour l’homme. «Homo homine lupus»… Comme je l’ai déjà souligné, nous avons aujourd’hui et le Léviathan – l’appareil policier de plus en plus répressif et omniprésent dans la vie quotidienne – et «l’anomie» quasi généralisée : la disparition ou le mépris des règles qui rendaient la société un peu plus vivable.

Il n’est que de parcourir aujourd’hui la presse, notamment les divers faits divers… Un véritable étalage de monstruosités ! Ce que je n’hésite pas à nommer «chronique de la barbarie ordinaire »… A croire qu’un concours ou quelque challenge de l’horreur n’ait été lancé. Le mépris de la vie humaine, la violence comme seule réponse pour tout et n’importe quoi, souvent des questions les plus futiles. Avec de plus en plus, le couteau comme arme privilégiée.

Comment ne pas penser au Freud du «Malaise dans la civilisation» ? Beaucoup aujourd’hui semblant ne rechercher que la seule satisfaction de leurs désirs, tant pis pour ce qui résiste à leurs pulsions !

Cette problématique fait partie de mes interrogations actuelles, au même titre que la démesure des appétits, la «gloutonnerie» des dirigeants, la «πγεονξχία» dont je traitais récemment… Et je suis intimement persuadée que les deux phénomènes sont intimement liés, l’attitude des dirigeants, qu’ils fussent politiques ou économiques étant elle-même totalement anomique. Le même égoïsme – égotisme - destructeur.

Pire, elle sert de modèle amoral à l’ensemble des citoyens. Les dirigeants devraient «donner l’exemple» au meilleur sens du terme. Ce qu’ils donnent à voir est proprement répugnant.

Mais comment voudriez-vous que la plus grande masse des citoyens, travailleurs et consommateurs, élèves ou étudiants soient aussi critiques qu’il le faudrait, non pas seulement sur les questions économiques et sociales – ça, ils commencent à sacrément ruer dans les brancards ! – mais sur les problèmes de morale et d’éthique, sur la meilleure manière de conduire sa vie ?

Je ne dirais surtout pas que tous soient atteints. Les exemples contraires ne manquent heureusement pas. Mais il s’en faudrait de beaucoup que de telles exigences vertueuses soient largement partagées dans la société, sinon il ne se produirait pas tant d’horreurs.

Cette question fut l’objet d’une très intéressante discussion avec mes voisins et amis mardi midi à l’heure de l’apéritif… Précisément parce que France-Inter égrenait un chapelet de telles horreurs. Et que nous avions tous en mémoire d’autres faits semblables.

Le droit et la morale ne se recoupent pas forcément, c’est ce que l’on nous inculque dès la première année de droit. Le droit est souvent en retard sur nombre de faits sociaux et, sauf dans des sociétés souvent théocratiques qui ne me paraissent nullement souhaitables, le droit ne peut coller étroitement à la morale.

Il reste donc l’éducation - celle des parents autant que des enseignants et autres éducateurs lato sensu. La philosophie et la religion. Laquelle, à mon avis peut conduire au meilleur comme au pire, selon qu’elle vise à élever l’âme ou l’esprit, ou au contraire décerveler les êtres humains et les conduire aux pires excès de l’intolérance…

Nous avons évoqué, un peu pêle-mêle, Spinoza, Kant et Epicure, les philosophes latins qui s’en réclament.

Je fais évidemment mien «l’impératif catégorique» kantien : «Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle»… La sagesse populaire n’énonce rien d’autre : «Ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse»

La philosophie, telle que je la conçois, n’est pas faite pour ingurgiter des tonnes de connaissances et s’en gargariser… Elle n’a pour ultime raison d’être que nous donner une sorte de «guide-âne» destiné à conduire notre vie le plus droitement possible.

Et, à défaut de toujours faire le bien, tenter au moins de faire le moins de mal possible, comme le disait le médecin-philosophe de Camus de «La peste»


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