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Contes de l'ordi sacré : Gudule à Sainte Marguerite 14

Publié le 04 avril 2009 par Porky

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EPISODE 14 : Où il est démontré que même dans un conte, on peut se faire avoir dans les grandes largeurs et qu'un cercle rouge est effectivement l'émanation d'un cerveau prétendument pensant.

Le caribou à face de bestiole démoniaque agita sa mitraillette. « Attention à vous, les houris ! On se rehanche, on pose son pied par terre et on lève les mains bien haut, sinon, je castagne ! Quant aux deux serpillières mouillées, elles se relèvent ou j'en fais des passoires à gruyère ! Et que ça saute, ça plaisante plus ! » « Non, c'est sûr », murmura Monogramme en obéissant sagement, imitée par Multimédia et Marsupilania. « A mon avis, il y a eu une erreur, chuchota cette dernière. Mais je ne sais pas laquelle. » Myxomatose et Logarithme vinrent rejoindre leurs compagnes, l'air piteux et la tête baissée. « On n'a pas été à la hauteur », dit Logarithme, contrit. « Je ne te le fais pas dire, Prince Charmant à la ramasse ! » lança le caribou. Et, levant sa mitraillette, il tira une rafale en l'air. « Monsieur le caribou, minauda Multimédia, puis-vous vous poser une question ? » « Autant que tu voudras vu que dans très peu de temps, tu n'auras plus l'occasion d'en poser ! » « Pourquoi nous avoir promis votre aide, à Monogramme et à moi ? Ce n'est pas logique, ajouta-t-elle très logiquement. Ni convenable, termina-t-elle très convenablement. « Je ne t'ai rien promis, squelette ambulant ! Je ne t'ai même pas causé ! C'est à l'autre tarte qui se prend pour une princesse que j'ai parlé. Princesse mes fesses, oui ! » « Dis donc, caribou mal élevé, tu veux ma main sur ta figure ? » s'insurgea Monogramme, les mains en l'air et très en colère. Le caribou éclata d'un rire énorme et montra toutes ses dents. « A qui crois-tu parler, morue dessalée ? » demanda-t-il. « N'êtes-vous point le caribou magique envoyé par l'auteur à notre secours ? » s'enquit Multimédia qui commençait à avoir des fourmis dans le bras. Nouvel éclat de rire de l'animal maudit. « Va te faire voir, stupide héroïne de conte de fée ! Le caribou magique, c'est mon frère jumeau ! Il a mal tourné. Moi, je suis le caribou fou, maître de Gudule la Sorcière. » « Oh ! firent nos héros, abasourdis. Comment aurions-nous pu deviner ce coup de théâtre qui fait rebondir l'action d'une façon aussi spectaculaire ? » « Quant à cette tête de nœud qui se prétend auteur, je lui réserve un tour à ma façon ! » poursuivit le caribou fou. « Alors là, chéri, si tu veux un coup de main, appelle-moi, dit la Belle Monogramme de sa voix la plus convaincue. Je suis partante pour le couper en petits morceaux. » « J'ai pas besoin de toi, Princesse débile, rétorqua le Caribou fou. Et lève les mains bien haut ou tu vas saigner de partout ! » « Je le savais, pleurnicha Myxomatose. Je l'avais vu dans mon esprit, lorsque nous étions encore sur le rivage désenchanté. » « Exact, confirma le caribou fou. Cet idiot s'était connecté quelques secondes sur mes ondes. Mais heureusement pour moi, tu es vraiment trop con pour comprendre quoi que ce soit ! Bon, c'est pas le tout, va falloir que je fasse quelque chose de vous. » Et l'horrible bestiole mit nos héros en joue. « Voyons, voyons ! Passoire ? Gruyère ? Et si je dessinais un caribou dans votre graisse avec mes balles ? N'allons pas trop vite, réfléchissons » acheva-t-il en caressant amoureusement la gâchette de sa mitraillette.

Les pluies diluviennes qui avaient accompagné l'envol de nos amis vers la grotte pluricentenaire du Masque de fer avaient plongé Gudule et son Séide dans une boue infâme qui leur collait à la peau et les engluait si bien qu'ils n'arrivaient plus à sortir de leur cachette. Lorsque, après la pluie, revint le beau temps et que rayonna un plein soleil quasi d'été, la boue se transforma en croûte, puis en gangue et les immobilisa définitivement à l'ombre de leur taillis. Seuls les yeux pouvaient encore bouger, de même que les lèvres. « Pourriture de merde de boue à la con ! proférait Gudule en tentant vainement de bouger une jambe. Fais quelque chose, saucisse gélatineuse ! » « Je ne puis rien faire, ô mon embouée adorée, articula péniblement le Servile Séide. Je suis collé sur ce sol limoneux et durci par le plein soleil quasi d'été. » L'impatiente Gudule eut bien voulu trépigner, taper du pied, flanquer des gifles à son nul Séide, mais c'était impossible. « Qu'allons-nous faire ? se lamenta le Séide. Je suis sûr qu'à l'heure actuelle, ils sont en train de préparer un plan pour nous exterminer. » « Encore faudrait-il qu'ils le puissent, grommela Gudule. J'ai déplacé le cercle rouge en même temps qu'eux et il a ordre de les suivre partout où ils iront. Ils sont coincés. Naturellement, tu n'as même pas vu qu'il n'était plus autour du phare, grosse louache ? » Le Servile Séide eut bien voulu rougir et prendre l'air désolé, mais cela aussi, c'était impossible.

« Tu as bien une formule magique pour nous sortir de cette gangue immonde, ma douce éboueuse ? » demanda-t-il. « Evidemment, rétorqua Gudule avec une certaine hauteur. Suis-je une sorcière ou non ? » Et ayant capté une pensée pour le moins insolente du Servile Séide, elle s'emporta ou du moins essaya. « Je t'interdis de penser que tout ce que je fais rate ! Mon cercle rouge est infranchissable ! A moins, évidemment, qu'on désire aller visiter Sirius ! Donne-moi la main. » « Je ne peux pas, fit le Servile Séide, désolé. La boue durcie m'enveloppe d'un sarcophage absolument inébranlable. Trouve autre chose ! » Gudule poussa un soupir d'exaspération et une bulle de boue s'échappa de ses lèvres, voltigea gracieusement dans l'air pur et ensoleillé et alla mourir sur le phare de la belle île de Sainte Marguerite. « Ce loukoum argileux fait décidément tout pour m'enquiquiner, pensa-t-elle. Es-tu capable de penser ? » demanda-t-elle de sa voix la plus méprisante. « Oh, dans ce domaine, mes capacités sont à la hauteur des tiennes », répondit sincèrement le Séide. « Ferme les yeux et connecte-toi sur mon cerveau. Quand ce sera fait, compte jusqu'à trois et la boue éclatera. » « Mais j'ai peur du vide, gémit le Séide. J'ai le vertige ! » « Je ne vois pas le rapport, grommela Gudule. Fais ce que je te dis, nom d'une sangsue ! » Les trois premiers essais échouèrent lamentablement. Au quatrième, la boue se fissura ; au cinquième, une énorme explosion couvrit le phare de Sainte Marguerite d'un magma collant et noirâtre. « Ah, ça va mieux ! s'exclama Gudule dont les couettes se mirent à tourner comme un mixer dans une pâte à crêpes. Je peux enfin bouger ! » Et pour prouver que son affirmation n'était pas une fanfaronnade, elle infligea au Servile Séide une correction soignée qui le laissa à terre, la tête à cent quatre vingt degrés et les lèvres éclatées.

(Pauvre Servile Séide ! Au fond, lecteur, on a pitié de lui, hein ? Non ? Bon. Comment nos héros vont-ils se tirer de la situation dramatique dans laquelle un auteur inconséquent les a plongés ? Arriveront-ils à vaincre le caribou fou ? A se débarrasser du cercle rouge ? Gudule va-t-elle les retrouver ? Pourront-ils enfin remplir leur mission ?... Après quelques verres de gin tonic, la situation sera beaucoup plus claire. A bientôt.)


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