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L'occidentalisme n'est pas un humanisme

Publié le 05 avril 2009 par Lheretique

Criticus vient de créer un nouveau réseau qui porte le doux nom de Renovatio Occidentalis. Si je n'ai pas l'intention de lui tomber à bras raccourcis comme une partie de la blogosphère, je n'en pas moins été troublé par la charte  et par le fait que trois des membres fondateurs de LHC sur cinqs y participent, comme Rubin. Je m'interroge, du coup, sur la pertinence du réseau LHC puisque l'Occidentalisme s'oppose radicalement, à mes yeux, et au libéralisme, et à l'humanisme. Il ne reste que l'esprit critique...

Je pense, en revanche, qu'il est imprudent d'associer la charte de ce réseau à une pense d'extrême-droite. Le seul, me semble-t-il, à avoir produit une analyse très juste de la nature et des contradictions de ce nouveau réseau, c'est  Torédaor.

En particulier, je pense que Criticus passe complètement à côté de son sujet avec sa crise des valeurs. Facile à démontrer :

Crise de l'éducation ? Il n'y a jamais eu autant d'individus instruits en Europe et en Amérique ! Crise familiale ? Non, Criticus : c'est le modèle familial traditionnel qui connaît une mutation avec notamment la libération des moeurs (les hommes et les femmes ne sont plus contraints de vivre ensemble) et l'effondrement du poids moral des religions. Crise de la culture ? Jamais autant d'individus n'y ont eu accès. Jamais autant d'individus ne se sont rendus dans les musées. Jamais dans l'histoire de l'humanité autant de livres n'ont été imprimés. Et jamais encore les canons de la littérature classique de l'Europe et de l'Amérique n'ont été à ce point accessibles et lus. Le développement de l'obésité ? C'est un problème alimentaire et surtout, de mémoire génétique : jamais dans l'histoire de l'humanité, dans nos régions, on avait à ce point mangé à notre faim. Les obèses d'aujourd'hui sont les survivors du temps des cavernes : en ces temps-là, on ne savait pas de quoi demain serait fait, alors on stockait...Le corps n'a pas encore perdu cette habitude. La bombance générale est tellement récente qu'il n'a pas eu encore le temps de s'adapter...Perte des valeurs morales ? 60 ans de paix quasi-ininterrompue en Europe ! Plus de disccussions sur le droit qu'il n'y en a jamais eu. Jamais, en France, par exemple, les faibles n'avaient à ce point disposé d'un semblable système de protection et de solidarité.

Il y a des turbulences, dans notre société, sans nul doute du consumérisme (mais c'est le propre des sociétés marchandes que moi je salue comme les plus avancées) et certainement des difficultés d'ajustement entre nos aspirations morales et le système économique dans lequel nous vivons (c'est bien le sens du modèle humaniste Bayrou) mais certainement pas une crise des valeurs. La crise des valeurs, on l'a connu dans les années 30 au XIXème siècle, et on a vu ce que cela donnait avec l'émergence des totalistarismes. Pour l'instant, je trouve que l'Europe s'en sort bien. Elle est même parvenue à museler une majorité d'extrême-droite en Autriche et à la contraindre à respecter à peu près les standards démocratiques de l'Europe. Pas mal, non ? Ce que je concèderai à Criticus, en revanche, c'est que la France ne va pas super bien : 15 à 20% pour l'extrême-gauche et la gauche extrême, 10 à 15% pour la droite extrême et l'extrême-droite, oui, ça, c'est de la mauvaise santé et sans doute une crise de la démocratie.

Bref, pour la crise que dénonce Criticus, je la réfute en bloc. Quant à son association de nations occidentales, rien ne tient ou presque, et Toréador en a très bien observé les contradictions. J'en relève quelques unes supplémentaires sous forme de scoop, puisque j'ai eu l'occasion de discuter avec Criticus sur son projet :

Sur le fond, c'est surtout les nations catholiques (y compris les anglicans) , protestantes et juives dont il souhaite l'union. Il estime que les orthodoxes n'ont pas la même culture. Ceci exclut de son alliance non seulement une large part des pays d'Europe orientale mais également la Grèce elle-même ! Comment se réclamer dans ces condtions de l'héritage gréco-latin ? Criticus s'est toujours réclamé du néo-conservatisme. Je crois qu'il a achevé le bout de chemin qui lui restait à parcourir. Toréador a très bien fait le lien : en fait, le projet de Criticus n'est ni plus ni moins l'importation d'une idéologie venue du néo-conservatisme américain mais appliquée à l'Europe. En somme, quelque chose qui n'existe pas. Comme si on créait un réseau de faucons Républicains en Europe. On reconnaît en effet leur idéologie. Effectivement pas raciste, mais culturaliste et différentialiste.

Il n'y a rien, là-dedans, qui s'approche ni de près ni de loin de l'humanisme. La vocation universelle de l'humanisme est aux antipodes exacts d'une telle vision. Il n'y a pas non plus grand chose, là-dedans, qui ait un rapport avec le libéralisme. A vrai dire, lors d'une discussion à la suite de mon billet, la liberté est une femme, Criticus déclarait qu'au 18 Brumaire, il se serait engagé derrière Napoléon Bonaparte et non du côté des libéraux comme Madame de Staël qui récusait la personnalisation grandissante du pouvoir, l'absolutisme et la régression des libertés. Criticus n'est donc ni un libéral, ni un humaniste. Je suis surpris de retrouver LOmiG dans ce réseau. Je l'ai vu comme un libéral pur de dur, mais à la réflexion, c'est plutôt un libéral conservateur. Peut-être est-il aussi pollué par le choc des civilisations qui sous-tend sa réflexion sur l'Islam. Ce choc-là n'a rien ni de libéral, ni d'humaniste.

Il ne suffit pas de se réclamer de la démocratie et du libre-échange marachand pour faire d'un individu un libéral. Je reprends la très bonne introduction de Wikipedia et la cite :

Le libéralisme est un courant de pensée de philosophie politique, né d'une opposition à l'absolutisme et au droit divin dans l’Europe des Lumières (XVIIIe siècle), qui affirme la primauté des principes de liberté et de responsabilité individuelles sur le pouvoir du souverain. Il repose sur l’idée que chaque être humain possède des droits fondamentaux qu'aucun pouvoir ne peut violer. En conséquence, les libéraux veulent limiter les obligations imposées à la société par le pouvoir politique, au profit du libre choix de chaque individu.
Le libéralisme repose sur un précepte moral qui s'oppose à l'assujettissement de l'individu, d'où découlent une philosophie et une organisation de la vie en société permettant à chaque individu de jouir d'un maximum de liberté, notamment en matière économique. Pour la plupart des libéraux, la dichotomie entre « libéralisme économique » et « libéralisme politique » n'existe donc pas, puisqu'il s'agit de l'application d’une même doctrine philosophique dans des domaines différents.
Au sens large, le libéralisme prône une société fondée sur la liberté d'expression des individus dans le respect du droit et du libre échange des idées. Elle doit joindre d'une part dans le domaine économique, l'initiative privée, la libre concurrence et son corollaire l'économie de marché, d'autre part, des pouvoirs politique et économique bien encadrés par la loi et les contre-pouvoirs. Cela suppose idéalement un État centré sur ses fonctions régaliennes, élu par le peuple et responsable devant lui, transparent et soumis à une constitution garantissant les droits des minorités
.

Les convergences entre l'Occidentalisme et cette définition-là sont assez limitées...Pour ma part, je crois en l'homme et j'ai déjà eu l'occasion de faire de l'Antigone de Sophocle l'étendard de cette conviction. Je reprendrai à nouveau simplement ce que disent les vieillards de Thèbes :

Premier demi-choeur

Beaucoup de choses sont admirables, mais rien n’est plus admirable que l’homme. Il est porté par le Notos orageux à travers la sombre mer, au milieu de flots qui grondent autour de lui ; il dompte, d’année en année, sous les socs tranchants, la plus puissante des Déesses, Gaia, immortelle et infatigable, et il la retourne à l’aide du cheval.

Second demi-choeur

L’homme, plein d’adresse, enveloppe, dans ses filets faits de cordes, la race des légers oiseaux et les bêtes sauvages et la génération marine de la mer ; et il asservit par ses ruses la bête farouche des montagnes ; et il met sous le joug le cheval chevelu et l’infatigable taureau montagnard, et il les contraint de courber le cou.

Premier demi-choeur

Il s’est donné la parole et la pensée rapide et les lois des cités, et il a mis ses demeures à l’abri des gelées et des pluies fâcheuses. Ingénieux en tout, il ne manque jamais de prévoyance en ce qui concerne l’avenir. Il n’y a que le Hadès auquel il ne puisse échapper, mais il a trouvé des remèdes aux maladies dangereuses.

Second demi-choeur

Plus intelligent en inventions diverses qu’on ne peut l’espérer, il fait tantôt le bien, tantôt le mal, violant les lois de la patrie et le droit sacré des Dieux. Celui qui excelle dans la Ville mérite d’en être rejeté, quand, par audace, il agit honteusement. Que je n’aie ni le même toit, ni les mêmes pensées que celui qui agit ainsi ! Par un prodige incroyable, ce ne peut être Antigonè, bien que ce soit elle que je vois. Ô malheureuse fille du malheureux Oedipe, qu’y a-t-il ? Ceux-ci t’amènent-ils pour avoir méprisé la loi royale et avoir osé une action insensée ?

Antigone , Second stasimon vers 332 à 383 de Sophocle (Traduction : Leconte de Lisle)

Voilà : ce magnifique passage, y compris l'arrivée d'Antigone illustre à merveille l'idée que je me fais de l'être humain. J'en profite pour jeter un pavé dans la marre, mais il est sans doute nécessaire : peut-être serait-il bon d'élargir le comité directeur du réseau LHC afin d'en assurer une représentativité meilleure. Le départ de Rubin est tout de même troublant. J'espère qu'il sera possible de le faire revenir sur sa décision. J'en profite pour inviter les néo-occidentalistes à se défier d'éventuelles candidatures à leur réseau. Comme je l'ai dit à Criticus, il y a un risque non négligeable de voir rappliquer pas mal d'authentiques fachos. Par ailleurs, il y a eu une réaction chez les Trois bills qui ne me semblait pas si stupide que cela, celle de "pas perdus" se demandant s'il ne s'agissait pas là d'une version moderne du Club de l'Horloge. Ce club existe toujours au demeurant. Rappelons qu'il avait pour vocation d'être un pont entre la droite et l'extrême-droite. On n'en est pas là, mais le risque de glisser vers quelque chose de similaire est grand, d'autant que le Club de l'Horloge proposait une synthèse entre nationalisme et libéralisme , synthèse aussi absurde qu'idiote à mes yeux, tant ces deux pensées sont irréconciliables. Cricitus a rejeté catégoriquement le nationalisme dans sa charte, mais pas pour de bonnes raisons : uniquement parce qu'ils diviseraient les nations occidentales. En somme, on peut donc voir son Occidentalisme comme une sorte de nationalisme de niveau supérieur...


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