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Le retard du socialisme Hollande

Publié le 07 septembre 2007 par Argoul

Le Premier secrétaire du parti a avoué : finie l’espérance du grand soir. On savait déjà le matin enterré par la gauche depuis belle lurette - ce journal partisan sans base lectorale, du « pas assez à gauche, ma chère » au « pourquoi lire un clone du Monde » ? Cette fois-ci – il était temps – terminé le slogan des années 30 qui ralliait le ressentiment pour massacrer tout ce qui ressemble à « un bourgeois ». Quand les trois-quarts de la France se voient en « bourgeois », même « petits », le slogan ne peut pas être porteur. Les socialistes ne croyaient donc plus au matin, en bons stratèges, et voilà qu’ils ne rêvent plus au grand soir, en réalistes. Il faut dire qu’à attendre indéfiniment qu’un crépuscule advienne, un seul socialiste est devenu président et voici 17 ans qu’aucun autre n’y a réussi. Les « jeunes loups » se font vieux : ex-quadras devenus largement quinquas, ils feront troisième âge aux prochaines échéances…

Donc, timidement, le socialisme « à la française » commence son lent virage de paquebot pour rallier le cap des autres gauches européennes. Mais :

  1. en traînant les idées et les pieds,
  2. avec les mêmes dirigeants depuis bien trop longtemps au pouvoir pour un parti soi-disant « démocratique »,
  3. avec le regard obstinément fixé sur le rétroviseur.

François Hollande a des visées présidentielles, laisse-t-on entendre ; en a-t-il la carrure ou, mieux, le charisme ? Etre un bon (très bon, dit-on) homme de synthèse, suffit peut-être pour un parti, mais probablement pas pour séduire un électorat tout entier. Etre président ne réclame pas des qualités de chef de cabinet apte à faire travailler les administrations ensemble. Il réclame plutôt des qualités de meneur d’hommes, un charisme qui entraîne les modérés. Hollande est heureux en famille, mais se confire dans le confort groupal n’aide pas à sortir de l’entre-soi. Comme si le socialisme était attirant pour lui-même, phare de la pensée et de la modernité, comme il le parut un temps en 1981. Si l’arrivée de la gauche au pouvoir fut la traduction politique de la rupture sociologique et générationnelle de 1968, les conditions sont loin d’être les mêmes aujourd’hui !

François Hollande se flatte-t-il d’avoir « évité la scission » au parti socialiste ? Ce n’est stratégiquement pas ce qu’il a fait de mieux. Car le parti s’est révélé un boulet pour la candidate désignée, sans programme, sans visée autre que la conjuration des ego, sans ambition pour la société. Un carcan dû au grand écart permanent entre le gauchisme radical des nostalgiques d’union de la gauche version 1982 et les modernistes pragmatiques dont une partie a finie par partir… L’éclatement du PS aurait permis aux électeurs d’y voir clair et à l’éventuelle candidate de rallier largement au centre. Le premier tour aurait-il perdu quelques fabiusiens ? La belle affaire ! Il aurait raflé la mise chez les bayroutins et mordu assez fort sur un UMP pas vraiment tenté de suivre leur leader sur les thèmes Le Pen. Pourquoi l’auteur de cette erreur stratégique serait-il un candidat crédible pour 2012 ?

Le pari a lancé trois « forums » pour « rénover » les vieilles lunes. Ce serait une louable intention si ces « forums » n’étaient pas des clones des commissions Sarkozy – version petit bras. Jugeons des thèmes retenus : la nation, le marché, l’individu.

La nation était sans doute le thème de campagne de… 2002. Le bel aujourd’hui en est déjà à dépasser ce « vivre ensemble » pour analyser plutôt la mondialisation ! Car la Chine n’attend pas, pas plus que l’Inde, le Brésil, le Nigeria, ni les autres. Il s’agit surtout de « vivre avec » avant de vivre ensemble. Si les Français arrivent à surmonter leur angoisse des autres – ces étrangers ! – le vivre ensemble ne devrait pas poser de problèmes. Pourquoi voulez-vous que ce thème bien étroit du national soit un thème porteur pour 2012 ?

Le marché, de même, n’est que le petit bout de la lorgnette économique. Qui dit « économie » dit rapports de puissance, tout citoyen éclairé le sait depuis la lecture de Braudel… en 1982. La question aujourd’hui n’est pas de choisir « un modèle » de croissance, mais d’assurer d’abord « de » la croissance. Une fois celle-ci lancée, on peut discuter comment la partager tout en assurant son dynamisme. Le faire au préalable, c’est vendre la peau de l’ours… et engager à fuir les éventuels entrepreneurs français ou étrangers qui auraient été tentés de venir voir. Et à promettre, selon Hollande, l’hyper-fiscalisation des « riches au-delà de 4000 euros par mois », la pénalisation des risques en capital et l’inquisition sur les patrimoines non hérités - gageons que « la croissance » ne risque pas d’être encouragée à fleurir en France ! Elle ne se décrète pas en Conseil des ministres, pas plus qu’en conclave de parti. Pour les prébendiers d’Etat, qui forment les gros bataillons idéologiques du parti socialiste, faire des « bénéfices » n’est rien moins qu’immoral et eux se voient en justiciers armés pour faire rendre gorge à tous ces « exploiteurs ». Avec de telles idées qui fleurent bon les usines insalubres et le travail des enfants d’il y a désormais deux siècles, qui pourrait « croire » que le socialisme ait quoi que ce soit d’original à proposer en termes de croissance après 2012 ?

L’individu n’est pas le moindre problème. L’incantation au collectif ne peut remplacer une série de politiques concrètes, au plus près du terrain, pour éduquer, intégrer, sanctionner s’il le faut, faire travailler, reconvertir et animer les jeunes et les citoyens dans leur vie de tous les jours. Tout ce que la gauche au pouvoir durant 22 ans a largement manqué de réussir. Une société optimiste fait des enfants ; encore faut-il ensuite que lesdits enfants soient accueillis, formés, sélectionnés et orientés pour que la société ait toujours envie d’en faire ! Ce qui signifie réfléchir sur les rythmes scolaires, sur la motivation des enseignants, sur la décentralisation nécessaire pour s’adapter aux multiples terrains, sur l’exigence de niveau général avant la fin de la scolarité obligatoire, sur les conseils d’orientation après 16 ans, sur la sélection à l’université pour éviter le gaspillage des crédits et l’échec d’un étudiant sur deux en première année. Puis réfléchir aux parcours professionnels, à la sécurisation personnelle en cas de perte d’emploi, à la retraite, à la santé, au partage du fardeau entre générations… Mais là, on bloque sur les rentes de statuts et on fâche la base électorale du parti. Pour contourner l’obstacle en faisant du sur-place tout en tenant un discours de mouvement… on nomme une commission. La masturbation forumière, décrétée d’en haut, y ressemble fort.

A l’heure de cette note, c’est bel et bien un président de droite qui fait analyser la mondialisation (et non pas l’étroite nation), la croissance (et non pas l’étroit marché) et les responsabilités personnelles (et non pas le vague individu) – par des commissions dirigées par des gens de gauche (Hubert Védrine, Jacques Attali, Eric Besson, Jack Lang, Michel Rocard…). On peut se demander pourquoi François Hollande marque aujourd’hui Nicolas Sarkozy à la culotte en l’imitant ainsi par ces « forums ». D’autant qu’ils retardent, sur les thèmes chosis, d’une ou deux campagnes électorales… Et surtout pourquoi, puisqu’il avait à sa disposition hier tant de talents - qui servent aujourd’hui Nicolas Sarkozy – pourquoi n’a-t-il pas lancé ces réflexions « avant » ? Qui pourrait donc croire, sur ces bases, au progrès des idées ou au succès du système Hollande en 2012 ?

Même dans « la rénovation », le parti socialiste paraît à un observateur extérieur comme toujours en retard.



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