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Le Robert, les rebeus et les flics

Publié le 07 septembre 2007 par Namiride

Chaque année, de nouveaux mots font leur apparition dans le dictionnaire. Et chaque année, ou presque, de nouveaux termes font débat. L’an dernier, c’est la définition du mot “colonisation” dans Le Petit Robert qui déclenchait la colère du Mrap et du Cran, ces dernières estimant que la définition “cautionnait et justifiait la colonisation”.

Dans l’édition 2008, c’est “rebeu” qui fait parler de lui. A la page 2135, pour illustrer ce terme qui signifie beur en verlan (à l’envers), il y a cette citation de l’auteur de polars Jean-Claude Izzo : “T’es un pauvre petit rebeu qu’un connard de flic fait chier. C’est ça !”

Le sang des “flics” n’a fait qu’un tour. Ils l’ont dit via leur syndicat. Pour Alliance, le second syndicat de gardiens de la paix, la phrase illustrant l’expression était un “outrage” à la police. Le secrétaire général Jean-Claude Delage parlant de “discrédit” et de “déshonneur” pour la profession. “C’est tout bonnement scandaleux, renchérit dans la même veine Joaquin Masanet, secrétaire général de l’Unsa-police, premier syndicat. Scandaleux qu’une édition aussi prestigieuse que celle du Petit Robert laisse passer ça ! C’est un ouvrage qui est envoyé dans toutes les écoles de France, mais quelle image ça donne de la police aux enfants ça ?!”

Une désapprobation partagée mais exprimée plus sobrement par la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie qui, dans une lettre adressée à la directrice générale du Petit Robert, écrit : “Sans m’immiscer dans (vos) choix éditoriaux, je ne peux que déplorer la sélection de cette phrase” et “je pense qu’une autre citation aurait pu être retenue”.

“Déplorer n’est pas assez”, constate l’Unsa qui souhaite la suppression de la citation. “C’est étonnant que le premier flic de France ne fasse que condamner”, constate Me Thomas Maier, avocat du syndicat. Je suis également étonné de cette relation immédiate faite entre rebeu et police. Cela ne donne pas non plus une bonne image des rebeus.”

Mais du côté des associations de lutte contre le racisme, calme plat. Mouloud Aounit, président du Mrap explique ce silence. : “A l’époque, c’est la définition en elle-même qui posait problème. Là, c’est l’illustration du mot, une citation de surcroît extraite d’un polar… Alors il faut relativiser, justifie, la voix souriante. Après le rapprochement qui est fait entre rebeu et police n’est pas si inintéressant que ça, historiquement et concrètement parlant… On peut voir ça comme un clin d’œil à une réalité à l’endroit des policiers par rapport au contrôle des identités au faciès.” Et de rappeler que le terme de “rebeu” a émergé lors de la marche des beurs, en 1983, organisée après de graves émeutes répondant à des violences policières. 100.000 personnes défilèrent ce 3 décembre pour lutter contre le racisme.

Les éditions Le Robert ont rappelé que la mission de son dictionnaire n’était pas de “jeter le discrédit et le déshonneur” sur quiconque, mais de “décrire la langue dans toute sa richesse et ses multiples usages, du plus soutenu au plus familier”. Dans son édition 2008, la définition de la colonisation n’a pas été modifiée mais accompagnée d’une citation. Celle du poète et homme politique Aimé Césaire l’assimilant à une “chosification”, un ajout dont s’est réjoui le Cran et le Mrap. Comme quoi les citations ont parfois du bon. (IMB)


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